Le Vent de la Chine Numéro 12
Vu l’inflation du nombre des Sommets ces derniers temps, et la banalisation du terme, on ose à peine évoquer l’importance de celui de Londres cette semaine (2-4avril).
Cette 2ème rencontre de l’ASEM – l’Asia-Europe Meeting (après Bangkok en Mai 1996), est peut-être la 1ère où Europe et Asie ont une telle conscience de l’enjeu – la reprise de leur croissance.
Deux régions aux coopérations les plus actives au monde, et qui (face aux pressions de la superpuissance unique du moment, les U.S.A), perçoivent la nécessité de se rapprocher : c’est ce qu’exprime, en marge de l’ASEM, la tenue du 1er sommet Chine-Union Européenne!
A Londres, 2 circonstances accélèrent l’émergence de la Chine: l’avènement d’un nouveau 1er ministre présentable et brillant, Zhu Rongji, et l’abandon par l’Union Européenne, de toute velléité de faire condamner la Chine aux Nations Unies pour ses droits de l’homme.
Zhu va chercher à :
1. attirer les investissements européens découragés par l’Asie du Sud-Est asiatique (A.S.E.), notamment vers ces grands projets évoqués (mais non décrits), d’infrastructures pour 1000 MMUSD sur 3 ans,
2. soutenir un projet de fonds de soutien aux monnaies pan-asiatiques (ce qui entre autres avantages, éviterait de laisser Taiwan caracoler seule sur cette idée),
3. et «négocier» la non dévaluation du Yuan, contre une entrée rapide à l’OMC. Assez de dossiers-clés pour faire de Zhu Rongji une des vedettes du Sommet de Londres- comme il l’avait été l’an dernier à HK, lors du Forum Économique Mondial!■
«Pas d’embauche dans les admiistrations en 1998»: cette directive sèche de Zhu Rongji, pèsera lourd sur le bilan d’emploi, alors que sortiront en juin un million de jeunes diplômés, et que sous 3 ans, les chemins de fer (un des ministères les plus vieux jeu, tout juste supprimé) «sortiront» 40% de leur personnel, un million de salariés.
Pékin a déjà 1/10 de son personnel public au chômage, avec maigres indemnités de 200Y/mois.
Mais pour toute la Chine, 50% des masses laborieuses publiques sont estimées superflues: on est loin du compte! Pékin, qui a payé depuis 1995 presque 5 MUSD en cours de recyclage, annonce cette année 190 000 mis à pied, dont 80% réemployés – pour ceux qui sauront accepter déplacements et jobs moins qualifiés.
Apparaît aussi, à travers tout le pays, un phénomène peu socialiste: l’auto-emploi, sans aide publique. La presse en recense 3 formes: les boursicoteurs éphémères (tant que durent leurs avoirs), les éleveurs (d’insectes, de chiens, d’oiseaux rares), et les taxis «au noir», sans licences, dans les banlieues -hors d’atteinte des griffes policières municipales.
Avec la protection de Zhu Rongji, Kodak investit 1MMUSD dans 2 JV avec 3 grandes entrerpises d’Etat (GEE) anémiques d’émulsions photo: Kodak-China (à 80%), et Kodak-Wuxi (à 70%).
Le nombre de ses employés passera de 600 à 2600.
Objectif: enrayer la progression de Fuji : pour 4 ans, Pékin (Zhu Rongji) s’est liée par cette promesse unique, d’interdire tout autre investissement étranger dans le secteur. Par contre, sous l’influence de Li Peng, l’État chinois a préalablement refinancé la principale concurrence chinoise de Kodak, Lucky film (20% du marché): 375MUSD, en capital, crédits et ristournes d’impôts. Il s’agit d’un «deal» sino-chinois qui permet de faire parrainer par le n°2 mondial 3 usines autrement vouées à la mort, conserver un grand groupe national, et enrayer la pénétration nippone.
Le groupe maritime britannique P&O et la Cie chinoise Shougang confirment pour juin, le lancement de leur JV, la plus grande flotte de cargo de transport de vrac sec du monde, avec plus de 4M DWT.
A peine nommé 1er Min., Zhu Rongjiordonne une coupe des taux d’intérêts, de 0,6% (sur les prêts)- la 3ème en 3 ans.
Moindre que les précédentes (1,5% en moyenne), mais le message est clair: l’argent doit sortir des banques, au lieu d’y dormir.
Conséquences escomptées:
1. baisse du coût du crédit,
2. report de l’épargne vers la Bourse,
3. allégement des dettes des grandes entreprises d’Etat (GEE),
4. plus-value à l’étranger pour les red chips chinois,° afflux de capitaux étrangers attirés par cette baisse du coût de l’investissement.
Selon les experts, pour atteindre une croissance de 8% cette année, Pékin devra trouver 15% d’investissements en plus!
Perdantes: les banques commerciales d’État, qui voient leurs avoirs s’évanouir. Déjà certaines offrent aux GEE, pour conserver leurs fonds, des «cadeaux» très peu légaux – voitures, taux préférentiels dès que la Banque centrale (BPdC) aura relâché la pression. Optimistes ou aveugles, ces banques!
Un des buts de la manoeuvre, étant d’apprendre à la dure, à ces dinosaures socialistes perclus de rhumatismes, à nager dans un marché de l’argent dont ils sont en train de perdre le monopole!
Brocante à Shenyang (Liaoning), les 21 et 22 mars : 500 PME publiques en vente, dont 10% au prix symbolique de 1Y. Zhu Rongji se trouvait semaine passée, au Liaoning et au Jilin, pour encourager la restructuration industrielle.
Toujours à Shenyang, Northeast Pharma, épinglé lundi 23 par la CSRC (China Securities Regulatory Commission).
Ses prévisions de profits de 108 MY pour 1996, avaient débouché sur un bilan de 20M Y. Punition légère (mais c’est un début!): blâme aux ex-Président et Directeur Général, blâme et amende (non spécifiée) au Bureau (Public) d’audit qui avait couvert la fraude.
1ère campagne de Li Peng devant le Bureau du Parlement (l’ANP), qu’il préside: celle de la réforme du droit de l’eau, rare et gâchée en Chine.
Il s’agit de briser le principe maoïste de l’eau à prix unique subventionné, varier les prix entre irrigation, hôtels et usines, inciter aux économies, augmenter les amendes aux pollueurs et supprimer toutes taxes intermédiaires.
Le nouveau régime prévoit une hausse de 0,20Y/m3 en ville et de 2 «fen» (centimes chinois)/m3 à la ferme. De retour en grâce, après des décennies d’oubli, ce proverbe chinois: «quand tu bois de l’eau, pense à sa source».
Tout en faisant guerre aux taxes abusives, le gouvernement Zhu Rongji ne peut s’empêcher d’en créer une nouvelle: les droits de succession, sur les millions de patrimoines de plus d’un M Y, voire de 10 à 100 MY.
Calqué sur le modèle occidental, la taxe aura cinq échelons, après déduction du passif -dettes, frais funéraires, personnes à charge et dons aux organismes de charité.
Le Ningxia, une des provinces les plus pauvres, patrie de la minorité musulmane Hui, annonce fièrement ses plans pour appliquer la consigne pékinoise de grandes dépenses d’infrastructures: 1,2MMUSD, surtout dans l’agriculture et le charbon… sur l’ensemble du 21. Siècle.
Le ministère du Commerce tente de prévenir l’essoufflement des exports, en écornant les monopoles.
Ainsi dans le textile, 15% des quotas vers l’Union Européenne et les USA seront confiés directement aux meilleurs producteurs et aux JV d’import-export, qui signeront eux-mêmes leurs contrats avec l’étranger.
Ceci n’est pas bonne nouvelle pour les monopoles, mais dans le même temps, Pékin approuve la fusion de 4 d’entre eux, annoncée depuis novembre : Genertec, au chiffre d’affaire de 12MMUSD, sera un des 1ers du pays, et la Chine hausse le nouveau-né au rang de «chaebol» chinois, directement sous l’aile du MOFTEC, 3ième sur la liste après Sinopec et Orient international.
J. Holum, sous secrétaire d’Etat US aux ventes d’armes, est à Pékin, deux jours après la levée par Bill Clinton de l’embargo de plus de 10 ans sur les ventes de matériels nucléaires civils à la Chine.
La Chine elle, vient d’interrompre son aide militaire à l’Iran et au Pakistan.
Toujours au même moment, se tient la 5.ème «foire nucléaire» à Pékin, avec 80 groupes leaders mondiaux du secteur. L’avant-scène en est occupée par les rivaux yankee, Westinghouse et General Electric, et leurs partenaires japonais, avec dans leurs cartons, des projets futuristes de réacteurs à eau pressurisée.
El Niño cet hiver, n’a pas épargné la Chine : exacerbées, la désertification au Nord, les pluies au Sud- en avance d’un mois.
A Jiujiang (Jiangxi), le Yangtze a brisé ses digues en 16 points sur 5 kms, menaçant 1/5 de la ville (5M d’âmes), 1/4 des terres cultivables et la ligne chemin de fer Pékin-Kowloon. 1,2M USD ont été rassemblés à la hâte pour financer des travaux d’urgence sur les digues. Et ce n’est qu’un début : d’ici juin, les pluies doivent augmenter de 30%.
Les 110 boat people chinois échoués en Nouvelle Calédonie en novembre, embarrassent Pékin et Paris.
Un accord initial pour les rapatrier, a été suspendu, suite à l’annonce par Paris de 20 cas «politiques» parmi eux, et à une manifestation de soutien de 300 Néo-calédoniens à Nouméa. Zhu Rongji a déclaré qu’il «en parlerait, si on le lui demandait», lors de sa visite en France.
Rare aveu du «journal de la Procurature»: trois Procureurs ont été condamnés à 15 et 12 ans de prison le 17 mars à Fuzhou (Fujian), pour avoir, lors d’une enquête, torturé à mort un suspect
Depuis l’Antiquité, les Chinois rêvent d’aller sur la Lune, pour une seule raison: vérifier si s’y trouve le palais de glace de la trop belle (Chang’E), enfermée (dit la légende) sur l’astre mort, pour avoir trop goûté les nourritures terrestres.
Aujourd’hui, l’Académie des Technologies Spatiales passe aux actes, en présentant le très ambitieux programme de son industrie aérospatiale CGWIC (10 000 scientifiques): 1er satellite habité, vers ‘2000, suivi d’un petit module lunaire, puis de missions vers Mars, avec une coopération internationale de plus en plus affirmée.
Pour atteindre ses ambitieux objectifs, CGWIC entend renforcer sa charge utile, aujourd’hui de 11t max.: la prochaine génération de lanceurs doit atteindre 15t, puis 20t, contre 25t à la navette spatiale américaine.
Ces vecteurs étant destinés à des orbites basses (300/ 500km), terrain des marchés de l’avenir.
Pour l’immédiat, CGWIC va lancer cette année, depuis sa nouvelle base de Taiyuan (Shanxi), 3 satellites Iridium pour le compte du réseau Motorola (dont deux mis sur orbite, jeudi 26 mars), ainsi que 3 satellites. sur 5 ans, pour le compte de Loral. Iridium comporte 66 satellites de 690 kg, placés à 630 km d’altitude, d’une vie de 5 à 8 ans.
Elle est décidément loin, on le voit, la série de désastres subis par l’aérospatiale chinoise entre 1995 et 1996!
Fin décembre 1997, à Changqing (Shandong), le long de l’oléoduc local, Luo Yu’er, garde de nuit de 28 ans, prend des pirates sur le fait -60 t de fuel récupérées, ainsi que pour 200 000Y de camions citernes et autres matériels.
Mais le temps que les renforts arrivent, elle est étranglée et jetée au bas d’une falaise de 45m. Les 5 bandits (paysans locaux), arrêtés, risquent leurs têtes. Depuis 1994, près de 100 employés de cette compagnie pétrolière locale ont été attaqués par des gangs, dont 8 mutilés. Le principal préjudice étant moins le vol de l’or noir, que la pollution laissée derrière eux par les voleurs.
Une bonne, et une mauvaise nouvelle pour les paysans du Yunnan, province du Sud-Ouest où prospère une forte activité d’élevage.
La bonne: le Yunnan compte désormais plus de 100 usines produisant des broyeurs à fourrage, pour le bénéfice de plusieurs millions de foyers.
La mauvaise : plus de 2500 mains ont déjà été tranchées par ces primitifs outillages, qui enfreignent sérieusement les règlements, comme vient de le constater -il n’est jamais trop tard!- le Bureau National de Supervision technologique. Peu conscients de leurs droits, les fermiers croient à la malchance – aucune plainte déposée, à ce jour!
Très remarquable débat dans la presse, sur la misère de l’enseignement littéraire chinois: avec l’accent mis sur l’industrialisation et la course à la rentabilité, on a oublié de réviser les méthodes scolaires, datant de la Révolution Culturelle qui haïssait les intellectuels.
Résultat: les cours se perdent en gloses grammaticales pédantes, considérations oiseuses sur la forme, tout en méprisant l’essentiel: le plaisir de lire. Plusieurs journaux l’ont vérifié, les plus grands écrivains du pays échouent aux examens universitaires, tandis que les étudiants admis, sont incapables de «pondre» une simple rédaction.
Titanicophiles, à vos marques: la superproduction hollywoodienne arrive cette semaine (5 avril) sur les écrans pékinois.
20-22 avril, Pékin: 17. Session du World Eco. Forum («Sommet de Davos»).
Xiaoshan (Jiangsu), mercredi 1er avril : inauguration. de la 1ère ferme d’ingénierie biogénétique. Production : 10000t/an de trèfle cloné (4 feuilles), destiné à l’industrie touristique. Projet subventionné par le gouvernement irlandais, l’Union Européenne, la Banque Mondiale, le FMI et la loterie nationale.
6-10 avril, Pékin : CIMES/CMTF 1998 (International équipement/machine outil)
28 mars-11 avril, Genève : marathon de négociations multi et bilatérales pour l’admission de la Chine à l’OMC. Au finish?