Le Vent de la Chine Numéro 23
Par le vote du 10/06 au Conseil de Sécurité de l’ONU, du plan de paix au Kosovo, et les visites à Pékin (8-9/06) de Martti Hathisaari (Président de Finlande) et de l’allemand Gunter Pleuger, courtiers diplomatiques de l’Union Européenne (UE), la Chine vient de s’imposer comme une puissance incontournable de l’ONU. Elle vient de démontrer que rien, touchant à la paix du monde, ne se fait sans elle, et se flatte après coup d’avoir été le moteur de l’arrêt des frappes de l’OTAN.
Sa participation, pour autant, ne s’est pas toujours avérée «positive»: elle ne s’est jamais départie d’une défense de l’indéfendable, quitte à faire dans ses media, une présentation partiale et tronquée des faits. Avant de s’abstenir sur la résolution (autrement unanime!) des 15, elle a tenté de l’affaiblir -réclamant, par exemple, un mandat maximal d’un an pour la KFOR, force de paix au Kosovo. Auparavant, de concert avec Moscou, elle avait déjà obtenu du Groupe des 7 la concession de fermer aux Kosovars la voie de l’autodétermination (pourtant prévue dans les accords de Rambouillet): créant ainsi le risque de faire de la province une Irlande du 21ème siècle.
Mais que serait-il advenu, si l’UE, par Bonn et Reykjavik interposées, n’avait pas maintenu le lien, et si la Chine avait été laissée seule à sa théorie de « l’encerclement »? On en a un indice, par cette nouvelle ligne de politique étrangère, qu’on dit juste adoptée: renonçant à tout miser sur les USA, Pékin investirait dans 2 amitiés:
[1] avec ses voisins directs (afin d’éliminer toute occasion de conflit à ses portes);
[2] en Europe, avec tout pays hors OTAN, ou neutre. Tout ceci, afin de maintenir la «multipolarité» – contenir les USA…
Face à cet auto isolement et à cette sclérose patente, deux remarques:
– la Chine paie son refus au fil des ans, de toute réforme politique : dans un domaine inattendu,celui des relations étrangères,mais peut être le plus efficace pour induire le changement: Pékin est ultra-sensible à son image!
– seule capable de le faire, et répondant à un imperceptible appel, l’Europe vient à son secours, en cette phase critique, et fait l’effort pour maintenir la Chine dans ce dialogue mondial – ressentant qu’elle en est un élément incontournable: en politique, c’est le même mécanisme auquel on a assisté, à l’aube de la réforme économique, qui a bouleversé la Chine depuis 20 ans!
Un récent sondage des services économiques de l’ambassade de l’Allemagne permet de dresser, à défaut d’un portrait de l’homme d’affaires allemand au Pays du Milieu, du moins celui de ses soucis (par ordre d’intensité):
– 92% voient dans les tarifs douaniers l’obstacle n°1 à l’investissement et au commerce.
– 87% dénoncent les applications variables de ces tarifs d’un point à l’autre du territoire.
– 82% estiment inacceptable l’interdiction faite aux investisseurs étrangers de s’organiser en chambres professionnelles.
– 75% souhaitent une licence à durée indéterminée pour leurs bureaux de représentation.
– 74% regrettent les lourdes procédures administratives nécessaires pour l’ouverture d’une filiale de leur groupe en Chine.
– 72% réclament la suppression des quotas d’export (obligatoire) pour leurs industries.
Les autres demandes, partagées par au moins les 2/3 des firmes interrogées, concernent la libéralisation des quotas d’import (pour industries chinoises), et l’ouverture du commerce (vrac/détail) et du transport, à l’étranger.
Toutes ces exigences, réunies, reproduisant une assez bonne «photo» du futur contrat d’adhésion de la Chine à l’OMC et dont la réalisation marquera, pour les opérateurs étrangers (pas seulement allemands), une vraie «renaissance»!
D’autres précisions filtrent, sur les mesures imminentes pour relancer les marchés « B » boursiers à Shanghai et Shenzhen (réservés aux étrangers, mais qui n’en veulent guère, au vu de leurs derniers bilans, avec 100 EE inscrites, presque toutes en perte de vitesse).
Principal changement: l’accès des marchés «B»sera ouvert au secteur privé -plus dynamique, mieux géré -et qui aura lui aussi la chance de puiser la manne étrangère. De même, un vieux projet de fonds d’investissements en JV devrait voir le jour. Restent à améliorer, pour faire de ces «marchés B» un succès indiscutable, les marchés secondaires (pour assurer les échanges), et la transparence des bilans des firmes cotées.
La semaine passée, Pékin infligeait son 1er droit anti-dumping aux exportateurs nord américains de papier journal: les producteurs de jus de pomme de Californie et du Michigan renvoient la balle en sollicitant l’ouverture d’une procédure contre la concurrence chinoise.
En 3 ans, les producteurs célestes auraient fait passer leurs ventes US de 3000t à 40000t, à 9% du coût de revient, faisant chuter les cours de plus de 50% (à 3,57USD/gallon). Washington a 20 jours pour décider de lancer une enquête.
La crise asiatique n’a pas durement érodé la consommation privée en Chine.
Telle est la teneur du sondage AC Nielsen auprès de 18000 citoyens dans 18 grandes villes.
En 1997-1998, les propriétaires pékinois d’ordinateurs ont doublé (de 8 à 16% des foyers), ceux de GSM, presque quadruplé (11%). A Shanghai, 3 foyers sur 4 ont leurs micro-ondes, et 1 sur 2 à Nankin.
La Chine s’attend à acheter 1M d’appareils photo digital en 2000, et 12 M de conventionnels. Seuls 30% des foyers -en ville- en disposent… Enfin, un consultant international croit que la Chine, par les imports de son industrie électroménagère, poussera le cours mondial du cuivre de 1400 à 2500USD/t d’ici 2001…
Et pourtant, l’épargne dormante continue à monter: elle vient d’atteindre 5837MMY (contre 4620 en fin 1997). La production industrielle s’effrite: 171,6 MMY en juin (+8,9% sur 12 mois) contre +10,1% pour le 1er trimestre. Ce que cela signifie: l’effet du new deal (croissance par les chantiers publics) commence à s’essouffler!
C’est ce moment que choisit la Banque centrale (BPdC) pour couper ses taux d’intérêt (pour l’épargne à 1 an, de 3,78% à 2,25%). Comme pour les 6 autres coupes depuis mai 1996 et les 2 autres depuis janvier, la BPdC tente de faire sortir le loup de bois: forcer les banques à prêter, les consommateurs à dépenser. Ceci, dans le sillage de la relance du circuit monétaire entre Asie et USA.
NB: dans ce jeu, il faut surveiller la progression des investissements off–shore (en 1998, 11% de tous les investissements étrangers directs), qui viennent de dépasser l’investissement global, en Chine, d’une puissance comme l’Allemagne. Ces investissements off-shore pourraient cacher (pensent les experts) les caisses noires, blanchies et retournées au pays, des firmes et provinces chinoises!
En janvier à Fuzhou (Fujian), China Telecom (95%du marché) faisait saisir un commerce privé, pour avoir fourni gratuitement un service alors inconnu, le téléphone par Internet : constatant le vide juridique sur ce secteur, la cour déboutait China Telecom. En juin à Wuhan (Hubei), China Telecom faisait fermer son rival Unicom, qui avait osé offrir des tarifs moitié moins chers. Aujourd’hui, à Hangzhou (Zhejiang), un abonné porte plainte contre CT pour son incapacité à émettre des relevés étoffés. Le juge a débouté l’usager et suivi l’argumentation de China Telecom, son «incapacité technique» à fournir le détail des appels (en dépit d’un matériel souvent importé).
Tout en achevant la fusion des marchés à termes «futures» du pays, le Conseil d’Etat vient d’énoncer un règlement-cadre (intérimaire) du secteur, incluant les conditions d’homologation des bourses d’échanges, des maisons de courtage. La China Securities Regulatory Commission (CSRC) devient la seule autorité de tutelle. Les maisons de courtage doivent disposer d’un capital minimum de 30MY (3,6M USD), et se voient interdire de vendre leurs propres titres. Les Entreprises d’Etat sont interdites d’accès aux marchés à terme, sauf pour couverture légitime de leurs besoins.
Au passage du 10. Anniversaire du massacre de la place Tian An Men, la presse chinoise avait observé une discrétion de rigueur sur le crime et la corruption: elle se rattrape.
Ainsi, l’ex-vice maire de Ningbo (grosse ville du Zhejiang) est condamné à mort avec sursis, pour 1,3MY de bakchich étalés sur quelques années.
A Zhangjiang (Canton), ont été passés par les armes 6 coupables de la plus importante affaire de contrebande de l’histoire du régime (trois hongkongais, trois chefs des douanes, ayant empoché ensemble pour des 100aines de MY). A Pékin, Zhang Liangji, ex-chef de la police, alias, à son heure de gloire, le «Sherlock Holmes chinois», va rejoindre son ex-vice-ministre de la Sécu. Publique Li Jizhou au cachot. Depuis 2 ans, selon la presse, 8000 gangs de kidnappeurs ont été démantelés et 27000 femmes et enfants sauvés de la vente clandestine. D’autres prises s’attaquent (c’est une première!) aux shitou («têtes de serpent», passeurs d’immigrants clandestins, surtout vers l’Australie)… Le crime fleurit jusque dans le sport: malgré les campagnes anti-dopage en Chine, Xiong Guoming, médaille d’Or aux Jeux Asiatiques de 1998 (Bangkok), déjà suspendu deux ans sous le même délit, s’est fait surprendre lors d’un contrôle de la FINA (fédération internationale de la natation), le corps bourré de stéroïdes – et pourrait être exclu des J.O. de 2000 de Sydney.
Le Ministère des Finances vient de publier une série de règlements de contrôles des marchés publics: depuis le 1er juin, seule une série limitée d’organismes – au niveau central, et régional- est habilitée à acheter pour les autres.
L’appel d’offres devient obligatoire. L’achat de matériel étranger est soumis à autorisation -avec le double avantage de limiter les achats de luxe et de faire jouer la préférence nationale – à la veille de l’entrée à l’OMC!
NB: depuis mai, existe un règlement plus sévère encore, pour les Entreprises d’Etat : l’appel d’offres y est mieux défini (au moins deux candidats), et le service «achats» ne peut pas comporter de membre de la famille du Directeur.
Pékin prépare pour 2001 le lancement d’une navette spatiale habitée.
Tel est le scoop indélicatement révélé sur internet, photos à l’appui (cf notre photo) par une firme mongole impliquée dans la construction, en 1998, d’une rampe de lancement de la base de Qiuquan (Gansu). Le lanceur ultra-secret, CZ-2F, est dérivé de la fusée Longue Marche -en plus technique, 1ère fois assemblée sur place, dans une halle verticale -comme à Kourou ou à Cap Kennedy. La cabine spatiale s’inspire du Soyouz soviétique, valeur sure, confirmée par 35 ans de service. Premier lancement test, inhabité, pour octobre – le 50ième anniversaire du régime!
Et en attendant, samedi 12, lancement réussi de 2 satellites Iridium, depuis la base de Taiyuan (Shanxi) pour le compte de Motorola!
Au printemps 1998, Fang Jue, alors cadre du Parti et directeur de la Planification à Fuzhou, s’était soudain exprimé par voie de presse, réclamant élections, constitution à l’américaine et démocratie. Pire, il affirmait que bien d’autres camarades, et non des moindres, au sein du Parti pensaient de même.
Arrêté peu après, il vient d’en prendre pour 4 ans, au terme d’un procès bâclé en une heure, pour…prévarication. Sous réserve d’inventaire, aujourd’hui, tous les dissidents «conceptuels» sont exilés, ou en prison -jusqu’aux suivants
Dans sa course vers l’OMC, la Chine vit un paradoxe: face aux USA, aux relations pourtant tendues, le dossier est mûr: le contrat d’adhésion se fera sur la base des concessions offertes par Zhu Rongji en avril, et Bill Clinton (en renouvelant la clause de la Nation la Plus Favorisée « MFN »,) comme les Présidents de multinationales (Kodak, Fedex) assiège le Congrès pour assurer le feu vert à la Chine.
Face à l’Union Européenne cependant, quoique celle ci soit mieux vue à Pékin ces temps derniers, l’on refuse l’envoi d’une mission de Bruxelles, afin de dégager l’accord sur les 5 à 10% d’échanges non couverts par le deal sino-américain…
La contradiction est politique, et lourde: provisoirement, la Chine n’est plus prête à adhérer. A travers le pays, s’éveillent d’innombrables intérêts ayant à perdre avec l’OMC. Un fossé se creuse entre 2 camps.
Pour: la Côte, le Sud, les industries légères / électroniques.
Contre: l’Intérieur, le Nord, les Ministères des télécom, de la sidérurgie, du textile.
Zhu Rongji («Mr OMC» en Chine) paie pour avoir sous-estimé l’info et la préparation psychologique du pays, plus nécessaire en Chine (qui sort de 3000 ans de «fermeture», confucianisme autocentré) qu’ailleurs.
Débat politique: inquiet de toute question de stabilité interne, le pays peut il «digérer» son adhésion, sans heurts?
Sur le fond, la Chine a-t-elle besoin de l’OMC tout de suite? Ou peut elle attendre quelques années, le temps d’assainir son secteur public, tout en renforçant ses «piliers stratégiques» industriels et de service?
La décision devrait être prise (suite à une évaluation culturelle et politique, actuellement en cours), lors du conclave de Beidaihe, en juillet ou août. Ce qui est en jeu, n’étant pas l’entrée elle même (qui est irréversible), mais son avènement cette année. Vu les lourdes contraintes de part et d’autre, 2 ou 3 ans de fiançailles de plus, ne feraient peut être aucun mal!
Etripant une vipère pour le dîner d’un client, Jiang, cuisinier de son état à Wuhan (Hubei) fut mordu par le rancunier animal. Le seul sérum anti-venin disponible se trouvait à Canton et à cette heure tardive, plus d’avion : le patron du restaurant, honnête homme, n’hésita point, pour sauver son maître-queue, à affréter un Boeing 737 de Southern Airlines afin de le sauver, au prix de 120000Y (14460USD).
Bientôt éventée dans la presse locale, l’histoire suscita le tollé: «C’était un membre de sa famille, ou un ami proche !», étant le commentaire le plus courant des lecteurs, incrédules que l’on puisse gâcher une telle fortune pour un simple gâte-sauce. La réaction publique nous apparaît plus significative que l’aventure elle-même: signe de l’apparition d’un phénomène neuf en Chine, le sentiment d’une valeur à la vie humaine!
Le 6 juin, entre Dongzhimen et le Temple de la Lune (Yuetan), de curieux incidents troublèrent la paix des hutong (ruelles typiques de Pékin): à deux reprises, en pleine chaussée, pies et serpents s’affrontèrent en combats mortels!
Après enquête, l’Office Municipal des Forêts livra son verdict: les restaurateurs seraient avisés de mieux garder leur gibier venimeux. Les riverains voient une autre source à cette résurgence inopinée de vipères en pleine capitale: le nivellement en cours des vieux quartiers, arracherait les reptiles à leur somme séculaire.
15-18 juin, Pékin: CATEC 1999 (technologie automobile)
16-19, Pékin : Salon International de l’Internet
18-28, Pékin : Exposition Art, Architecture chinois
15-19, Shanghai : Salon de l’Automobile
15-21, Harbin (Heilongjiang): Foire Internationale