Le Vent de la Chine Numéro 20

du 31 au 6 juin 1998

Editorial : Hong Kong : un scrutin contagieux

1,5M de votants, soit 53% des inscrits, quand on en attendait 30%: les élections du 24 mai à HongKong ont révélé l’attachement, de gens qu’on disait désabusés, au principe électoral. Autre surprise: HongKong reconduit au Legco (son Parlement), le Parti Démocrate, qui avait été chassé de l’échiquier politique le 1er  juillet 1997, jour du retour à la mère patrie, et tous ses ténors (sentant le souffre à Pékin) comme Martin Lee.

Toutes tendances confondues, 13 députés sont démocrates, sur les 20 directement élus. On est loin de la majorité (le Legco compte 60 membres), mais le P.D., 1er  Parti (43% des voix), a une légitimité, qui lui permet de revendiquer l’accélération de l’accès au suffrage universel, normalement prévu pour 2007. Face à cet étonnant réveil politique à HongKong, la réaction de Pékin est complexe: fierté de démontrer qu’elle a tenu sa parole et n’est pas intervenue dans les affaires de sa RAS, embarras des ultra et des services de propagande, mais aussi, intérêt non dissimulé.

C’est que le Parti est en train d’esquisser, au plus haut niveau, sa propre réforme politique, avec plus d’indépendance au pouvoir judiciaire, de recours du citoyen contre l’État, d’élections intermédiaires. Ces projets devraient être dévoilés par Jiang Zemin d’ici fin de l’année, si le choc de la réforme, façon Zhu Rongji, ne dynamite pas la stabilité.

Dans ce contexte, Pékin découvre le capital d’expérience de HongKong sur cette terra incognito de la démocratie moderne. Et comme l’opposition hongkongaise ne parle plus d’autonomie, se définissant comme « fille de la nation », le climat change. Dans ces conditions, entre Pékin et HongKong, sur ce terrain, il y a peut-être plus matière à entente, qu’à bataille!

 


A la loupe : Bombe pakistanaise : Pékin ‘ troublée’

Il n’a fallu à Pékin que quelques minutes, jeudi 28, pour annoncer cinq tests nucléaires pakistanais, et quelques heures, au milieu de la nuit (du jamais vu!), pour les « regretter ». Le rejet par Pékin de la dissémination nucléaire est très clair: la Chine se dit « profondément mal à l’aise et troublée » par les essais d’Islamabad, et appelle le continent indien à la « retenue », pour éviter le pire.

Consciente des dangers, pour  cette Asie aux portes de la récession, d’une aventure guerrière, Pékin se montre prudente et responsable. Elle montre aussi où se trouvent ses alliances, en ajoutant que la faute pour cette crise, revient entièrement à l’Inde, qui a voulu forcer le Pakistan à accepter un nouveau rapport de force, avec ses propres tests, et son arsenal de missiles déployés aux frontières.

Ce que Pékin omet de souligner, est ce qu’Islamabad lui doit, en fait, de technologie nucléaire et de missiles :

depuis 1985, où ses 1ers tests « à froid » avaient lieu à Lop Nor, dans le  Xinjiang chinois, la coopération n’a jamais cessé, avec le montage en 1992 à Chasma d’un réacteur de 300 MW, voire des livraisons spécialisées, régulièrement dénoncées par Washington, et niées par les 2 pays.


Joint-venture : Un jambon d’Amérique

• 17,5 MUSD pour une Joint-venture de charcuterie à Pékin, avec le poids lourd US Hormel (10 600 employés, 1600 produits, 3MMUSD de ventes /an). Le partenaire, BAIC, est un groupe public diversifié, au chiffre de 2,2MMUSD/an. Hormel, à Chaoyang, transformera 200 000 porcs/an.

• Peu de jours se passent, en Chine, sans un ou des contrat(s) en MUSD, d’équipement télécoms. Ericsson, ténor du secteur (3500 emplois, 22 JV) annonce le doublement de son investissement, à 600MUSD.Objectif 2001 (odyssée de l’espace GSM) : 4MMUSD de ventes, 40% du marché.

• Le ministre des PTT prépare la fusion de toutes les Cies de messagerie « bip » dépendant de China-telecom.

Marché actuel: 40 M d’usagers (en hausse de 150%/an). Sans compter les milliers de mini compagnies (clandestines) de messagerie et le 1M d’usagers de China Unicom. Pékin veut une compagnie aux reins solides, en prévision de l’OMC qui ouvrira la porte aux géants US et européens.

• Ouverture à Shanghai d’une Joint-venture d’un genre spécial : MF sino expo, organisateur de salons. Partenaire étranger : Miller Freeman Asia. Shanghai compte 12 Cies d’expo, et 20 à 30 organisateurs étrangers, empêchés par les règlements de fonctionner comme sociétés.

 


A la loupe : A bon chat, bon rat

Un récent article dans un organe interne (, neican) s’indigne de la cohorte toujours plus dense de hauts cadres, aveugles aux notes du Parti (comminatoires, aux titres imprimés en rouge). Le fait est là: en  dix ans, on a jamais vu, dans le corps de l’Etat, tant d’indiscipli-ne, et dans tous ces métiers, des campagnes de rectification ont lieu, d’une force (au moins rhétorique) inégalée, contre:

[1] Les juges: le procureur général, Han Zhubin veut traquer les brebis galeuses, juges et procureurs corrompus qui torturent, condamnent (à mort) les innocents pour couvrir les coupables. La presse fourmille ces jours-ci  de cas d’abus flagrants.

[2] La police: le ministre de la Sécu. Publique, Jia Chunwang ordonne à ses hommes d’être probes (sic), leur interdit de prélever cadeaux ou taxes, de molester les gens, d’entretenir toutes activités parallèles que la morale réprouve. Une police des polices est en place, tenant à l’oeil (entre autres), commissariats de base et centres de détention.

[3] Les banques: Dai Xianglong, Gouverneur de la Banque Populaire de Chine (BPdC), dénonce les fraudes hors contrôle des banques commerciales d’Etat, allant du dépassement illégal du plafond des taux d’intérêt, au détournement des avoirs des clients.

26 patrons bancaires (Banque de Chine – BdC, CBC, ABC) du Hubei viennent d’être révoqués, rétrogradés ou inculpés, d’autres dans l’Anhui, (CIB) et le Yunnan (BPdC, ICBC). Dai Xianglong frappe aussi fort qu’il peut, pour prévenir l’éclatement d’une crise « à l’asiatique ».

 


Argent : Trafic ‘tramp’, naissance d’un géant

• Mardi 26, Tung Chee Hwa, gouverneur de HongKong a fait chuter de 5,26% la Bourse, suivie partout au monde, en annonçant pour la RAS, depuis janvier, une croissance négative, pour la 1ère fois en 13 ans.

• 120 MY: c’est ce qu’ont payé (à bas prix, sur le marché secondaire) 4 firmes sous l’ombrelle de  (Beida), l’université de Pékin, pour 6M de parts (5,08%) de Yanzhong, cotée à Shanghai (meubles de bureau, textile, immobilier). 2ème actionnaire, ces 4 firmes ont pris le contrôle du conseil d’administration. But du jeu, selon les analystes : apporter leur savoir universitaire, pour faire de Yanzhong un groupe high technologie et l’utiliser en Bourse pour satisfaire leurs besoins en capital.

• Konka, N°2  du poste TV (Shenzhen) va recevoir 506 MMUSD en prêts de la Banque de Chine (BdC), afin d’accroître sa production de 3,2M (1997) à 5M de postes (en 2000), pour un chiffre de ventes d’1,2MMUSD/an. En 1997, la Banque de  Chine (BdC) avait déjà prêté 458MUSD à Konka, qui s’est modernisé, ouvrant même un centre de recherche aux USA (Silicon Valley).  Cet apport permet à Konka de suivre dans sa course au gigantisme le N°1 Changhong, qui négocie une fusion avec Hitachi-Fujian (Fuzhou) et Xiahua (Xiamen). Changhong produira cette année 9M d’appareils, occupant 40% du marché.

• Pour maintenir la croissance dans les campagnes en dépit de la crise, le ministère de l’agriculture va financer des innovations techniques à 3000 usines rurales, non agricoles, grandes ou moyennes, ainsi qu’à 500 usines agro-alimentaires. L’objectif inclut la création de 500 usines d’équipements anti-pollution. Ce secteur rural (coopératif) devrait connaître, en 1998, une croissance de 18%.Enfin, les banques doivent affecter aux campagnes pas moins de 10%de leurs prêts.

• La relance par le logement privé étant décevante, et alors que l’invendu (neuf) atteint 40M m², on élargit les règles : le crédit hypothécaire est ouvert au rachat et aux transformations de logements public et privé. Toutes les villes (plus seulement223), y sont ouvertes, et toutes les banques (et non plus 3, comme jusqu’à hier).

• Mettre à pied, comme le demande Pékin, 50% de son personnel? Il suffit d’embaucher 50% de faux cadres, qu’on sacrifiera ensuite cérémonieusement. C’est ce que font, en hâte, nombreuses administrations de régions de l’intérieur, sûres qu’il n’est de salut hors du service public, parachutant d’ex-cadres passés au privé, vers des positions aussi hautes qu’éphémères.

• Produit de la refonte de la flotte commerciale chinoise: la filiale hors conférencetramp ») de China Shipping (ex-Cosco) voit le jour. Monstre du genre: issu de la fusion de 6 armements locaux (Canton, Shanghai, Dalian), cette corporation aligne 218 navires dont 100 de haute mer et 5,2M DTW, entre vrac et trafic général. L’an dernier, le chiffre d’affaires était de 337MUSD et le volume transporté, 91Mt.

• 1er  coup de pioche pour une ligne ferrée de 2200km, Harbin/Changxing (Zhejiang), via 6 provinces. Avantage:

[1] Bas prix jusqu’à la ½ des rails sont déjà là;

[2] Desserte de régions pauvres (ligne radiale Nord Sud à 100 km de la côte),

[3] Désenclavement du Liaoning et du Shandong, séparés par la mer de Bohai. Economie de 400 à 1000km, selon les cas. Mais, les trains devront emprunter 2 ferries: Dalian-Yantai, (170 km), et le passage du Yangtzé à Jiangyin, entre Shanghai et Nankin. Coût : 1,16MMUSD (achèvement en 2002).

 


Pol : Explications sino-japonaises

• Pékin n’avait souffert la signature d’un nouveau traité de défense nippo-US, qu’à la condition que ce dernier ne soit dirigé « contre personne ». Mais qu’un fonctionnaire japonais maladroit avoue, devant sa Diète (Parlement) que Taiwan est inclue dans cette zone, et rien ne va plus! Pékin a exprimé son « extrême préoccupation », et l’office tenant lieu de ministère de la Défense, à Tokyo, s’insurge contre l’information « totalement erronée ».

• Semaine passée, « sit in » motorisé de 500 taxis à Xi’an (Shanxi) : 500 taxis protestant contre leurs trop hauts tarifs, les clients prennent le  (miandi, « taxi-pain »), plus démocratique.

• A Wuhan (Hubei), la police explique l’attentat à la bombe ayant déchiqueté le 10 mai Lu Guoqiang, directeur d’une agence locale de la Banque de Chine (BdC). Les coupables seraient Yu Chunqin, femme d’affaires et deux paysans-hommes de main. Yu aurait voulu effacer sa dette de 2MY auprès de Lu, pour deux étages d’un immeuble, impayés, transformés par elle en marché aux légumes. NB : 3 mois plus tôt, un autobus avait sauté à Wuhan sur le pont du Yangtzé, causant officiellement 16 morts. Il n’y avait pas eu d’explications produites.


Temps fort : Pékin – Tel-Aviv : des amitiés discrètes

L’amitié sino-israélienne remonte à la nuit des temps: dès les Tang, (10.s.) une paroisse juive, probablement venue par la route de la Soie, prospérait à Kaifeng (Henan), éteinte de sa belle mort (assimilée), à l’aube du XX. Siècle.

Durant toute la guerre froide, Pékin avait excellé à maintenir les relations aussi étroites que secrètes avec l’Etat hébreu, échangeant (comme avec l’Afrique du Sud, autre pays, alors mal vu en Occident) technologies guerrières et renseignement. Dans les années 1990, les relations diplômées auraient été précédées par de fortes ventes d’équipements aéronautiques et de systèmes d’armes.

Du 25 au 29 mai, malgré un climat mondial peu propice, le 1er  Ministre Benyamin Netanyahu a consolidé à Pékin cette amitié, avec Jiang Zemin et Zhu Rongji.

Côté jardin : 2 monologues à sujet imposé : Pékin, pour prier Tel Aviv de laisser naître un Etat Palestinien, et Netanyahu, pour demander à Jiang de faire jouer ses contacts, et renforcer les bonnes volontés, notamment celles de Bagdhad et de Téhéran.

Côté cour : on peut supposer, face au silence abyssal ayant entouré cette rencontre, que les 2 Etats ont discuté affaires:

armement (quatre groupes israéliens présents la semaine précédente à la foire militaire de Pékin);

agricoles (un centre de formation ouvert à Pékin durant la visite); voire

industrielles – une lettre d’intention signée quelques jours plus tôt, portant sur une usine de potasse dans le Xinjiang, pour 450MUSD, dévoilant plus que de longs discours, les grandes ambitions de ce pays minuscule par la taille, géant par l’ego et les technologies de pointe.

 

 


Petit Peuple : ‘Si tous les gars du monde’…

• Ce Secrétaire du Parti, à Qiqi’er (Heilongjiang) avait reçu diverses enveloppes pour 50 000Y, et des manteaux de fourrure: après enquête, il est chassé du Parti, pour l’exemple. Celui-là, à Hekou (Hubei), militaire d’origine, avait traqué la corruption, supprimé les banquets (payés sur les 100 000Y du fonds d’« aide aux sinistrés »), et chassé 48 employés de mairie « casés par piston »: après 11 mois sous sa férule, et malgré les protestations de la base, il est, lui aussi, démis de ses fonctions.

• Pékin a enfin trouvé un traitement à l’obésité infantile, en pleine expansion: pas moins de 20% des jeunes pékinois en sont atteints, contre 7% en 1993. Résultat combiné de la loi de l’enfant unique par famille (gâté par toute la tribu) et de la dictature des sucreries. Solution préconisée par les spécialistes (il fallait y penser) : l’exercice! 6 catégories et 15 séries, mises au point en 2 ans, spéciales pour le  (xiaohuangdi, « petit empereur ») de 3 à 6 ans. Démonstration dimanche 31par 2300 marmots de tous les coins de Chine, place Tian An Men: « Grassouillets de tous les pays… »


Rendez-vous : Christian Pierret, Secrétaire d’Etat français

• 3-4 juin: anniversaire de la répression de la pl. Tian An Men. 9 ans plus tard, en apparence, l’affaire n’émeut plus la jeunesse. A l’université, la dernière promotion témoin est depuis longtemps partie. Les modes ont changé, et la crise est là pour détourner les jeunes de penser à autre chose qu’à un emploi.

• 7-13 juin, Pékin, Wuhan, Canton: visite de Christian Pierret, secrétaire d’Etat français à l’Industrie (notamment pour régler les détails du financement complémentaire à la Joint-venture Citroën)

• 1-5 Juin, Pékin: « GNL, génération d’énergie, séminaire international »

• 2-6 juin, Shanghai:exposition internationale chemins de fer

• 1-3 juin, HongKong: symposium « proposition intellectuelle »

• 9-12 Juin, Pékin « Sinomed 1998 » (médical)