Le Vent de la Chine Numéro 10

du 15 au 21 mars 1999

Editorial : USD, HKD : Pékin renforce la mise !

Pourquoi la Banque Populaire de Chine, le 9 mars, a-t-elle haussé les taux d’intérêts du USD et HKD (de 3,75 à 4,44%, et de 4,37 à  5%)? Ce mouvement contredisant toutes les baisses précédentes, suggère une forte confiance de la banque centrale dans sa monnaie, malgré les mauvaises performances de l’économie en janvier-février (- 1% par rapport à 1998 pour la production industrielle, – 10% pour les exports). A cette question, voici quelques éléments de réponses :

[1]La Banque Populaire de Chine (BPdC) prétend s’aligner sur le monde, alors que la rémunération du USD est passée à 5,23% à New York (taux fort, pour calmer une économie un peu trop vive), et celle du HKD à HK, à 7%.

[2] Pour les experts, l’Etat veut renforcer les réserves publiques en devises, en les payant mieux (inciter les groupes chinois à rapatrier une part de leurs profits extérieurs). Argument qui prend tout son sens, quand on voit Standard & Poor annoncer qu’en 1999, Pékin boudera l’étranger pour ses financements d’infrastructures, préférant puiser dans ses 148MMUSD de réserves, d’un coût moindre – mais en hausse !

[3] Idem, la BPdC serait satisfaite du résultat de sa chasse aux devises en fuite, (elle en rapatrié 2,3MMUSD), et verrait de ce fait les pressions sur le Yuan, suffisamment allégées pour relever sa garde.

[4] Enfin, la meilleure explication de ce remaniement, pourrait tenir dans la prédiction de ce directeur d’un Institut de recherches du Ministre du Commerce : l’investissement direct étranger (l’IDE qui, selon la même source, n’a pas atteint pas 45MMUSD en 1998, erreur statistique résultant des bilans mensongers de provinces, mais 30 tout au plus) baissera en 1999 de 55%, et ne franchira pas la barre des 20MM. Les raison à cette retraite, étant l’incapacité du marché chinois actuel à rémunérer immédiatement l’IDE, et la réémergence d’économies asiatiques restructurées, assez fortes pour recevoir des capitaux, pas assez pour en fournir. Sur le marché de l’emprunt, la Chine n’est plus seule !

 


A la loupe : Le Tibet socialiste a 40 ans

Le Tibet vivait mercredi 10 un 40e Anniversaire passionnel, de l’assujettissement du Toit du Monde. C’était aussi la 10ème  lune suivant l’ultime soulèvement – réprimé dans le sang – contre l’occupation. A Lhassa, plusieurs moines ont été arrêtés pour crier des slogans dans la rue, devant leur temple du Jokhang.

La presse « couvre » l’événement d’une avalanche d’articles thuriféraires des bienfaits de la Libération (les 1,2MM de PIB attendus fin 2000, les 81% d’enfants scolarisés), et couvrant d’avanie le Dalai Lama, accusé d’oeuvrer avec les forces anti-chinoises et séparatistes.

A l’occasion de ce 40e anniversaire, le Dalai Lama tire de la situation une évaluation insolite : « à l’intérieur, la vie semble frustrante et désespérée; du dehors, on a des raisons d’espérer ». Ces raisons étant le soutien montant au Tibet (nouvelle cause mondiale) et en Chine même « l’émergence d’un soutien et souci ». De fait, en 1998, des négociations secrètes au plus haut niveau, encouragées par B. Clinton, avaient été très loin (prévoyant une visite du Dalai Lama en Chine, premier pas vers une normalisation), puis désavouées par Pékin après que le chef spirituel les eût publiquement évoquées.

A noter la coïncidence : ce durcissement de Pékin a eu lieu au moment de son recours à la répression contre les dissidents, qui négociaient la reconnaissance de leur « Parti de la démocratie ». Le Dalai Lama, qui connaît la Chine, semble penser que l’intransigeance et la tension, sans rapport direct avec le dossier «Tibet », ne seront pas éternelles.


Joint-venture : Feu vert aux Joint Ventures étrangers – privés

• A l’approche des beaux jours, Walls, branche « crème glacée » du géant américain Unilever, livre à ses adversaires une guerre des prix sans merci : – 25 à 30% en moyenne. Mauvais coup pour Nestlé (dans les glaces, comme dans les cafés solubles et les soupes), et surtout pour Yili, qui ne dispose pas des « trésors de guerre » des deux multinationales.

En 1998, Walls partage avec Nestlé 49% du marché des crèmes glacées. Yili perd son avantage n°1. Walls a déjà l’avantage du nombre des présentoirs (consignés au commerçant par le glacier en échange du stockage exclusif de ses produits). Reste à Yili l’avantage de la faveur chinoise aux produits « nationaux », et de parfums locaux, non suivis par les rivaux étrangers

• Autre moyen pour relancer l’économie et freiner la fuite des capitaux, Pékin donne aujourd’hui sa bénédiction au mariage entre firmes non-chinoises et du privé. Le secteur privé, qui assure aujourd’hui 25 à 30% du PIB, comporte de plus en plus de groupes au chiffre d’affaires (voire, au bénéfice) dépassant le MUSD par an.

Ce secteur est en quête de partenaires susceptibles de lui fournir capitaux et technologie : telle la « Leshan lucky dove leather co. » (Sichuan), contrôlée à 51% par son ex-administrateur judiciaire, mme Hu Ying. Leshan est précurseur du nouveau système, par un accord de Joint Venture avec l’International Finance Corporation et un autre partenaire étranger.

 


A la loupe : Chine – USA : le poison se diffuse !

Révélée le 11/2 par l’arrestation d’un citoyen chinois à San Diego, l’affaire d’espionnage chinois aux Etas-Unis gonfle chaque jour. A présent ce sont deux Chinois (dont un naturalisé canadien) qui sont inculpés dans cette tentative d’ export illégal de gyroscope à fibre optique, et un autre (de passeport américains) sur point de l’être, pour un cas plus grave encore, et plus ancien : Wang Ho Lee, chercheur au laboratoire national de Los Alamos, aurait détourné pour la Chine, dans les années 1980, suffisamment de données sur la miniaturisation des ogives nucléaires, pour lui épargner 15 ans de recherche… Congédié, il est toujours (à la dead line de cette édition), en liberté. Cette affaire comporte deux aspects :

– elle n’est pas sans fondements. Un ratissage chinois d’informations technologiques (civiles et militaires), est attesté, au-delà de tout doute, à travers l’Europe, depuis des décennies

– elle est politiquement motivée. Les sentiments négatifs sont exacerbés, aux Etats-Unis, par les 57 MMUSD de déficit commercial en 1998, et par l’approche du 10e  Anniversaire du massacre de la place Tian An Men. La polémique se déroule sur fond de « comptes à régler » entre Démocrates et Républicains, ces dernier n’ayant pas digéré leur échec dans la tentative de destitution de B. Clinton, suite à l’affaire « Lewinski »…

Tout se passe comme si le déroulement de l’affaire (la gestion de ses « révélations ») était programmé de manière à culminer, en anticli max, lors de la visite de Zhu Rongji dans trois semaines, et comme si l’Amérique de 1999 se défiait des relations « étroites » voulues par B. Clinton. Comportement issu de la crise,qui ne résoudra rien sur le fond. Il faut souhaiter que Zhu à Washington, trouve dans son charisme les moyens d’inverser la tendance, et surtout que le Vieux Continent ne suive pas le Nouveau Monde dans sa tentation !

 


Argent : Kelon réinvente la déontologie industrielle

• En 1998 (cfVDlCn°9), la production d’ordinateurs accusait une hausse de 41%. Le bilan statistique des ventes est moins brillant : + 13,9% (17,8MMUSD), face aux + 41,3% de 1997 : conséquence directe de la réforme administrative (avec une coupe franche de la moitié du personnel). L’ordinateur privé résiste mieux, + 16,6%, à cette importante nuance près : les étrangers sombrent (recul des ventes), les chinois empochent leur marché (+ 42,8 %) : meilleur rapport qualité/prix, voire  guanxi (entente) plus étroite entre producteurs et distributeurs.

• Devenu en 14 ans n°1 national de la réfrigération domestique, le cantonais Kelon se dote d’un des premiers codes de conduite industriels du pays : Kelon s’engage à assurer le respect du personnel et l’égalité des chances de promotion, la satisfaction du consommateur (qualité, sécurité, Service Après Vente), concurrence loyale et saine gestion. Cette démarche a lieu dans un climat de repli du marché : phase d’adolescence et palier de maturation.

• Pékin annonce l’achèvement du réseau intermodal (routier, ferroviaire), radial Est-Ouest, pour un investissement de 2,5 MM USD. Historiquement, les grands axes chinois sont Nord-Sud (Pékin-Shanghai-Canton) : la ligne fer Kunming-Nanning et les 49 sections de voies rapides raccourciront de centaines, voire de milliers de km la distance du centre-ouest pauvre vers les ports du Guangxi (15 nouveaux appontements de 10000 t). Ceci, au bénéfice des nombreuses matières premières locales – charbon, fer, étain, aluminium et fruits et légumes d’hiver !

• Dans la série « cadeaux pour la fête du Printemps », (après la dorénavant immortel le chaussette conçue pour écraser le portrait de l’ennemi, cf VdlC n°8), un autre présent s’est beaucoup pratiqué le mois dernier : celui de la police d’assurance « médicament », en complément de la nouvelle Sécurité Sociale.

Pour un montant entre 300Y (enfant) et 560Y (adulte) par an, cette mutuelle (un service des compagnies d’assurance) couvre 12 maladies, et constitue un pas de plus, conformément à la volonté publique, vers la prise en charge par le Chinois de sa santé – avec les conséquences que cela implique, en terme de consommation, sur le budget du foyer.

 

 


Pol : Corruption : première exécution d’un PDG

• Wang Lixiong était cet écrivain à succès, n’ayant pas froid aux yeux et prêt à prendre ses risques pour écrire des romans «véristes», « fantastiques » mais surtout à l’extrême limite de la correction politique. Il avait notamment publié le « Péril Jaune» (1991), qui imaginait la chute du Parti Communiste Chinois et une troisième guerre mondiale, puis l’invasion des Etats-Unis par quelques centaines de millions de réfugiés chinois : immense succès sous le manteau (Interdit en Chine, Wang est officiellement publié au Canada) !

En 1998, « l’enterrement du Ciel » pouvait encore passer, quoiqu’il étrillât rudement le pouvoir socialiste, dans un contexte tibétain. Wang vient de faire le pas de trop : il vient de se faire jeter dans une geôle du Xinjiang, où il effectuait un repérage pour son prochain ouvrage sur le séparatisme musulman.

• La Chine (séculaire, impériale) a toujours marqué sa volonté de faire respecter ses décrets, par des avertissements « en nature », de préférence à des dates symboliques. Le Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire n’a pas failli à cette tradition. Un des thèmes moteurs du discours introductif de Zhu Rongji avait été la lutte contre la corruption : Jeudi 11, au milieu de la session, a eu lieu (c’est une première) l’exécution de Cao Yasha, ex-Présidente du groupe industriell Haizhou (Shandong), qui avait détourné en 1996, avec un complice, 3MUSD en aides d’Etat à leur firme. L’homme de paille a reçu la prison à vie. On appelle cela,  sha ji gei hou kan, « tuer le poulet et le montrer au singe (pour lui faire peur) » !


Temps fort : Les très riches heures de l’informatique en Chine

La toile et l’informatique chinoises ont connu, cette semaine, un feu d’artifice de décisions et contrats – preuve de plus, si nécessaire, de l’avenir brillant qui se prépare :

[1] Microsoft a remporté sa première victoire légale. Pour avoir piraté Windows 95 et Office 97, les pékinoises Min’an et Seastar devront lui verser 96000 USD et des excuses. Verdict qui ouvre la voie à bien d’autres à travers le pays. Microsoft signe aussi, à Hong Kong et à Shenzhen, deux contrats de réseaux expérimentaux qui permettront à des millions d’usagers de télécharger, en location, films, logiciels, jeux, programmes télévisés et éducatifs.

Venus, le second projet, est associé à sept industriels majeurs, qui fourniront des PC compatibles entre eux, modulés par marchés et à bas prix, de technologie 32 bits.

[2] N°1 mondial de son secteur, Compaq inaugure (avec CIHC) le 9/3 à Pékin, la plus grande librairie virtuelle d’Asie – 160 000 titres disponibles, payables en ligne, par 5 cartes de crédit. Le site a reçu, en 48h, 300000 visiteurs. La Banque Populaire de Chine contribue à ce premier projet majeur en Chine de vente sur Internet, en préparant (d’ici fin 1999) avec 11 banques, le Centre National d’échanges par Carte Bancaire, et un Centre d’Identification Sure.

Autre contrat avec CS&S, n°1 national du logiciel, de recherche et production du microprocesseur Tru64 Unix, en 64 bit, « chip » de l’avenir ! Au total, Compaq va investir 30MUSD sur 3 ans.

[3] Avec la poste, Kodak inaugure un réseau de « carte postale- photo personnelle ».

[4] Enfin, la compagnie française de logiciels Ubi Soft ouvre un partenariat avec l’Académie Pékinoise du Film, pour un jeu informatique basé sur les oeuvres des peintres chinois. Projet avoué : faire de la Chine le Hollywood de l’industrie du logiciel de jeu –rien moins !

 


Petit Peuple : Féroce guerre des bus et des moto-taxis

• Cela faisait 5 ans que les gens de Shifouying, ville nouvelle en pleine brousse, attendait sa desserte vers le chef-lieu. Les bus sont arrivés, flambant neufs. Hélas, la plupart des panneaux indicateurs, aux arrêts, ont mystérieusement disparu dans les jours suivant leur installation.

Ce qui déroute singulièrement les usagers, encore peu familiers de la route et des correspondances. Accusés par les masses : les  modi (moto-taxi), qui se seraient prévalus de ce moyen déloyal pour conserver quelques semaines de plus, leur gagne-pain.

• « Pour qui sonne le gong ? », hurla de terreur ce couple en visite au cimetière de Mazhuang (Jiangsu) : un aria lugubre de  (Jingju, opéra de Pékin) s’échappait d’une tombe fraîchement remuée…

Prenant leurs jambes à leur cou, puis revenant avec quelques proches, le fossoyeur, des pelles et des pioches, ils découvrirent le fin mot de l’histoire : ni représentation funéraire à huis clos, ni vampires mélomanes, le mort était simplement grand amateur de cette musique ancestrale, et sa famille avait cru bon « accompagner » sa montée aux cieux, d’un transistor dans le cercueil, réglé sur une chaîne de radio de …

• La constance paie, en Chine ! C’est à son troisième essai que le suisse Bertrand Picard accompagné du britannique Brian Jones, a finalement réussi à franchir l’obstacle de la Chine, dans sa circumnavigation, à bord de l’aérostat Breitling-Orbiter (III). Le deuxième essai, en décembre 1998, avait échoué faute du permis de survol du territoire. Cette fois, le feu vert fut donné à temps, mais seulement au sud du 26° de latitude forçant l’équipée et ses météorologistes à des prouesses techniques. Finalement, la Chine fut franchie en quelques heures, mercredi 10, à vitesse d’enfer, 150km de moyenne (à 9000m de hauteur). Seule ombre aux bonheur des aérostiers : celle du plafond impénétrable des nuages, qui les empêchèrent d’admirer l’Himalaya. Ce samedi, ils sont à mi parcours – avec 11 jours de propane de réserve, et le plus dur derrière eux (cf. notre illustration en «Une»).

 

 


Rendez-vous : Jiang Zemin, Tang Jiaxian en Europe

• 20 – 31 mars : Jiang Zemin en Europe – Italie, Suisse, Autriche

• 17 – 31 mars : Tang Jiaxian, ministre des Affaires Étrangères en Scandinavie (4 pays) et Allemagne

• 12 – 20 avril : visite de la Reine Beatrix des Pays-Bas, etune délégation d’hommes d’affaires

• 1 – 4 avril Pékin : Foire « des techniques informatiques boursières » (sic)

• 6 – 10 avril Xian : Foire commerciale et d’investissemnts croisés, régions côtières et de l’intérieur