Le Vent de la Chine Numéro 1
Sur le front politique, l’événement de la fin d’année, a été la série de lourds verdicts à l’encontre de dissidents: dont Xu Wenli, condamné à 13 ans. Tous, sous l’accusation de subversion, principalement pour avoir tenté d’enregistrer un parti d’opposition (dit « de la démocratie »). C’est la plus lourde pression policière en trois ans, imposée depuis fin septembre par Jiang Zemin, afin d’« écraser la subversion dans l’oeuf », après des mois de permissivité, et un 1er Min. Zhu Rongji, un instant apparemment tenté de soutenir plus de liberté de la presse. Pourquoi ce raidissement?
[1] Parce que perdure la crise asiatique. L’énorme effort public d’investissement d’infrastructures (+22% en ’98), a échoué dans la relance de la demande privée. L’Etat hésite à poursuivre au risque de s’endetter. Du coup, d’autres ambitieuses réformes (administrations, Entreprises d’Etat) sont ralenties, et leur auteur, Zhu Rongji, est affaibli.
[2] L’apparente division ou volonté de compromis, sur la question de ce parti nouveau, a pu exaspérer la tendance dure, pour qui une seule chose demeure non-négociable, la stabilité du pays et la pérennité du pouvoir. Deux échéances pourraient, selon des dissidents modérés, rendre « nerveux » la Partie Communiste Chinoise (PCC): le 1er octobre, 50ème anniversaire de la fondation du régime, et surtout le 4 juin, 10ème anniversaire du Printemps de Pékin. A noter enfin que des dissidents, dans et hors de Chine, parlent d’enregistrer en avril un autre parti (dit « des travailleurs »), et que la décision de fermeté, au sommet, ne ferait pas l’unanimité. Autant dire que cette campagne n’a, sur le fond, pas apporté de solution.
Jusqu’à hier, la Chine de la banque était partagée sur l’Euro, entre une thèse anglo-saxonne doutant de son succès, pour des raisons de coût et de vocation trop politique, et celle de Bruxelles, prévoyant sur le marché mondial des changements immédiats, avec avantages pour toutes les parties. Aujourd’hui, la Chine à fait le choix inévitable – pour l’Euro:
[1] 30 à 40% de ses réserves en devises (144,5 MMUSD en déc.) seront libellées en Euro d’ici quelques années. Taiwan est loin d’être en retard, ayant converti pour (jusqu’à) 20MM USD d’obligations de FF et DM en Euro.
[2] Les banques offrent tous les services en Euro, depuis lundi 4 janvier 1999.
[3] Les taux de la Banque de Chine (BdC) pour des monnaies « Euro » (DM, FF, FB, florin) ont été unifiés et baissés, en prévision d’une réappréciation de facto :2,1875, sur 3 mois. La livre britannique, hors-Euro, passe à 4,625.
Parmi les étrennes de l’Euro à la Chine, figurent l’accès à un marché compétitif, unifié des capitaux, moins de pertes de change et une meilleure protection contre le risque de change.
Mais la Chine devra renoncer à sa tarification multiple, et devra s’attendre à plus de procédures anti-dumping: du point de vue de ses exports, déjà mis à mal en 1998. Il n’est pas dit qu’elle y gagne au change.
La Chine compte 4M de citoyens souffrant de cataracte, en croissance de 10% par an. Pour eux, grâce à l’aide du Lion’s Club, une usine s’ouvre à Suzhou, qui produira 200000 lentilles intraoculaires/an, à moins de 10 USD/pièce, soit 30% du prix de marché.
De plaisir, Ronald McDonald peut s’essuyer les mains à son tablier: en 10 ans, 200 cantines à hamburger ont fleuri dans 28 villes, créant 20000 emplois. 52 fermes sous contrat lui ont livré en 1998 pour 108 MUSD de produits, dont 10000t de pommes de terre, 3500t de boeuf et 730t de sucre. Mais Kentucky Fried Chicken va encore plus vite: 280 restaurants dans 65 villes.
Une ambitieuse JV sino-chinoise vient d’être signée, dans le domaine du design de circuits intégrés. Pour 12MUSD d’investissement, la pékinoise (SDIC) et le Shenzhen Advanced Science Enterprise Group., créent Guowei, spécialisée dans la conception de « puces » et de produits de compression de fréquence vidéo. Guowei remplira un créneau encore vide en Chine, pont entre l’industrie et le marché : seuls 20% des circuits intégrés consommés en Chine, sont localement produits.
La tempête rencontrée en 1998 par l’industrie chinoise, du fait de la chute de sa compétitivité, s’exprime le plus nettement dans la construction navale. En 1997, la Consortium Chinois de la Construction Navale (CSSC) recevait pour 1,63MDWT de commandes, dont ¾ destinés à l’étranger. Mais cette année, ce sont les armateurs chinois qui ont placé pour 1,79M DWT… au Japon et en Corée.
Une baisse de 9% puis 16% de la taxe industrielle (normalement de 17%) n’a pas suffi à enrayer la tendance. Les clients étrangers rechignent même à honorer leur commande. Pékin cède donc à la demande des professionnels, et vient d’ordonner à ses armateurs, d’acheter chinois.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres: les transporteurs peuvent échapper à toute taxe, en passant sous pavillon de complaisance, pratique dont la popularité se constate dans n’importe quel port chinois. Jouent aussi les dimensions, l’intégration bien plus grandes des chantiers extérieurs, qui leur permettent de livrer non seulement moins cher mais aussi plus vite et plus technique.
Or d’ici 4 ans, la flotte commerciale chinoise commandera au moins 120 navires, 5M DWT au total, avec une demande pressante dans les grands vraquiers – navires à haute technologie ajoutée, que la concurrence devrait être mieux à même de satisfaire…
Réaliste, Xu Penghang, Président de la Consortium Chinois de la Construction Navale (CSSC), espère pouvoir éviter une érosion excessive des commandes intérieures»…
On ne voit guère comment.
[1] Pour l’Office Statistique, le taux de croissance du pays en 1998, atteindrait 7,8% (presque l’objectif). Ce, en dépit de bilans falsifiés par des provinces. Le Produit National Brut (PNB) serait de 961MMUSD. Les investissements étrangers (45 MMUSD, soit ½ de ces investissements dans les Pays en Voie de Développement PVD) seraient stationnaires par rapport à 1997. Mais cette croissance reste la meilleure au monde (comparée aux moins 14,8 % de l’Indonésie, et aux +1,8% de la planète).
[2] Les usines ont réussi à réduire les invendus de près de 4%, à 75,8MMUSD en octobre, (5,8% de leur produit industriel), mais elles l’ont fait surtout pour cause de mévente: de janvier à novembre 1998, les profits ont baissé de 22%, et les Entreprises d’Etat ont vu leurs pertes monter de 36%, à 9,5MMUSD, dont ¾ chez les Grandes Entreprises d’Etat (GEE), 49% des Entreprises d’Etat «sont dans le rouge», dont 55% de Grandes Entreprises d’Etat (GEE).
[3] La mévente s’exprime le plus net dans le secteur automobile: production =moins 4% (1,49M), ventes = moins 5% (1,43M) : la pire année depuis 1990!
Après 5 fonds d’investissement de 240MUSD chacun, lancés entre avril et juillet, une seconde série a débuté le 30 décembre à Shanghai: Puhui, fonds du même montant, géré par le groupe Penghua et déposé à la Banque des communications.
Canton vient d’ouvrir sa 1ère ligne métro (18,5km), et Shenzhen lance les travaux pour deux lignes (14,8km). Dans la poursuite de la politique d’investissement publique, les fournisseurs étrangers espèrent pour bientôt quelques feux verts parmi les 20 projets en souffrance. D’abord, les (partiellement) solvables: Shanghai-III, Canton II, puis d’autres -Wuhan, Qingdao, Dalian.
Deux fraudes exceptionnelles:
[1] Dans le Yun-nan, cette route toute neuve de 72km,d’un coût de 377MY, s’est dégradée après 18 jours à peine, et a coûté déjà 100MY en réparations. Pékin a gelé tous crédits routiers, dans l’attente des résultats de l’enquête. Lesquels parlent de corruption, lots alloués à des firmes plus virtuoses de la (hongbao, « enveloppe rouge », ou commission)que du rouleau compresseur;
[2] 2 pirates d’Internet, qui voulaient soulager la Banque du Commerce de 260000Y, sont condamnés à mort. C’est un avertissement.
Premiers tours de turbine pour la mégacentrale hydrothermique de Tianshengqiao sur la rivière Hongshui (Guizhou). D’un coût de 1,25 MM USD, ces deux unités auront en 2000 une capacité de 2,52Mkw, et sont déjà reliées à Canton par 628km de ligne à haute tension toute neuve, d’une capacité d’1,35Mkw.
Corruption, indiscipline: deux fléaux montants, que le Président Jiang et le 1er Ministre Zhu tentent de combattre par des voyages fréquents en province. Tel Zhu, mercredi à Yichang (Sichuan), site du projet de barrage des Trois Gorges. En l’absence d’une réforme politique, Pékin prépare une (nouvelle!) campagne de rectification, qui voudrait remplacer les cadres vénaux, passifs, ou indociles. 1er de la liste : Meng Qingping, ex-vice gouverneur du Hubei accusé d’avoir empoché, en poste à Hainan, 200 000Y, et de mener une vie «dissolue».
Idem, la fameuse campagne yanda (coup de poing) se poursuivra en 1999 pour la 3ème année. La petite délinquance et la violence progressent vite, surtout celles des jeunes, qui comptent pour plus de 2/3 de tous les délits. Sous le stress (inconnu il y a 10 ans) de la société de marché, les parents n’ont plus le temps de parler à leur enfant, qui de plus se trouve être (planning familial oblige) unique, gâté et perdu par absence de repères. Tel Guo Hui, 20 ans, condamné à mort pour avoir cassé une banque de banlieue et trucidé l’employée. Guo s’ennuyait, et se prenant pour un héros de B.D., se croyait invulnérable.
Richard Branson (Président de Virgin), Steve Fossett et Per Lindstrand, à la conquête du 1er tour du monde en aérostat, ont vraiment tout gagné: non seulement leur ballon a dû amerrir (25/12) au large de Hawaii, ratant le record, mais encore, pour avoir forcé leur passage à travers la Chine (ignorant l’ordre de se poser), ils ont causé la suspension sine die du permis de survol du territoire: les autres expéditions en préparation, suisse et britannique, les remercient.
Outre la loi boursière (cf p.1), l’ANP a aussi adopté une loi révisée du mariage, et étudié des projets de lois anti-taxes illégales, ainsi que, dans ce contexte, une procédure de recours de l’individu contre l’Etat. Ces dispositions étant, dans l’esprit des édiles, «cruciales, pour créer un gouvernement honnête et intègre».
12 sections, 214 articles… La loi sur la Bourse, approuvée mardi 29 décembre 1998 par le bureau de l’ Assemblée Nationale Populaire (ANP), clôt un débat vieux et féroce (vu les intérêts en jeu) et donne au secteur, enfin, un cadre cohérent, systématique, tenant compte des 8 ans d’expérience accumulée.
Objectif : Réduire les abus boursiers, surtout du fait des Entreprises d’Etat industrielles et financières (délit d’initié, fraudes à la souscription, vol des fonds du client).
La loi énumère clairement les conditions de cotation. Elle alourdit les peines et renforce les pouvoirs de régulation de la Commission de régulation boursière (CSRC). Elle impose aux agences en Bourse de séparer leurs comptes de ceux des clients, et établit des cloisons étanches entre banque, souscription et courtage. Donc, pas d’Entreprises d’Etat sur le marché des valeurs, ni de banques dans la souscription: cette dernière disposition ayant été disputée jusqu’au dernier instant.
Par cette loi qui entrera en vigueur au 1er juillet, l’Etat espère rétablir la confiance -relancer la demande, dans la Bourse comme ailleurs. Or, cette Bourse est aujourd’hui infime (827 firmes cotées, 37 M de porteurs, et pour 240 MMUSD de titres), et la marge d’expansion immense. En septembre 1998, l’épargne atteignait 620MM USD: la différence entre ces chiffres étant le marché potentiel!
NB: L’exclusion de l’étranger de la Bourse (parts « A ») est confirmé: choix «national», justifié par la crainte des raids, comme en ont souffert toutes les bourses asiatiques en octobre dernier.
Même les pandas, en Chine, sont fichés : 37 de ces oursons blancs – et – noirs ont été mis sur carte dans la réserve de Tangjiahe (Sichuan): sexe, âge, et arbre généalogique. Pour favoriser, à l’avenir, une reproduction évitant l’appauvrissement génétique.
Suivant la mode mondiale, des spécialistes chinois prescrivent aux femmes stériles un traitement d’hormones. Avec des résultats identiques, à savoir, beaucoup d’enfants multiples, fragiles à la naissance. Tel ces sextuplés de Shenyang (Liaoning), dont 2 mort-nés et 4 atteints de pneumonie, luttant pour la vie.
La presse chinoise se félicite de la forte popularité du port de Sanya (Hainan), auprès des marins pêcheurs taiwanais. Port qui leur est ouvert à toutes pêches, et à un commerce jusqu’à 6000USD par personne. Mais un autre avantage octroyé, ingénument avoué par les média, change considérablement les perspectives: les équipages peuvent (sic) « fréquenter des salons de thé style taiwanais, des bars, et des centres de loisirs ». Chanter la version locale de «la pêche aux moules?
Comme quoi en Chine pas plus ailleurs, « on n’est prophète en son pays »: Tian avait fait son service militaire au «Lei Feng», bataillon d’élite au nom du soldat mythique de la Révolution. Culturelle en quête jusqu’à la mort d’une B.A. au service du peuple. Tian s’était tant imprégné de son héros que de retour au bercail, il se jeta dans l’aide aux pauvres, avec un zèle et des initiatives si perturbateurs que les pouvoirs locaux l’envoyèrent illico, par trois fois en asile. Nullement refroidi, Tian poursuit sa mission altruiste. Avec le Team Lei Feng qu’il a fondé; il fait dans l’entraide sociale, et la promotion technologique des usines rurales. Tout en affichant haut et fort son espoir que l’avenir soit plus plein que le présent (sic) « d’idiots comme eux-mêmes », afin que cette société « laide » change de face.
10-19 janvier, Changchun (Jilin): Jeux (national) d’hiver. 4000 athlètes, ski, patin etc., 1MM téléspectateurs et auditeurs. En même temps (5 décembre 5janvier), « festival » de la neige, à Yabuli, 1ère station chinoise (Heilongjiang).