Le Vent de la Chine Numéro 29

du 13 au 19 septembre 1998

Editorial : La Chine, vainqueur ou victime de la crise asiatique ?

[1] Thèse optimiste: La production industrielle remonte:+7,9%en août, après les +7,6% de juillet. Hausse visible dans l’industrie lourde (7,9 %), et légère (7,8%), exprimant une reprise de la demande. Les intentions d’investissements étrangers ont augmenté de 7% depuis janvier (malgré la chute des asiatiques, compensée par un retour en force euro-américain). Pékin renforce son plan d’investissement (de 750MMUSD sur 3 ans promis en février, à 1200 aujourd’hui), en infrastructures. Enfin, malgré les crues, l‘amaigrissement des administrations, cher à Zhu Rongji, a été réalisé: les 30 ministères et offices étatiques ont coupé leur personnel de 50%, et jusqu’à 80% pour les min. techniques (métal, etc.), laissant un personnel jeune et surdiplômé (ex. : minimum finances, 44ans en moyenne). 

[2] Thèse pessimiste: le très officiel Centre d’Information d’Etat craint que ces investissements publics massifs n’induisent pas la croissance, car ils laisseront «hors du coup» la majorité des firmes – plus encore l’homme de la rue. Sa suggestion alternative: davantage de fonds pour revivifier industries et exports (janvier – août = +5,5%), plus de crédits consommateurs, en automobile et logement privé (ce que le pouvoir n’apparaît pas prêt à faire).

Hors des sphères officielles, plus personne ne croit à une croissance, pour 1998, de 8%. Les estimations de neuf instituts étrangers donnent une moyenne de 7,2%. Autres indice négatif: les petits porteurs reportent leur épargne de la Bourse vers la Banque, par méfiance en l’avenir (à Shanghai, 130Y de titres boursiers/famille, soit-55%, et 340Y de plans assurance épargne, soit +26%).

En un mot, entre ces deux thèses qui s’affrontent, c’est clairement la 1ère qui prévaut: face à une Asie ayant perdu d’une traite ses Corporations et sa capacité d’emprunt, la Chine choisit l’option claire et prudente, saisir l’occì¥ÁY      ¿ 


A la loupe : LE CHEVALIER BLANC DU SECTEUR PRIVÉ : L’IFC, l’International Finance Corp.

Depuis 1985 en Chine, avec ses 1ers 20MUSD investis chez Peugeot -Canton- (Guangzhou Peugeot Automobile Corporation (GPAC), aujourd’hui disparue), International Finance Corporation (IFC), le bras financier de la Banque Mondiale, a placé sans complexe 1,2MMUSD, (50% de fonds propres, 50% extérieurs, 9/10 prêtés et 1/10 en prise de capital), dans un secteur émergeant comme un météore, le secteur privé!

International Finance Corporation (IFC) touche à tout. A l’investissement, comme à la formation. Les participations, entre 20 et 40% des projets, vont de 3MUSD (Shenzhen Solar Energy) à 140MUSD (Jingyang Cement), en passant par l’agrobusiness (charcuterie Hor– mel), les fonds High Tech (Walden venture fund), les industries (Beijing Chinefarge, Plantation Timber production, Sichuan), la banque (Orient, banque privée).

Son dernier financement : ce jeudi 10, avec 6,5 MUSD à Leshan (Sichuan), dans une tannerie maroquinerie 100% privée, Zhen Jing. Avec l’apport du groupe hollandais FMO, la nouvelle Joint-venture emploiera à terme, 2500 employés (1700 aujourd’hui), et produira 33000 peaux et 180000 vestes par an, pour le marché intérieur et l’export vers l’Europe de l’Est.

Les critères de sélection sont commerciaux et stricts: le groupe candidat doit avoir atteint une taille déjà respectable pour la Chine (20MUSD minimum d’actifs), détenir un avantage technologique ou une «niche» de marché, et par dessus tout, avoir des ambitions d’export, comme le précise Davin Mackenzie, le Chef de mission: « nous ne voulons pas du gros poisson dans la petite mare »!

 


Joint-venture : United Airlines – ‘ticket free’!

• A la foire confusion internationale de Xiamen (Fujian), Shi Guangsheng, patron du Ministère de la Coopération Economique et Commerciale (MOFTEC), prévoit à court terme le feu vert aux capitaux étrangers, dans une nouvelle gamme de secteurs tels services, tourisme, transport maritimes, et mines. L’ouverture la plus large (la moins conditionnelle) sera au Centre et à l’Ouest. Autre domaine où l’étranger sera le bienvenu : la rénovation des 480000 PMEE (mais pas encore des 14800 Grandes Entreprises d’Etat GEE) déficitaires.

• China Ocean Shipping Corporation (COSCO), l’armateur national, était présent depuis 17 ans à Long Beach (Californie), et voulait y exploiter en terminal conteneur une part de la base navale, déclassée: craignant qu’elle ne devienne une taupinière à barbouzes, le Congrès a empêché l’opération.

• United Airlines ouvre immédiatement, à Shanghai/Pékin son service « billet virtuel »: plus de papier, tout est dans le disque dur de la compagnie. Le même service ouvrira sous 3 mois à Singapour et en Europe.

• HongKong-Bank, Standard Chartered (HSBC), To-kyo-Mitsubishi, Sanwa, Nanyang, Citibank, BEA, BNP …Neuf banques étrangères en piste pour la course à la licence « RMB » à Shen-zhen. Sans illusion d’ailleurs: elles pensent que Shenzhen imposera les mêmes restrictions qu’à Pudong, où ce permis de commerce de la monnaie locale fonctionne déjà: clientèle limitée aux firmes étrangères et aux étrangers, dans les limites de la ville, et pas plus de 35% de prêts en RMB. Ces opérateurs se demandent enfin comment se traduira pour eux, la directive toute fraîche, interdisant le change en USD (afin d’empêcher aux entreprises de rembourser à l’avance leurs emprunts en devise, par crainte d’une dévaluation du RMB) qui vient de frapper 4 banques de Shenzhen, dont 2 privées, Minsheng et Everbright.

• Le 4 septembre à Shanghai, le jury sino-étranger du London Wine Challenge, autorité mondiale en matière de sélection oenologique, sur dégustation en aveugle des principaux vins du pays, a sacré meilleur vin chinois, Dragon Seal (JV Pernod-Ricard) dans les 3 catégories rouge, blanc et méthode champenoise

 


A la loupe : DROITS DE L’HOMME – les risques de Mary Robinson

Jamais un Haut Commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme n’avait foulé le sol chinois. Mary Robinson, ex-Président de la République d’Irlande, prend ses risques, en acceptant une visite de 10 jours en ce pays, comportant un voyage au Tibet et des rencontres au sommet avec les autorités politiques et judiciaires.

Risques partagés par Pékin: dès les 1ers  jours, la police créait la tension en arrêtant une femme qui voulait parler à l’émissaire, pour la relâcher quelques heures après, sur injonction du pouvoir. Sur le fond, on croit sentir, de part et d’autre, une volonté de défricher le sol du droit, pour modifier à l’avenir les termes de cette confrontation.

Exemple: Pékin promet, pour cet automne, de signer la Convention Internationale des Droits civils et politiques, la 2ème, après celle, déjà signée, des Droits culturels, école et sociaux. Étape suivante: la ratification. Ici, un sujet-clé de débat, est l’impact sur le terrain, les modifications à apporter aux lois chinoises, et les garanties d’application. Le maître mot de mme Robinson, en bonne démocrate et catholique, étant: les droits de l’homme ne doivent pas suivre la croissance économique (thèse chinoise) mais aller de pair.

Tout ceci, pour l’homme de la rue, apparaît bien abstrait et lent: 116 activistes de 20 provinces ont demandé au Haut Commissaire de négocier la fin du droit discrétionnaire policier de mise en  laogai suo, camp de réforme par le travail, jusqu’à 4 ans. Or, la Cour de Shanghai vient de créer un précédent en acceptant la demande d’appel d’un dissident jeté pour 3 ans au camp de Dafeng, pour avoir rédigé des pétitions à l’Assemblée Nationale Populaire (ANP). Une audience extraordinaire avait lieu jeudi 10, au camp, pour statuer… Autant dire que le régime lui-même semble prêt à tourner cette page.

 


Argent : Le temps des ardoises

• Signe des temps de, (ku hai, mer forte, ou crise) les mauvais payeurs,  prolifèrent (+30%/an), saturant les tribunaux (57%¨des cas en souffrance). À la Cour de Fengtai (Pékin-Sud),100 aigrefins étaient convoqués mercredi 5: quiconque ne payait pas partait pour la geôle. Après 4 arrestations, chéquiers et liasses sortirent des poches, 20000USD de vieilles dettes furent épurés en quelques heures, les autres débiteurs, signant des garanties au tribunal.

A Canton, on passe à une autre échelle: la justice tient à jour, dans la presse ou (plus raffiné) sur des écrans géants TV, des listes des endettés chroniques. Technique radicale: confrontés à l’horreur de perdre la face, 112 firmes et 16 personnes se sont précipités vers leurs coffres forts, et 62MUSD (si, si!) ont retrouvé les poches de leurs légitimes propriétaires, 93% du contentieux.

• 4,25M d’ordinateurs seront produits et vendus en Chine en 1998, soit +40% en 1 an. Explosion plus forte encore dans le PC familial: 1,3M se vendront, soit un quasi doublement par rapport à 1997.

• La guerre des prix, en 18 mois, a fait mal aux industriels (-8% en un an, pour l’électronique, -6,4% pour l’électroménager). La Communauté d’Etat à l’Economie et au commerce (SETC) vient de réglementer 21 secteurs, pour les aider à enterrer la hache de guerre. Notamment dans le verre plat, les tracteurs, la soude. D’autres secteurs ont conclu des accords volontaires (TV, lessive), ou vont le faire (bière, cachemire). Les pétroliers n’ont pas cette chance, leurs prix étant désormais internationaux: China National Off-shore Oil Corporation (CNOOC), le producteur offshore, voit pour 1998 ses profits fondre de 78%, du fait d’une chute des ventes et des cours de 37% chacun (il espère des profits de 700MUSD, grâce à une coupe de 15% des coûts de production.

• La 1ère  saisie aux USA de stickers UL (Underwriters Lab., label américain de qualité) contrefaits en Chine, remonte à 1993. Depuis lors, pour 390MUSD, dont 96% originaire de Chine, ont été saisis et détruits Outre Pacifique, concernant 60 types de produits électriques. En 1997, à Canton, une seule tournée d’inspection a permis d’épingler et fermer 6 usines utilisant ces faux labels, et une imprimerie les copiant.

 


Pol : Le châtiment des 3 corrompus

• Les crues jugulées, le prochain défi, pour le pouvoir, est d’éviter l’émergence d’émeutes des victimes, actions d’abord spontanées, puis  montées en mayonnaise par des dissidents. La consigne passée à tous les niveaux, s’appelle guidance, médiation, ségrégation, et  consiste à empêcher la jonction entre paysans et activistes. Déjà à Dujiangyan (Sichuan), 500 ouvriers d’une Entreprises d’Etat, Minjiang, scies à bois (agonisant après la coupe à blanc de tout bois, et le ban national de l’activitée) ont protesté contre la corruption, contre leurs 4 mois d’arriérés de salaires, et forcé un barrage de police.

• Au plan maladies, apparition -des 1ers cas de shistosomiasis (la fièvre de l’escargot), 9000 équipes sont sur le terrain. Au chapitre « dons », 60MUSD ont été reçus par la Fédé. Caritative Chinoise, qui a invité deux cabinets d’audit, dont Peat & Marwick, a vérifié l’utilisation. Dons exceptionnels de Volskwagen (VW) (RFA), Rhône Poulenc : 5MY chacun -ce dernier, sous forme de 100000 doses de vaccins anti-typhoïde Pasteur-Mérieux.

• Quelques sanctions, pas trop lourdes, contre des barons du Parti Communiste Chinois (PCC) corrompus: En juillet, Zhu Shengwen, vice maire de Harbin (9M, capitale Heilongjiang), privé de sa carte, pour avoir livré des prébendes contre des espèces. Yang Qizhou, ex-vice maire de Yangchun (Canton), en prend pour 16 ans, pour tentative d’assassinat du maire, afin de prendre la place du maire, lui-même sous le coup d’une enquête pour prévarication. Enfin, dans le Guangxi, « millionnaire Xu », ainsi surnommé pour sa tendance à inciter enveloppes et bakchichs, est à l’ombre depuis mai (pour avoir empoché 680000Y), a déjà perdu sa carte du Parti, et il est même fort question qu’il perde son job de vice Président du gouvernement provincial, pour l’exemple!

• John Manley, min. canadien de l’industrie, a forcé son passage vers Taibei, bravant les protestations pékinoises, pour une visite informelle.

• Le Centre de Recherche sur la Croissance, du Conseil d’Etat, recherche partenaire français

[1] Doté de moyens financiers,

[2] Intéressé à coopérer sur la recherche des perspectives à moyen et long terme de l’économie chinoise.


Temps fort : DROIT DE RÉSIDENCE : libertés nouvelles – sous haute surveillance!

Hier pièce maîtresse du système de contrôle des corps et des âmes, le  (hukou, permis de résidence), « vissait » le citoyen cerf à son village ou a sadanwei (unité de travail). Le 22 juillet, un règlement du Conseil d’Etat a brisé cette cage de bambou, afin d’introduire une dose de liberté de résidence.

Le projet est immense: sous le mot d’ordre d’ouvrir entièrement le marché du travail, il s’agit de:

[1] Canaliser la lame de fond des 200 à 300M paysans attendus d’ici 20ans, remplacer l’ancien système obsolète -toute métropole compte des M de résidents au noir;

[2] Filtrer, vers le tissu urbain, les talents ruraux,

[3] Garantir aux villes leur source en travailleurs pour tâches ingrates à bas salaires;

[4] Réunir des M de familles séparées (notamment les enfants de divorcés, parents âgés, couples mariés).

Mais la réforme voit vite ses limites: explosant dans leurs coutures, les métropoles étouffent sous le poids des charges, et des chômeurs. C’est pourquoi le nouveau cadre maintient plus que jamais porte de bois aux principaux intéressés, les actifs. Chaque ville décidera pour elle-même, mais à Shanghai, où le système fonctionne depuis 1994, seuls sont légalisés les maîtres d’un logis à 50000 USD, ou d’investissement pour 200000 USD: soit, en 4 ans, 4000 néo-shanghaiens (sur 15M d’hts) … une misère!

Autrement dit, le nouveau système, ici comme ailleurs, remplace la sélection par le mérite socialiste, par celle par l’argent. Reste à savoir s’il sera plus efficace que l’ancien, le rêve des « Jean-sans-Terre » de monter à Pékin (Shanghai, Canton), restant aussi vif aujourd’hui qu’hier. La réponse tenant probablement, dans la capacité du régime à investir dans les villes moyennes de l’intérieur, pour les équiper et rendre plus attractives!

 


Petit Peuple : Qigong, Esperanto,unissez-vous!

• Cette aventure un peu compliquée, mais couleur locale, est rapportée par China information.

Récemment, dans un centre de conférence pékinois, siégeaient quelques douzaines de maîtres de (qigong, gymnastique mystique, parfois charlatane) sous une banderole rouge, recommandant d‘«étudier le discours du Secrétaire Général Jiang Zemin, sur le développement des sciences et technologie».

Que s’était-il passé pour que ces adeptes se réunissent sous d’aussi improbables auspices? Il se trouve qu’une conférence d’Esperanto, sur les Sciences et Technologies, dûment approuvée, avait commis l’erreur (pour obtenir une salle) d’accepter l’égide d’un club de qigong. Découvrant cela, Pékin avait retiré l’autorisation, craignant de voir, avec les espérantistes, des démonstrations de ce sport sentant le soufre. Exit donc, les adeptes de l’idiome universel: c’est alors que les gymnases shamaniques, d’un geste rapide et décidé, ont bravé l’interdiction et  détourné le séminaire, gardant comme couverture le thème original, mais recyclé pour leur propre compte!


Rendez-vous : Pékin, meeting Yen – Yuan

• 14 septembre Pékin: rencontres sino-japonaises à haut niveau sur la crise asiatique et le change.

• 22-26 septembre Pékin: Salon industrie chimique

• 22-26 septembre Pékin : Salon Traitement des eaux

• 24-27 septembre Pékin : Salon Transport urbain