Le Vent de la Chine Numéro 8

du 5 au 5 mars 1997

Editorial : Une nouvelle stratégie française vers la Chine!

Du 27 février au 6 mars, Yves Galland, ministre français délégué au commerce extérieur, fait une tournée chinoise.

Mission préparatoire«imposée par la visite, le 15 mai, de Jacques Chirac, et un des six voyages ministériels français au programme ce semestre.

Mais cette mission marque un changement d’attitude, par rapport à l’illusion hier courante selon laquelle le contrat s’obtient en «flirtant» avec telle municipalité, en négligeant les instances centrales. D’où la durée du séjour chinois de m. Galland (8 jours), afin d’agir aux deux bouts de la chaîne de décision: y-compris, en province, à Tianjin (Hebei), Dalian et Shenyang (Liaoning) et Shanghai.

La nouveauté concerne les PME, auxquelles Paris semble cette fois décidée à donner les moyens d’être présentes en Chine. 40 des 45 chefs d’entreprises accompagnant le Ministre appartenaient à cette catégorie. D’autres pays d’Europe (Suisse, Belgique, RFA…) avaient entamé cette démarche avant la France. La démarche française frappe par son aspect intégré, faisceau d’instruments pour conseiller, financer, éclairer le terrain à un maximum de petites firmes : «remède de choc » pour mettre le pied à l’étrier d’un secteur «maillon faible» de la France industrielle.

Ce plan portera-t-il des fruits? Pour y parvenir, il faudra le concours des grandes entreprises, des Chambres de Commerce, Conseils de Régions, etc. Prendre en compte les coûts de fonctionnement en Chine (puisqu’un Bureau de représentation, en moyenne, coûte 2 M de FF par an, chiffre insupportable pour une PME). Sans oublier de faire appel au secteur privé, pour les besoins des PME en d’autres services tels l’information sur le terrain, déterminante pour motiver le petit patron à aller tenter sa chance au bout du monde!


A la loupe : Rencontres de personnalités chinoises

• Le Ministre Yves Galland a rencontré à Pékin une quinzaine de personnalités au plus haut niveau dans les dossiers industriel et commercial, mais non politique : pas de rencontre avec le Président de la République, le 1er Ministre, ni le N°1 de la gestion économique (Zhu Rongji) etc. Parmi ses interlocuteurs : Li Lanqing (vice 1er ministre), Chen Jinhua (Président de la Commission d’Etat au Plan), Wu Yi (Ministre du Commerce Extérieur / MOFTEC), Liu Zhongli (Ministre des Finances), Dai Xianlong (Gouverneur BPdC, la Banque centrale), ainsi que les ministres techniques correspondant aux principaux dossiers sur la table : Shi Dazhen (électricité), Shen Yuankang (Vice Ministre de l’aviation Civile), Zhu Yuli (Président de l’industrie aéronautique « AVIC », futur constructeur de l’avion de 100 places)…

 

 


Joint-venture : Contrats: négociations de la 3ème ligne métro de Shanghai

• Un seul contrat signé, à Tianjin, par la Compagnie Générale des Eaux : réhabilitation d’un traitement et distribution d’eau potable pour 3 M de citadins.

• Un contrat de centrale électrique en négociation (Gec Alsthom) à Dezhou (Shandong). Dans ce domaine, la Chine étudie toujours l’offre du consortium français pour la fourniture de 8 turbines géantes pour le barrage des trois Gorges.

D’autre part, une équipe d’experts chinois est en instance de départ pour la France, pour s’y familiariser avec la technologie des centrales à charbon « propre » (« lit fluidisé circulant »).

• A Dalian, négociations pour la reprise, en JV, du 1er producteur de locomotives Diesel du pays, Renqi, par Gec Alsthom. Synergie visant la production de motrices Diesel-électrique en partie destinées à la réexportation sur le marché asiatique.

• A Dalian aussi, devrait se créer un centre opérationnel de la mode française, avec pour but l’exportation de haute couture vers la Chine.

• Airbus: après l’année 1996 exceptionnelle pour le consortium européen, qui a contracté 30 appareils pour la Chine, on attend une remontée significative de Boeing, le fournisseur traditionnel de la Chine.

Optimisme du ministre : « les 30 commandes passées, étaient au titre du 8ième Plan. Le 9ième Plan prévoit 240 commandes. Airbus a déposé une offre pour 75 commandes fermes et 25 options. Soit 40%. Avec son nouveau centre de formation des pilotes, dont l’ouverture est imminente à Pékin, les chances d’Airbus sont bonnes ». Il ne s’agit bien sûr que d’une offre – sans écho de la part de la demande.

• Avion de 100 places : même optimisme. Le mois de retard dans les négociations pour finaliser le contrat (pour l’instant, on en est à la « lettre d’intention ») sont dus aux « lenteurs de la certification aux normes européennes… Il n’y a aucun problème de fond… Le risque de voir le contrat remis en cause ou dilué au profit de groupes d’outre Atlantique est égal à «zéro »!

• Assurances : « Il n’y a désormais plus qu’un seul groupe français demandeur d’une licence en Chine (AXA-UAP, fusionné)… Le dossier français n’a pas abouti auparavant, car les relations (avec le gouvernement socialiste) n’étaient pas bonnes…

J’ai parlé avec tous les interlocuteurs – BPdC – Banque centrale, Commission au Plan… La décision chinoise est attendue et urgente! »

• Banques : la France aligne trois demandes d’agences sur Pékin (BNP, Crédit Lyonnais, Société Générale), une à Shanghai (BFCE), et 2 à Pudong pour fonctionnement en monnaie locale : Indosuez et Crédit Lyonnais.

• Métro de Shanghai / Ligne 3 : « tous les efforts de l’Etat français ont été déployés » sur ce dossier, qui en est à la phase pré-opérationnelle – les offres des candidats ne sont pas encore rentrées…

La question des prix n’est « pas encore posée », mais l’offre française dispose sur ce point d’un avantage de parité monétaire de 20%, gagné en 18 mois.

 


A la loupe : NOUVELLE STRATEGIE FRANCAISE ‘PME’

Selon le ministre, 250 firmes en France assurent 52% des exports, tandis qu’à l’autre bout du télescope, 150 000 sont responsables de 6% du même total!

Mais pour des raisons historiques (la jeunesse de l’industrie française, la légèreté de son tissu, la préférence systématique accordée par Paris aux grands groupes d’Etat), la PME française est moins dynamique que ses soeurs d’Europe du Nord et d’Italie.

D’où le rêve du ministre, qui semble être aussi son objectif : si la PME française rattrapait son handicap sur celle d’Italie ou d’Allemagne, elle générerait 150 MM FF de parts de marché à l’export, et 400 000 emplois hexagonaux.

Pour y parvenir, différents instruments sont en voie d’installation: un poste de sous-directeur à Paris à la DREE (depuis janvier), un N°2 PME au PEE (poste d’expansion économique) à Pékin (idem), une « Mission Economique et Financière » qui regroupe à Pékin PEE et une agence financière créée pour les besoins des PME, qui prendra en charge une partie des frais et risques liés à l’acte de s’exporter (études de marché, assurance, frais d’exposition etc). Sur le montant de ce crédit, aucun chiffre n’a été cité.

Autre effort au niveau de la «rencontre» entre PME française et chinoise: au CNIT, Paris Défense, du 13 au 19 septembre, un «salon mondial de la PME française» se prépare, avec 106 pays dont un très gros stand chinois. 600 experts français seront présents pour répondre au pied levé aux demandes pratiques des PME venues tenter l’aventure. Ce gros effort, sur un temps limité, devrait susciter rencontres, vocations, synergies à petite échelle entre PME française et des pays émergeants, basées sur le savoir faire de l’une et le marché de l’autre.

Au chapitre «soutien opérationnel», un projet de m. Galland est de monter un système d’étude de l’expertise du partenaire – sur l’avancement technologique du  «conjoint», et peut-être aussi sa fiabilité… Comme on voit, tous les aspects dans cette dynamisation sont pris en compte, sauf peut-être (point de vue personnel!) celui de l’information en temps réel sur le pays d’accueil, qui joue pour beaucoup dans la motivation du patron de PME (sa décision d’ »y-aller »), et son succès une fois sur le terrain !


Argent : ‘Peugeot – Canton GPAC, c’est fini’

• « Canton, c’est fini » : pour la 1ère fois dans la bouche d’un ministre français, il est admis que Peugeot fermera son usine cantonaise (GPAC) en proie à de grosses difficultés financières et surtout à une crise de confiance ancienne et incurable avec son partenaire local, Denway qui joue sur la Bourse de Hong Kong le départ du Lion de Sochaux.

M. Galland précise que l’Etat français, « non actionnaire de Peugeot », ne participera pas aux frais de retrait de Peugeot de la province méridionale. L’avenir du groupe PSA en Chine, pour m. Galland, passe par Citroën et son partenaire Dongfeng à Wuhan.

La mévente actuelle ne sera pas éternelle : « aujourd’hui, les constructeurs sont otages des administrations et des flottes de taxi, mais cela va changer très vite, avec la hausse du pouvoir d’achat : aujourd’hui, l’on estime à 100 M le nombre des Chinois disposant d’un pouvoir d’achat. »


Temps fort : UN POINT DE VUE DEPUIS PEKIN : ALDO SALVADOR

Face aux projets du ministre, les réalités du terrain de la micro-JV chinoise, vues par Aldo Salvador, représentant de Rhône-Poulenc en Chine et Président en exercice de la CCIFC, la Chambre de Commerce et d’Industrie française en Chine : fin 1996, ce sont 270 000 JV sino-étrangères qui existent, pour un investissement infime » de 7,5 MFF en moyenne.

Le tissu industriel chinois est composé de très petites sociétés, le plus souvent d’Etat, très en retard technologique et avide de coopération. Face à ce terrain, PME et grands groupes ont les mêmes interlocuteurs, problèmes, et parfois les mêmes réponses. La grande différence étant… la taille : la PME ne peut avoir qu’un seul partenaire (5 à 20 MFF) contre 15 à 20 JV pour un groupe.

La PME, jusqu’à ce jour, s’est peu exportée vers la Chine – désemparée par la complexité du terrain, les coûts d’approche élevés et les délais (2 à 4 ans pour créer une JV).

La chance de la PME française est que le partenaire chinois potentiel redoute le « géant étranger » (objectifs à long terme opposés, lourdes procédures du groupe mal comprises par la firme chinoise)… A taille égale, il est plus facile de partager les ressources rares d’une compagnie – actifs, financements, experts etc.

Le seul problème étant, selon le Président de la CCIFC d’aider ces PME à se rencontrer métier par métier. Dans cette tâche, les grands groupes ont aussi leur responsabilité -pour ce que (sic) « nous sommes toujours le fournisseur de quelqu’un et l’acheteur de quelqu’un d’autre »!