Le Vent de la Chine Numéro 12

du 22 au 28 mars 1999

Editorial : Missiles de défense US : l’impasse !

Pourquoi les Etats-Unis ont ils pris la décision politique lourde, de mettre au point, en association avec Tokyo et Taiwan, un réseau TDM (Theater Missile Defense) de défense antimissile assisté par satellite, « parapluie » évidemment dressé contre la Chine ? Plusieurs éléments ont pu jouer. Tels les exercices aéronavals de l’Armée Populaire de Libération (APL) en mars 1996 autour de Taiwan, sa pénétration lente dans l’archipel des Spratley, le renforcement de son arsenal de missiles pointés vers « la mer »,et le survol, l’été dernier, du Japon par un missile nord-coréen.

Depuis, la Chine déploie des efforts furieux pour tenter d’enrayer ce plan. Auprès des Etats-Unis : le TDM viole des traités internationaux, et lèse la souveraineté chinoise. Auprès du Japon : Tokyo doit résister aux tentations de redevenir une puissance militaire. A l’ONU, Pékin cherche à accélérer la signature d’un traité de mise au ban des armes spatiales (Jiang Zemin, à Genève le 27, en parlera). Avec la Russie, la Chine s’en tient pour l’instant à l’échange de renseignements. Elle tente même, auprès de Taiwan, de la convaincre de se démarquer de cette « provocation de l’étranger », et de chercher une solution « entre Chinois »… Négociation qui, si elle avait lieu (lors de la visite en automne du Chinois Wang Daohan sur l’île), pourrait avoir pour enjeu le retrait des missiles continentaux !

Pourquoi une telle angoisse chinoise, face à la perspective du TDM, outil exclusif de défense ? Plusieurs réponses sont plausibles :

[1] la perspective peu attrayante de dépenser (avec Moscou?) des MMUSD en mise au point d’une arme spatiale concurrente, au risque de détourner, dans la tension d’une escalade militaire, l’influx des capitaux étrangers.

[2] Le mauvais souvenir du programme « Starwars », bras de fer financier imposé jadis à l’URSS par Ronald Reagan, et qui avait brisé l’échine du géant socialiste.

[3] Enfin, le sentiment que si ce projet aboutit, le retour de Taiwan à la Mère-Patrie par la contrainte, ne serait plus une option viable : perspective insupportable parce que, selon le mot de Zhu Rongji, « si nous renoncions à cet argument, la séparation de Taiwan risquerait d’être définitive »


A la loupe : Céréales : la course au rendement

En production de grain, pour faire face à la hausse de ses besoins indirects  (pour l’élevage et la distillerie) et celle de sa population (1,25 MM), tout en sauvegardant son principe sacré d’autosuffisance (donc, presque sans imports), la Chine doit augmenter chaque année ses rendements de 42Qx/ha en 1991 à 49 en 1996.

Pour franchir cette année la barre des 500Mt de récolte, avec une hausse de 12Mt, en dépit du recul des surfaces emblavées (croissance des villes, prise de conscience de l’importance des lacs et prairies, hier drainés, pour l’écosystème), le ministre de l’Agriculture présente un plan de mesures plausibles :

[1] usage de 50 types de semences (riz/blé/maïs) à haut rendement, sur 6,6Mha (58% des emblavures).Ce qui donne pour le riz précoce, + 1/9 en surface, et en revenu, + 240MUSD. Hausse de rendement attendue : 4Mt;

[2] sur les terroirs de faible qualité, poursuite du plan pilote de fertilisation compensée, alternant les engrais aux nitrates phosphatés et potassiques : en 6 ans, + 20% soit 2,42Mt;

[3] le combat des pestes, insectes, mauvaises herbes et des rats a permis de résorber 1/10 des pertes en silo, soit 5,4Mt;

[4] enfin, l’effort sur l’élevage bovin (+ 25% en 1997), a permis une sérieuse épargne en grain : le porc qui assurait 90% de la consommation de viande en 1990, n’en fait plus que 70% en 1997 (35Mt, sur un total de 51).


Joint-venture : Coup de fouet pour l’auto

• Troisième série octroyée de licences de représentation en Chine, pour cabinets d’avocats : six américains, six répartis entre Angleterre, France (D.S. Meyer, Vovan), Suède, Japon.

• Accord de Joint venture entre les 4 banques d’Etat et Dongfeng Citroën Automobile Corporation (DCAC), pour vendre la ZX – (Fukang) à crédit, ouvert aux acheteurs privés ET aux concessionnaires. Depuis 1995, Pékin faisait blocus – dans l’espoir d’orienter l’épargne vers ses propres projets. DCAC (6% du marché) compte sur ce coup de pouce pour vendre 55000 voitures en 1999, contre 36000 en 1998.

Autre effort pour relancer le secteur, Pékin revient sur son interdiction aux fonctionnaires, d’acquérir une voiture de service de cylindrée dépassant 2,5 l. Le nouveau plafond est de 3l. – tout comme la Buick de Shanghai-General Motors, qui sort d’usine. Cet arbitrage chagrinera Honda (Canton, successeur de Guangzhou Peugeot Automobile Corporation), dont la Accord, également haut de gamme, comptait carburer à 2,3l.

• New Holland  signe une Joint venture de tracteurs, à 70/ 30%, avec Beidahuang (Heilongjiang). En 1998, le tracteur s’est mal vendu en Chine (surproduction + crise !), mais New Holland fait un nouveau produit – plus lourd (100-180CV).

• Mauvaise nouvelle pour le monde rural, au budget 1999 : d’ici 2001, les crédits opérationnels de Recherche & Développement agro-alimentaire seront réduits de 50%. Coupe brutale, sur un poste qui était déjà le plus mince de toute l’Asie (0,3% du PNB). L’idée étant de faire porter le poids de cette recherche par les firmes et pouvoirs locaux – souvent ruinés. Le résultat prévisible étant une baisse du niveau technique, et du nombre des nouveaux produits « verts » d’ici 2001.

 


A la loupe : Hong Kong : une justice innocemment frondeuse

Février avait vu une mini tempête entre la Chine et sa Région Administrative Spéciale (RAS), provoquée par un jugement de la Cour d’Appel suprême de Hong Kong qui estimait, contre Pékin, 300000 « parents »cantonais de Hongkongais, éligibles à l’immigration. Il avait fallu des remontrances officieuses chinoises, pour forcer la justice du rocher à se déjuger.

30 jours après, celle-ci récidive par la voix d’un petit juge de Première Instance, J. Findlay, qui dénie à un village des Nouveaux Territoires, le monopole du droit du vote à ses anciens, au titre des droits ancestraux. Pire, ce M. Justice griffe au passage le gouverneur C. H. Tung, accusé de négliger « la protection des droits de la personne, dans le domaine de la loi publique ».

L’impact de ce jugement est considérable : à moins que la RAS n’y mette bon ordre, jusqu’à 2 millions d’hommes et de femmes des Nouveaux Territoires (un tiers de la population globale) pourraient être admis à un scrutin local, prévu pour fin du mois.

Qu’on se rappelle : le point focal des cinq années de tension entre Chine et Royaume Uni, précédant la restitution de la Colonie, concernait le droit de vote, que le dernier gouverneur britannique Sir Chris Patten voulait étendre, en remplaçant le moule archaïque colonial, par un système plus démocratique et adapté au cahier des charges d’une 8. Puissance économique mondiale. Le jour-même de la dévolution, Pékin avait rétabli l’ancien système.

Le hasard fait que la justice Hongkongaise, pour la seconde fois en un mois, rend un verdict contraire à la volonté de l’autorité chinoise. C’est sans doute inévitable, vu l’indépendance, tous comptes faits bien réelle,  du système judiciaire. Mais jusqu’où Pékin pourra t-elle aller, sans fragiliser sa propre position, dans cette « démocratisation par la loi », au nom du respect de son propre principe, « un pays, deux systèmes »?

 


Argent : Le barrage des Trois Gorges, à sec

• Le barrage des 3 Gorges manque de fonds. Sur les 9,6MMUSD que coûtera la seconde tranche des travaux, seuls 6,6 sont fournis. L’Etat compte réunir le solde par emprunts et bons du trésor. A mesure que le budget flambe (trois fois l’estimation initiale), s’éloignent les temps du financement public exclusif.

• Jusqu’à hier, quand un organe financier allait mal, Pékin le recyclait auprès d’une grande banque, qui vendait les actifs et tentait de recouvrer les créances. Avec l’affaire GITIC (Guangdong International Trust and Investment Corporation), il a fallu passer en janvier 1999, à la faillite, les créanciers étant priés de s’adresser au tribunal : méthode « saine », mais peu au goût de l’étranger.

Ce mois-ci, on revient à une méthode plus douce : la banque Everbright reprend la China Developpment Bank (CDB) sa filialeChina Investment Bank (CIB), aux actifs de 80 MMY, mais perclus de mauvais prêts en Y (50%) et en devises (80%).

Reprise de la moitié du personnel, de 29 des 49 bureaux régionaux, des 137 agences – et des dettes. La CDB empoche les 20 autres bureaux, (il n’en avait qu’un jusqu’alors). Ce qui fait d’elle, selon les experts chinois, le grand vainqueur de l’affaire, ayant hérité d’un réseau national, « gratuitement » – en  laissant les dettes à Everbright. Après 5 ans d’existence comme outil étatique, la CDB peut devenir une vraie banque commerciale.

• Jusque hier, la Chine importait 200000t de coton qu’elle réexportait transformé (1er  producteur mondial). Bas rendement et chute des cours ont imposé en 1998 une vigoureuse saignée  : 5 M de navettes supprimées (10M d’autres suivront). Résultat, en janvier 1999, la Chine a exporté 10300t (+ 91%) et importé 10Mt (- 85%) : elle devient exportateur net.

 


Pol : Etats-Unis : le déficit commercial empire

• Neuf mois avant son retour à la Chine après cinq siècles d’escapade Macao reçoit pour la première fois (il est temps !) deux têtes politiques des puissances marraines. Qian Qichen, Vice Premier, Jorge Sampaio, Président du Portugal, ont discuté des détails de la rétrocession.

Curieusement, c’est le Portugais qui s’inquiète de la violence montante dans l’enclave, et le Chinois qui dénie, dénonçant les « exagérations de la presse ». Ce reproche voilé du Portugais, et cet optimisme du Chinois, reflètent deux faits :

[1] la  (sanhehui, « société des trois harmonies », c’est à dire mafia), cause de cette flambée d’insécurité, provient de Chine;

[2] les préparatifs pour le grand retour, ont été effectués jusqu’à présent unilatéralement par Pékin.

En dépit de ces arrières pensées, les deux jours de rencontre ont été parfaitement souriants et cordiaux (suivant le style spécial des rapports sino-lusitaniens) : à l’issue, Qian a annoncé que l’entrée de 1000 soldats de l’Armée Populaire de Libération à Macao, (dont Lisbonne ne veut pas!) anticiperait le retour à la Chine (19 décembre). Enfin, aucune solution n’a été trouvée sur les grands dossiers en panne, tel celui de la Cour d’appel.

• Le ton va tourner plus encore à l’aigre entre Pékin et Washington, après publication du bilan commercial américain pour janvier : le déficit a battu un record, 17 MMUSD, dont 25% made in China (la Chine dépasse le Japon, comme premier fauteur de déficit commercial américain).

Ce déficit a crû de 900 MUSD depuis décembre, suite à une fièvre à l’export des aciers chinois (+ 65%). Dans le même temps, les exports yankee plongeaient en chandelle, – 40%, (de 1,35 à 0,780 MMUSD – niveau le plus bas depuis 1997.

• Wang Daohan, « M.Taiwan » au gouvernement chinois, se rendra à Taipei en automne, et pour parler de réunification : deux concessions que Taiwan semble avoir été contrainte de faire, alors qu’elle souhaitait une visite plus printanière et une discussion sur des sujets moins compromettants (de style « bon voisinage »).

• Le Parti Communiste Chinois a un nouveau PDG : le plus proche conseiller de Jiang Zemin, Zeng Qinghong, hier patron du tout puissant Secrétariat du Comité Consultatif, vient de passer Directeur du Département de l’Organisation du Parti Communiste Chinois, ce qui, techniquement, fait de lui l’administrateur du plus grand parti politique au monde.

•Fangfa Méthode »), revue scientifique, ne publiait qu’à 20000 exemplaires, mais au bénéfice des hautes sphères des décideurs et faiseurs d’opinion. Ces derniers temps,  Fangfa faisait un peu trop dans les sciences « sociales », et avait notamment été avertie, après publication d’un article co-signé par un candidat à une sulfureuse formation non autorisée. Fangfa avait alors osé tenter de se faire défendre par une campagne de la communauté des chercheurs : elle vient d’être suspendue indéfiniment.


Temps fort : Métro de Shanghai : ligne 3 pour Alstom

Le groupe franco-britannique Alstom aurait obtenu le contrat, convoité par le monde entier (Siemens, Adtrans, ABB) pour l’équipement en matériel roulant de la ligne 3 du métro de Shanghai, qui reliera Pudong à la ville, jusqu’au futur aéroport international.

Contractant : Shanghai Electric Corporation (SEC)

Montant : « bien plus d’un 1MM FF »

Fournitures : 154 voitures automotrices

Délocalisation et transfert technologique : une Joint venture serait créée, à Shanghai, 60% Alstom et 40% SEC, pour la production du système traction-moteurs.

Etat du contrat: paraphé (marquant l’accord entre les parties sur les conditions techniques et financières). Le protocole octroyé par l’Etat français (montant des prêts et bonification  d’intérêts accordées par la France) a été signé ce vendredi; reste un feu vert à donner par Zhu Rongji (pas avant fin avril, pour cause de calendrier chargé), concernant l’étude de faisabilité.

Financement : consortium des principales banques françaises opérant en Chine (Paribas, Indosuez, Crédit Agricole, Société Générale) – Chef de file, BNP.

Perspectives : un autre contrat sera signé d’ici juin, concernant la signalisation, pour 35 à 45MUSD (Alstom serait également sur les rangs). A plus long terme, d’ici 2009, ce sont 11 lignes que Shanghai compte construire – 45% du marché potentiel chinois !

 

 


Petit Peuple : Le châtiment du gâte-soupeois

• Bao Qingfang, citoyenne de Handan (Hebei), n’avait (comme de coutume en Chine socialiste) qu’une fille, belle et assez douée pour avoir été admise à l’université. A cause des trop longues heures d’études sans chauffage, celle-ci contracta une pleurésie, nécessitant une ponction du poumon. Pour son malheur, la jeune fille fut internée à l’hôpital municipal (bonne adresse à éviter), où un chirurgien charlatan (infirmier de formation) lui infligea cinq perforations au foie, ce dont elle décéda.

Deux ans durant, mme Bao se battit en justice avec la rage de qui n’a plus rien à perdre. Le verdict qui vient de tomber fit sensation : trois ans de prison avec sursis, et 80000Y de dommages – ce qui n’est pas cher pour la vie d’une belle fille !

• Lu Jun, arbitre de football,a bien de la chance : accusé par le journal Yangcheng-Sports-News de fraude d’arbitrage, il vient de gagner son procès en diffamation, et c’est 12 000USD que le tribunal de Pékin vient de lui accorder, pour « sérieux dommages émotionnels » (8 fois plus qu’à Mme Bao). Toujours plus, le football professionnel chinois est secoué par des scandales et rumeurs de trucages des matchs.

• Le gang des empoisonneurs de soupe à l’âne est hors d’état de nuire ! Le 8 mars, 148 clients du Palais Tang, à Luoyang (Henan) fuyaient, les mains sur le ventre, comme ils pouvaient vers les hôpitaux adjacents. Comme la police l’a bien montré, c’étaient, très classiquement, le restaurant concurrent et un cuisinier récemment chassé, qui avaient conspiré pour verser dans le brouet asné une dose d’acide nitrique… Cinq gâte-soupe ont été arrêtés, un sixième est en fuite !

 


Rendez-vous : Avril, mois des foires régionales

• 8 – 12 avril, Xiamen : Foire « Taiwan »

• 14 – 17 avril, Shanghai : Foire du Verre et de la Faïence

• 15 – 30 avril, Canton : 85e  Foire commerciale

• 16 – 20 avril, Pékin : Foire de l’Immobilier

• 19 – 21 avril Pékin : Foire des produits chimiques « ménagers »

• 20 – 23 avril, Pékin : Foire Européenne de l’agro-alimentaire (avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Versailles)