Le Vent de la Chine Numéro 19

du 24 au 30 mai 1998

Editorial : Chômage – la guerre ‘tous azimuts’

Le VDLC avait déjà évoqué la boutade des trois descentes proposées au peuple depuis 1949: celle de Mao, à la campagne (vers les masses paysannes), celle de Deng, à la mer (vers l’entreprise privée), celle de l’actuel Président, au chômage.

Le mot illustre le problème n°1 actuel, les 13 M de nouveaux chômeurs (18 M en 1999), la crise des hordes laissées pour compte (voir plus bas, colonne gauche). Le pouvoir vient d’annoncer, lors d’une Conférence nationale sur le chômage, deux mesures sans précédent.

[1] A travers le pays, 4000 centres de réemploi se mettent en place, qui paieront pour 3 ans (jusqu’en 2003, date limite, après, aux caisses de Sécurité Sociale de prendre le relais) 3000Y par an par chômeur (indemnité + couverture médicale). Tout ce que le pays compte de professeurs disponibles est appelé à participer à une « grande muraille scolaire », pour former en 3 ans 10 M de chômeurs entre 2 âges, ensuite prioritaires dans le réemploi.

Selon Yukong Huang, chef de la Banque Mondiale à Pékin, « la Chine fait en Asie le plus gros effort, en création d’emplois ».

[2] L’arrivée des jeunes sur le marché du travail, aurait risqué de faire capoter ce plan de salut public: de 1996 à 2000, 72M de jeunes sont attendus, dont 18M de la ville! Pour eux, mauvaise surprise: pour travailler, demain, il faudra un certificat, qui ne s’obtiendra qu’après 3 ans aux études. 70 000 écoles formeront chaque année 5 M d’entre eux. Ce concept, s’il fonctionne, réglera au passage un autre goulet d’étranglement de l’économie chinoise, celui en cadres formés.

C’est ainsi qu’aux 3 « descentes » historiques, le peuple va rajouter une 4ième, celle de Zhu Rongji, qui demande au peuple de  (xia xue, descendre à l’école) !

 


A la loupe : Nouveau ‘look’ pour la Bourse, parts ‘B’

Un des axes de relance de l’économie chinoise, porte sur le marché boursier « B » des actions émises pour étrangers, qui ne valent que 20 à 40% des parts « A » (pour chinois) équivalentes, le plus « mauvais » des titres boursiers, faute de souplesse et de transparence. Plusieurs mesures sont imminentes:

[1] Tout titre chinois à HongKong, New York, ou en Chine (« A » et « B »), sera soumis aux mêmes règles de rapport intérimaire, début d’une « convertibilité » boursière.

[2] 5 groupes textiles viennent d’obtenir un mois de congé de la Bourse, le temps de se restructurer (d’épurer mauvaises dettes et dépréciation du capital). Cette action-test de la China Securities Regulatory Commission (CSRC), leur permettra, après ce nettoyage, d’élargir leur accès au capital boursier, par nouvelles émissions de titres ou élargissement à d’autres actionnaires du Conseil de direction.

[3] La China Securities Regulatory Commission (CSRC) veut baisser les taxes d’échange des titres « B », autoriser leur rachat, et inciter les grandes Entreprises d’Etat à entrer sur le marché « B ».

Dès semaine passée, les prix des parts « B » prenaient l’ascenseur, et 18 grands groupes obtenaient leur feu vert pour tenter l’aventure de la « cotation B, new look », dont Shanghai Electric, Harbin Aircraft et Qingdao Haier


Joint-venture : TVA pour remonter la crise, et la Han

• Nouveau consulat canadien à Chongqing, sur le Yangtzé, plus grande ville de Chine (30M d’hts, avec banlieue). La France prépare le sien, à Wuhan. Suivant le souhait de Pékin, les puissances commerciales précèdent la vague de « Go West », de croissance vers l’intérieur

• 11ème  accord de coopération entre la China Securities Regulatory Commission (CSRC), et une autorité boursière étrangère, cette fois avec le Luxembourg, siège de 220 agences de banques étrangères, et de 1400 fonds d’investissement, dont 35 ayant placé en Chine.

NB: à ce jour, 775 firmes sont cotées en Chine, 43 à l’étranger, pour un capital boursier de 240 MMUSD soit 18,7% de plus qu’un an plus tôt.

• Spie Batignolles, le groupe français de nucléaire et de génie civil, inaugure une Joint-venture avec une filiale de monopole national des métaux non ferreux (CNNC) : 3MUSD pour la préfabrication de tuyauterie pour centrales nucléaires. Par ailleurs, Shanghai Electric (cf p.1, col. droite), avec 2 centres de recherche, prépare un consortium nucléaire, et espère vendre pour 600MUSD par an d’ici 2010.

• Le tourisme en Chine, pour une clientèle à 80% régionale asiatique, stagne cette année : hausse de moins de 5% attendue cette année au vu des 1er  résultats. Malgré (ou à cause de) cela, le tour-opérateur suisse Diethelm devient la 1ère  Joint-venture de son secteur en Chine, dans le Yunnan, avec 49% des parts, le reste réparti entre Yunnan tourisme et CITS.

• Dans les années 1930, la « Tennessee Valley Authority » était fondée afin de maîtriser le fleuve, tout en aidant la région à se relever du crash boursier de1929: 54 barrages construits, 10 écluses, 30 centrales électriques. Aujourd’hui, le ministre de l’eau offre à la "TVA" un contrat de 500 000USD, sur 18 mois, pour lui définir un plan directeur pour la maîtrise de la rivière Han (au cours 11 fois plus long), et réviser le projet envisagé, de 6 barrages.

 


A la loupe : Loral, nouveau cauchemar sino-yankee

« Chaque fois que s’améliorent les relations sino-US, il se trouve une poignée de gens en Amérique pour tenter de faire obstruction »: commentaire officiel chinois du désastreux rebond du bras de fer Congrès/Maison Blanche.

Cette fois, un Taiwanais affirme avoir remis en 1996 au Parti Démocrate de Bill Clinton, pour sa campagne présidentielle, 100 000 USD donnés par un fils de Liu Huaqing, patron de l’Armée Populaire de Libération. Le don aurait été effectué, selon la confession, 3 mois après un feu vert de Washington, aux livraisons en Chine de satellites par Loral et Hughes, les 2 géants spatiaux américains.

Ceci renforce les soupçons déjà connus du Congrès, d’une assistance par Loral au programme spatial militaire chinois, pour ses intérêts commerciaux, mais au risque de la sécurité yankee. Le Congrès a donc voté d’interdire à B. Clinton tout autre accord dans ce secteur, et à Loral de poursuivre sa coopération chinoise. Vote à confirmer par le Sénat en juin. Mais Clinton est sur la défensive, le Congrès se montrant pratiquement unanime contre la philosophie consistant à (selon le Congrès) « échanger des contrats contre la sécurité nationale ».

La visite de B. Clinton, en juin, à Pékin, enfin, sera écourtée à 8 jours, afin de ne pas faire montre de liens trop étroits.

Clinton, pour sa part, serait prêt à aire, à Pékin, une forte concession sur l’OMC, sur la durée de la période de grâce concédée au pays pour s’adapter aux règles du club mondial du commerce.

 


Argent : Impôts – l’industrie tousse

• La pompe de l’impôt chinois se fatigue: de janvier à avril 1998, l’État a récolté 242 MMY de taxes industrielles et commerciales, 9,1% de plus qu’en 1997, mais seulement 30% de l’objectif annuel, qui à ce rythme, ne sera pas atteint. Le pire résultat, en recette fiscale est celui d’avril: 69,4 MMY, soit +7%. Le résultat eût été bien pire (+0,2%) sans le coup de pouce sur la vignette boursière et sur la taxe d’affaires des banques et assurances. Durant les 4 mois, les impayés fiscaux ont augmenté de 25% (43,6MMY).

• La même baisse de rendement se constate au niveau de l’investissement étranger: en avril, le nombre de projets approuvés et des investissement réalisés (3,12MMUSD) ont chuté (8,5% et 19,4%). A l’inverse, le volume des contrats a monté de 16,35%, notamment du fait de l’Europe (qui augmente aussi de 75% ses paiements effectifs). Enfin, après la relance des prêts commerciaux depuis mars (cf vdlc 18), on constate un coup de fouet aux investissement publics d’infrastructures: +10,3% de janvier à mars, +15% en avril (35MMUSD). En clair: l’Etat « souffre » au niveau des recettes fiscales, et investit dans la relance. Sa chance: l’Europe prend la relève de l’Asie dans l’apport de contrats frais.

• Pour combattre le piratage intellectuel, le ministre de la culture avait décidé dès 1996 d’ouvrir 4 marchés nationaux audio vidéo, à Pékin, Shanghai, Canton et Wuhan. Canton est déjà fermé. Il ne livrait que du piraté. Wuhan ne va pas mieux. Celui de Pékin (Xuanwu), vient d’ouvrir, 7500m². Son directeur Li Tingzhi, croit pouvoir « apprendre de l’expérience » des 2 autres, et « gagner la bataille du piratage »: tous les détaillants devront s’approvisionner chez lui, et ses inspecteurs y veilleront. À moins que ne prévale encore l’adage:  « shang you zhengce, xia you duice » (en haut, les ordres, en bas, le désordre).

• Nouveau vin pour vieille bouteille: le Yun 7-200A, court-courrier produit par AVIC- Xi’an, (1er  vol en 1993), vient d’être certifié

par la Chinese Aviation Administratif Corporation (CAAC). Cockpit redessiné (2 pilotes au lieu de 5), cabine allongée d’1m. pour parvenir à 60 passagers, avionique « la plus avancée du monde » (selon AVIC, qui estime la demande en Chine à 400 d’ici 20 ans). Concurrents n°1 : l’ATR 72, et le SAAB 2000, dits «d’un fonctionnement plus cher». Seul handicap selon un directeur à la CAAC : le leasing nécessaire pour la vente à l’étranger, technique sur laquelle la Chine reste aujourd’hui très en retrait.

 


Pol : Remake d’un incendie forestier

• Incendie en Mongolie intérieure, dû à la sécheresse (el Niño) : dans le  (daxinganlin, 1ère forêt du pays, grande comme la Grande Bretagne). Déjà 13000 ha de forêt et de prairie détruits, 6000 pompiers sur le pont. Les vents forts attisent : front, vendredi, de 6x5km de large.

NB: Cette catastrophe se produit 10 ans après une 1ère  du genre, dans la même forêt, en Heilongjiang: en mai 1988, 7 M d’ha avaient été détruits dont 4/5 en URSS. La Banque Mondiale avait alors prêté à Pékin 550MUSD pour installer une prévention, avec sensors électroniques à travers toute la forêt, y-compris sur la section Mongolie Intérieure.

• Un réseau clandestin de change en devises est en cours de démantèlement à Taiwan. Marché estimé: 1MM USD. A l’origine, début des 1990, l’organisation contournait le contrôle des changes chinois, au profit de changeurs, bijoutiers et agences de voyage des deux rives. Ensuite, le système a permis de nourrir la mafia taiwanaise exilée en Chine, voire, dans les 2 sens, les réseaux d’espionnage. Depuis septembre, 60 bailleurs de fonds ont été mis en examen. Le problème étant bien sûr, l’obsolescence rapide du statu que le besoin en circuits monétaires légaux!

• Combien d’argent Taiwan a-t-il investi en Indonésie, et risque d’en perdre? « Beaucoup plus », admet un centre de recherche, « que les 13MMUSD officiels ». La Chine aussi en très haut lieu a fort investi dans des firmes indonésiennes, proches du Président Suharto, qui passaient il y a encore un an, pour les valeurs les plus sûres du pays (sic transit…)


Temps fort : Zhu Rongji, les 1ers nuages noirs

L’Etat de grâce, pour Zhu Rongji, aura été de courte durée. Les 1ers signes apparais sent, de résistance passive à son programme de dégraissage des outils  productifs hérités de Mao.

Cible d’un plan de coupe de 4M de jobs (1/2 des effectifs), l’administration ne se laisse pas faire.

Les 29 ministères rescapés de son programme de restructuration avaient jusqu’à fin avril, pour rendre leurs plans d’amaigrissement: seuls 2/3 l’ont fait, dont très peu, en proportion suffisante. Pas un seul cadre, à Pékin, n’a plié bagages.

Pire: Des milliers de  (gaoganbu, hauts managers) recrutés par des Cies méridionales, restent dans la place pour obtenir des privilèges pour leurs nouveaux patrons.

Même gabegie au niveau du logement public. Il devrait être cédé d’ici l’été au prix de marché. En fait, il est souvent bradé, faute de temps, à bas prix aux gens influents, parfois plusieurs par famille.

Enfin, Pékin a d’autres soucis, avec les millions d’ouvriers en cours de débauchage, tels ces 240.000 « canuts » sacrifiés en 3 mois: afin de faire valoir leurs droits, ils feraient parfois appel à des intellectuels dissidents, pour créer des syndicats clandestins, bête noire du socialisme depuis juin 1989. Le danger de telles convergences, est pris très au sérieux par Pékin, qui a mis en alerte rouge toutes les polices du territoire, à la veille du 9ème anniversaire de la nuit du 3 juin 1989.

 


Petit Peuple : La mine noyée par son patron

• Le nouveau film de Zhang Yimou en cours de tournage (cf vdlc n°18) dénommé « que personne ne s’absente », permet de découvrir, dans la presse, le nombre des abandons scolaires en milieu rural: 1M par an

• A Huating (Gansu, à l’Est, une des provinces plus pauvres), la mine de houille de Yanbei, aux tunnels à peine forés et équipés (pour un coût de 15,5MY), a été noyée, avant sa mise en fonction le 1er  juillet. Le saboteur en était son directeur qui a préféré la détruire plutôt que de laisser ses ouvriers travailler dans ces conditions : le projet ne « respectait pas les intérêts des locaux et leur droit à la survie ». Sous-entendu par cet article d’une revue shanghaienne : salaires et niveau de sécurité étaient insupportables. Non dit: après son acte insolite, le patron est probablement en prison

• Le 6 avril, à Taikang (Henan), la police vient arrêter une troupe de stripteaseuses : les villageois se ruent à la rescousse, kidnappent 4 défenseurs de la morale, démolissent deux de leurs voitures, et ne relâchent leurs otages que le lendemain, en échange des strip-teaseuses. Ce genre d’incident n’est pas rare. Preuve que la patience du paysan, infinie pour les taxes illégales, corvées et arbitraire du chef, est plus mince pour ce qui touche à ses plaisirs.

 


Rendez-vous : 24 mai, Hong Kong, morne scrutin

• 25-28 mai, Shanghai : Gas-China 1998

• 25-30 mai, Dalian-Beijing: 50 voitures anciennes se font, sur 1500 km de routes chinoises, la course du trophée Louis Vuitton.

• 24 mai, Hong-Kong: élections du Legco, 60 élus dont 20 au suffrage direct. Un scrutin qui s’annonce morne et sans passion, aux électeurs démotivés (participation attendue: 31%) et ignorant des enjeux.

• 25-28 mai, à Pékin : le 1er Min. Israëlien B. Netanyahu.