Le Vent de la Chine Numéro 9
Fin Janvier, une réunion bilatérale euro-chinoise se déroulait à Pékin, dans une «excellente atmosphère» (cf. VdlC n°4), consacrée aux échanges commerciaux, avec pour enjeu l’accès de la Chine à l’OMC.
Semaine passée, du 6 au 9, des négociations directes se tenaient à Genève avec l’OMC, où la Chine remettait une nouvelle série d’offres.
Le 17 mars, Européens et Chinois se retrouveront à Pékin pour parler, cette fois, des services (assurances et banques). Des négociations similaires ont lieu, à propos de l’entrée chinoise au club mondial du négoce, avec tous les grands de ce monde -partout, avec des résonances positives. Les dernières concessions consisteraient en un nouveau «paquet» de coupes tarifaires, dans l’abandon en principe des monopoles commerciaux (trading rights) et dans une renonciation partielle au statut de «PVD». Cette dernière info, à prendre avec prudence : l’Union Européenne est disposée à lui accorder, sous ce statut, 12 à 18 mois de sursis à ses devoirs de membre de l’OMC…
Sur le fond, un analyste américain apporte un éclairage réaliste et non-conformiste : «la Chine, régime marxiste, s’est ouverte rapidement, et sera vite le pays le plus «libre-échangiste» de l’Asie. Elle est déjà plus avancée que Corée du Sud ou Japon – chez lesquels une ouverture du secteur bancaire serait impensable.
Situation paradoxale, due à l’histoire : Corée et Japon étaient des « alliés », envers qui l’on a pu faire preuve d’une très grande patience. Tandis que la Chine, pour se faire accepter, a dû payer d’une autre manière, en ouverture économique -laquelle a induit à son tour, en 10 ans, une liberté individuelle inimaginable auparavant »!
Vendredi 7 mars, en soirée (heure de pointe), explosion dans un autobus, en plein Xidan, quartier commerçant de l’Ouest de Pékin. 11 blessés.
Quelques heures après, la police confirme qu’il s’agit d’un attentat, et attache (suivant une technique introduite récemment) une forte récompense à l’appel à témoins.
L’explosion qui n’a pas été revendiquée, se produit en pleine session de l’Assemblée nationale (ANP), 10 jours après une série d’attentats autonomistes au Xinjiang, qui avaient fait 9 morts.
Quoique préparée (elle venait de demander aux taxis de surveiller leurs clients du Tibet et Xinjiang, aisément reconnaissables), la police n’a rien pu faire. Et le min. de la Sécurité publique, Tao Siju, venait de déclarer publiquement qu’une remontée sur Pékin des violences du Xinjiang était impensable…
C’est un rude coup pour le prestige de la sécurité de Pékin, mais aussi pour le pouvoir – cette bombe, avec la guéguerre sud-nord-coréenne en plein Pékin depuis un mois, font désordre, et pourraient nourrir des critiques de l’intérieur. L’attentat de vendredi, sous cet aspect, était probablement la dernière chose que les leaders eussent souhaité voir se produire!
Démarrage à Shenzhen de la plus grande JV d’IBM en Chine : pour 42,5 MUSD, une usine de composantes pour disques durs.
Ouverture à Wuhan (Hubei) d’un bureau de la banque néerlandaise AMRO, qui a déjà deux succursales et 3 bureaux à travers le pays.
Vient de s’ouvrir à Shanghai Sangang Messer Gaz Products, JV Hoechst (48%) et Shanghai Pudong Steel (52%) pour la production de gaz industriels (oxygène, hydrogène, argon et autres).
Invest = 30M USD. Durée de la JV: 30 ans. D’ici été 1998, la JV atteindra son rythme de croisière: 1350 t d’oxygène/an. Messer, filiale de Hoechst, a en Chine 6 JV, 2 usines à 100%, et y aura investi 300 MUSD d’ici ‘2000.
Coopé reportée, peut-être étouffée dans l’oeuf entre alpinistes français et chinois, pour un projet d’ascension de l’Everest par le versant tibétain : 2000 montagnards français ont signé une pétition contre l’expédition, en raison de l’ordre musclé qui règne sur la province.
la NEPA, l’agence chinoise pour la protection de l’environnement, se plaint, sans donner noms ni exemples, de la frange d’investisseurs étrangers (surtout Coréens et Chinois d’Outre-mer) qui viennent en Chine pour produire «sale».
La pollution industrielle coûte à la Chine 12 MM USD/an. La NEPA griffe au passage MOFTEC et la Commission d’État Commerce et Economie, pour tolérer des étrangers qui apportent «+ de pollution que de technologies», et préférerait se concentrer sur les seules industries d’État, qui émettent 650 M t de déchets solides par an.
La Chine a importé en 1996 pour 140 M USD d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques haut de gamme, et continuera: 30000 ascenseurs produits en 1996, demande estimée à 50000 en l’an ‘2000. Schindler, Otis, Mitsubishi et Hitachi, par leurs JV, tiennent 60% du marché.
Motorola et Hill&Knowlton animent depuis 1995, une «culture du bipeur» (sic): campagnes de presse, concours promouvant cette «culture» (encouragement d’initiatives réalisables à partir du gadget de communication).
Prévu depuis des mois en haut lieu, le décès de Deng Xiaoping a pu influencer le budget 1997.
Une fois disparu le Patriarche, la priorité de stabilité sociale prime sur les économies budgétaires. C’est ce que suggère le ministre des finances Liu Zhongli devant l’ANP, le Parlement chinois, en annonçant la renonciation à l’objectif du 9. Plan (adopté l’an passé!), d’éradiquer le déficit public d’ici ‘2000: pour 1997, le déficit sera de 57MM Y, soit 4 MM de baisse par rapport à 1996: trop lente pour tenir l’échéance! Les dépenses publiques atteindront 897 MM Y.
Frais principaux: achats de grain et coton (éviter les troubles agraires!), «aides aux pauvres» (lâcher la pression sur l’Ouest), hausses de salaires, retour de Hong Kong (priorité politique).
La dette publique est de 426 MM Y (= 6,3% du PNB).
Pour y faire face, la Chine va emprunter comme jamais avant: 250 MM Y, en Chine et à l’étranger.
Avantage: ceci va lancer le marché des obligations (offrir un choix plus large à l’épargnant, et la garantie des fonds de placement).
Inconvénient: la convertibilité totale du Y risque d’en être retardée : Pékin devant empêcher la fuite de l’épargne chinoise à l’étranger!
Après «Xiali», un autre projet automobile sans partenaire étranger se dessine à Xi’an:
«Lucky Star» prétend construire d’ici 5 ans 150 à 200.000 voitures «4 places», à prix modique – 6000 USD (aujourd’hui, le prix plancher est à 10 000 USD).
Moteur et châssis- licence «Susuki», et assistance d’une série de groupes jusqu’ alors absents du marché chinois auto, qui espéraient peut-être le contrat: Porsche, Renault, Fiat, Fuji (heavy industry.), Mitsubishi… Le chef de file du projet de 891 MUSD est Norinco (groupe d’armement), avec 3 autres partenaires dont une JV Hongkongaise. Norinco espère exporter vers l’Europe de l’Est.
Autre industrie neuve: celle de l’appareil photo.
45 M ont été produits en 1996 (+35%), dont 40 exportés.
La contrebande avait failli tuer le métier- les 34 usines de départ s’étaient retrouvées à 8. Pour remonter la pente, 3 mesures ont été prises en 1996: baisse des taxes d’import (de 80 à 30%), licences de production, accordées aux grands japonais (Olympus, Minolta, Nikon, Pentax était déjà présente dans le Gansu), et enregistrement systématique (technologie nippone) des n° de série avec stickers holographiques inviolables établissant l’origine locale ou importée. Le marché intérieur (9 M appareils en ’96) reste grandiose : 40% des foyers citadins ont un appareil, contre 1% des ruraux.
Shougang (aciéries de Pékin) vient d’obtenir sa certification ISO 9002, ce qui lui ouvre les marchés européens et américains -objectif d’export est de 600 000t cette année, soit +11%.
Métier à risque: des 300 bars à oxygène qui avaient fleuri à travers la Chine en 1994, suite à une mode signée «USA», il n’en reste aujourd’hui plus que 7!
Shanghai perdra 290 000 jobs en 1997 – un fonds chômage de 400 M Y a été constitué.
En 1996, la tête du dragon (= Shanghai, le «corps» étant le Yangtzé) avait perdu 44 firmes d’Etat grandes ou moyennes, «pesant» 60 000 jobs.
Comment «sait»-on que quelque chose bouge entre Chine et USA?
Par les interminables gloses anti- «droits de l’homme en Amérique», sévissant ces temps-ci dans la presse chinoise. Un sous-secrétaire d’État au Commerce était à Pékin du 5 au 9, quelques jours après son supérieur Madeleine Albright et avant le Vice Président Al Gore. Discussion tous azimuts, du déficit commercial américain aux Droits de l’Homme. Washington menace (d’une motion à l’ONU) Pékin, qui serait prêt désormais à signer 2 Conventions des Nations Unies sur les Droits de l’Homme.
Un compromis semble passé entre le Président Jiang Zemin et le groupe de Pékin (des ex-amis de Deng, pour enterrer le scandale (surgi en 1996) des aciéries de la Capitale (Shougang), ainsi que des opérations immobilières douteuses de la mairie de Pékin.
Shougang se dit satisfaite des résultats de l’enquête sur les centaines de MUSD disparus l’an dernier (la majorité des fonds aurait été récupérée). Pour l’affaire immobilière (projet «Oriental Plaza»), l’enquête se poursuit sur Chen Xitong, l’ex-Secrétaire du Parti pour Pékin. Chen et le Président de Shougang avaient été emprisonnés sur demande de Jiang, qui voulait faire l’exemple. A présent, le leadership, au sommet, ne peut pas se permettre de conflits de ce type!
Hong Kong : à moins de quatre mois de son retour à la Chine, un accord a été trouvé entre Pékin et Londres sur un Budget modéré pour la Colonie en 1997.
D’autre part, la Chine se réserve l’attribution des visas de résidents chinois à HK après le 30 juin: «Hong Kong aurait du mal à sélectionner les gens les plus qualifiés», explique un haut fonctionnaire pékinois.
Après les exercices militaires chinois de l’an dernier, c’est au tour de Taiwan de réaliser les siens : du 12 mars au 8 avril en mer du nord de l’île (séries de tirs de missiles Hawk terre-air), et du 22 au 28 mars (centre de l’île).
Par ailleurs, une récente étude du Pentagone indique que la Chine, face à Taiwan, aura comblé d’ici neuf ans son retard en forces aériennes, avec l’introduction de son appareil F10 (coopération israélienne, dit la rumeur) et la production sous licence du Sukhoi 27 russe.
Avec 76 articles, la nouvelle «loi de défense nationale», qui sera votée en fin de session de l’ANP, le Parlement chinois, est une cote mal taillée entre les forces politiques au sein du Parti.
Point focal: l’APL «accepte» le leadership du PCC – parti communiste.
Une version précédente proposait «obéit au PCC»: ce recul, concession aux réformateurs, est dû à la Constitution, qui ne prévoit pour l’APL, aucun rôle de «bras armé du Parti».
Au contraire, Qiaoshi, Président de l’ANP, revendique pour le Parlement ce rôle de patron de l’armée.
Par contre, la mission de l’APL, l’armée chinoise, est élargie de la défense conventionnelle, à la répression des révoltes antisocialistes et séparatistes (Tibet, Xinjiang et Taiwan).
Evolution qui exprime les craintes du pouvoir, et est justifiée, non sans opportunisme, par la nécessité d’«améliorer l’image internationale» de l’APL, soupçonnée de «menace» sur le reste de l’Asie (du fait de ses agissements en mer de Chine, des îles Diaoyu aux Spratley). Ce compromis difficile entre Parlement et Parti se retrouve ailleurs: si l’ANP est responsable des déclarations de guerre, c’est le Président Jiang qui en à l’initiative (pouvoir partagé)!
A l’ANP, les élus militaires de façon prévisible, rappellent, jour après jour leur fidélité absolue à Jiang, «coeur» de l’appareil, et réclament plus de crédits pour nourrir 3 M d’hommes et mener leurs programmes de recherche: la hausse annoncée du budget de l’APL (+12%, face à une inflation de 6%) répond à cette demande, contradictoire à la ligne de Deng qui préconisait une baisse graduelle des dépenses kakies, et démontre le rôle que le système reconnaît aujourd’hui à «notre nouvelle grande muraille»: celle d’un arbitre, à ménager!
Le petit peuple s’exprime à l’Assemblée Nationale Consultative (qui siège en même temps que l’ANP): m. Sun Han, du Jiangsu, réclame des mesures contre les «milliardaires en une nuit».
Dans son (remake du) Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, l’édile explique que les nouveaux riches, n’ont pu l’être que par malhonnêteté: exploitation, corruption, prévarication. Même les artistes, en exigeant des cachets exorbitants.
1er mai : fumer sera interdit dans tous transports publics.
Amende: 10 -50Y. Ce sera dur à appliquer: statistiquement, 60% des voyageurs par train grillent l’herbe de Nicot.
Ce père de Liuzhou (Guangxi) avait acheté 52 boîtes de «cerveau d’or» pour faire «phosphorer» son étudiant de rejeton: en 8 mois, les performances du fiston ont baissé de 449 à 301 points.
Mauvaise perdante, la firme indélicate refuse de payer l’indemnité promise en cas d’échec!
Ce fermier trentenaire de Wushan voulait soigner sa vieille maman malade : suivant l’ordonnance du médecin traditionnel, il coupe une tranche de son biceps pour en faire un bouillon.
La mère a survécu (après passage à l’hôpital!) – le fils est en passe de devenir héros en son Sichuan natal.
Histoire de famille (ou : «rien n’est simple») : Lin et sa fille, en visite chez son mari Wu, dont elle vivait séparée, avaient été défigurées par l’amante Pan, laquelle avait été exécutée. Wu, rancunier, refuse de revoir sa légitime, s’est enfui, remarié, a un autre enfant. Lin attaque Wu en justice pour 400000 Y de pretium doloris!
Scène de zoo (par le Journal de la loi, qui d’ordinaire, ne badine pas):
Anshan, pauvre ville industrielle (Liaoning), possède un de ces zoos aujourd’hui dégradés, créés par Mao pour le loisir du prolétaire.
Quoique ignorants de G. Brassens, 3 gorilles s’étaient échappés, l’un dans un magasin d’alimentation (très bon choix!), l’autre chez des gens. Ne disposant pas le fusil anesthésiant, les gardiens ont appelé le 110: la police a «arrêté» les trois délinquants, sous les vivats de la foule!
8 MARS: les N° tel. à Tianjin et Chongqing (7 chiffres) passent à 8 chiffres: précédés par 2 (Tianjin) et 6 (Chongqing). Les n° à Chongqing commençant par «90…», changent en «908…», le code local change de «811» à «23».
jusqu’au 14 mars, Shanghai : Foire annuelle de la Chine Orientale, 1500 exposants -n°2 en Chine après Canton
10-12 Mars, Pékin : salon de la marbrerie