Le Vent de la Chine Numéro 41

du 8 au 14 décembre 1997

Editorial : Pékin inquiet, regarde Séoul

Séoul reçoit du FMI, pour relancer son économie, 57 MM USD d’aide de détresse -assortis de conditions redoutables d’ouverture à la concurrence.

Pékin observe, sans plaisir: sa propre industrie d’Etat est bâtie sur un modèle proche des Chaebols coréens, conglomérats polymorphes de centaines de milliers d’emplois étroitement imbriqués avec l’administration, arque boutés pour protéger leurs marchés. Pékin sait qu’une raison pour avoir été épargnée par cette crise, tient à sa taille- le virus prend plus de temps pour se propager à travers un organisme 60 fois plus grand…

Au moins cette crise aura conforté la Chine dans sa priorité, dès octobre, dans la réforme des Entreprises d’Etat, et dans son choix pour mener cette tâche, de Zhu Rongji, technocrate ne redoutant pas les sacrifices. Zhu s’est donné 3 ans pour rectifier les 47% d’ Entreprises d’Etat non rentables.

Son plan : maintien d’un Yuan fort (8,28: 1 USD) pour conserver un profit aux exports; coupe (déjà faite, mais d’autres pourraient suivre) des taux d’intérêt pour décourager la spéculation tout en réduisant les coûts industriels; retarder autant que possible l’ouverture monétaire/boursière.

L’investissement étranger serait stimulé par différents arguments (cf rubrique « J.V. »). Quant aux Entreprise d’Etat endettées, les petites et moyennes seraient vendues d’ici 2000, les grandes, fusionnées- recapitalisées par la Bourse (y compris étrangère), et les stratégiques, gardées sous l’aile de l’Etat. Rien de bien nouveau. Le succès, s’il a lieu, devra venir de la capacité d’un appareil central « souple », à piloter et à tenir ses troupes!

 


A la loupe : COOPERATION FINANCIERE ASIATIQUE

Le crash asiatique de novembre inspire des réunions internationales multiples. L’une vient d’avoir lieu à Kuala Lumpur entre ministres des finances (ASEAN et Chine). Liu Jibin, vice-ministre des finances, y a confirmé que la Chine n’investirait pas une part de ses réserves (134MMUSD) pour dépanner les monnaies voisines. L’essentiel, pour l’avenir, étant de maintenir le bon voisinage. Pékin interdit aussi à Taiwan de prêter à l’ASEAN en tant qu’Etat – acceptant toutefois l’inévitable – que l’île le fasse sur base privée (de peuple à peuple).

Une idée prend son essor: faire de HK une base régionale du marché de la dette, afin d’éviter les interférences d’acteurs financiers incontrôlés. Réunion d’experts prévue pour bientôt à HongKong.

A Kuala Lumpur se préparent 2 sommets le 14 décembre: l’un (Chine, ASEAN, Japon, Corée) sur la sécurité régionale; l’autre, sur le règlement de la crise financière. Comment s’organiser entre asiatiques, défendre les monnaies, contrôler le trafic informatique des capitaux… En ligne avec le FMI!

 

 

 

 


Joint-venture : Nouvelles exemptions de taxes aux firmes étrangères

• Une publication avait traduit et adapté la célèbre revue allemande Auto Katalog: mal lui en a pris: le groupe étranger a réclamé la destruction des copies pirates, des excuses dans la presse et une compensation pour un préjudice de 400000Y. Du tribunal intermédiaire n°1 de Pékin, il a obtenu gain de cause sur toute la ligne, y compris 66864Y d’indemnités du groupe de presse, 14328Y de l’atelier couleurs et la même somme de l’imprimeur!

• Sortie des usines de Nanchang (Jiangxi) du minibus Transit, Joint-venture de Ford (20, puis 30%) et Jiangling, avec 50% de pièces made in China, prix 200 à 250000Y, objectif de 60000 unités/ an. Ford poursuit ainsi sa stratégie des petits pas (également celle de FIAT/ Iveco et de Renault/Trafic), la seule possible pour ceux qui ont manqué le « train » d’il y a 10 ans ou qui ne peuvent payer 1 à 2 MMUSD (tel General Motors) : 5JV de pièces détachées, puis les minibus, en attendant la licence de constr. de voitures privées.

• Ouverture à Canton d’une Joint-venture « Elf » de lubrifiants. Elf compte vendre 75% de sa production (20000t puis 40000t) sur le marché local. Désormais, tous les groupes pétroliers mondiaux produisent des huiles auto en Chine.

• 2 nouveaux épisodes dans la saga (depuis fin 1995) des exemptions de taxes pour les biens d’équipement pour firmes à capitaux étrangers:

[1] Pékin réintroduit immédiatement l’exemption pour toute firme étrangère fondée avant le 31 mars 1996.

[2] Nouveau règlement : au 1er janvier, tout projet étranger « high tech » jouira d’un taux de TVA « 0 » sur ses biens d’équipement, contre 8,5% aux projets « prioritaires » (type « irrigation ») et 17% au commun des projets.

 


A la loupe : MEXIQUE, ‘l’amitié cactus’

Le 29 Novembre, le Président Jiang Zemin entamait une visite à Mexico. 5ième Rencontre en 2 ans avec le Président. Zedillo.

Mexique et Chine ont bien des raisons à chercher à s’entendre: alléger l’emprise du géant Nord-américain; renforcer leurs présences sur leurs continents réciproques. Jusqu’à l’an passé, Pékin suivait de près ce grand État latino-américain, ayant franchi 70 ans avec un seul parti au pouvoir.

Enfin, à présent, les 2 pays sont en quête de réforme, ce qui incite au rapprochement. Mais pas à n’importe quel prix. La Chine a inondé le Mexique ces années passées de produits à prix bradés, causant la levée de boucliers tarifaires. Jiang a dû reconnaître, fait rarissime, montrant l’enjeu pour la Chine!- l’existence de plus de 600 produits vendus au Mexique à prix de dumping!

La visite débouche sur 2 projets chinois au Mexique (71MUSD).

Un complexe textile, et une ferme modèle (10 000 ha, 600 employés locaux). Pas de cerise sur le gâteau, mais comme le déclarait un Jiang décidément poète, une amitié sino-mexicaine épanouie comme fleur de cactus.

 


Argent : Gel des constructions de logement privés

• Un lourd nuage plane sur Shougang (aciéries de Pékin), «porte-avions» des industries d’État.

En 1994, ses bénéfices se comptaient en MMY: aujourd’hui elle ne peut plus payer salaires, pensions et allocations chômage, surtout celles de 5000 sur 13 000 ouvriers débauchés par sa filiale Tegang (aciers spéciaux). Grèves et pétitions couvent.

Au Sichuan par contre, elles explosent: à Yibin, 4000 ouvriers d’une usine d’engrais avec jusqu’à un an d’arriérés de salaires, ont bloqué 2 h. le centre, au slogan de "à manger", tandis qu’à Zigong, ils étaient 6000 à manifester -pour la 5.fois en 14 mois!

• A peine la décision prise de restructurer les E.E – les entreprises d’Etat et la Chine annonce 130M de chômeurs ruraux dès décembre dernier, 370M d’ici 2000, et 450M d’ici 2010.

La « solution »: encadrer l’exode vers les 18000 petites villes de Chine, ce qui suppose l’abolition du système du hukou, permis de résidence. Un projet expérimental est déjà en place dans 450 bourgades où la citoyenneté est accordée après 2 ans de résidence.

• Achèvement de la nouvelle ligne électrifiée ferroviaire Kunming-Nanning, sur un terrain très accidenté (900 kms, 263 tunnels, 461 ponts).

But du projet: réduire de 360km la distance à parcourir vers les ports de mer et permettre le convoi de 10Mt/an (puis 30 Mt) des richesses naturelles du Yunnan (bois, minerais, charbon, phosphore) vers la base industrielle du Guangxi et l’étranger.

• Le bureau de taxation de Pékin menace les fraudeurs fiscaux d’une saisie forfaitaire de 20%sur leurs salaires et primes. Plus de 400 MMY de revenus au noir dormiraient sur des comptes en banque à travers la Chine.

• Début 1996, les pouvoirs publics pensaient assurer la relance par la construction de logements privés (opération  anju). Aujourd’hui, ils annoncent un gel partiel de ce programme: 2/3 des 5Mm² bâtis au 1er semestre 1997 restent vides.

Problème de qualité (défaillances multiples, eau gaz électricité ascenseurs).

Problème de prix: 1000Y/m² à la campagne, 6 à 12000Y en ville, très supérieurs aux moyens du petit peuple, parmi lequel revient souvent ce commentaire désabusé: " après une vie de travail, on a juste assez pour s’acheter le balcon".

• La Banque Minsheng, seule banque privée de Chine, se plaint du favoritisme du système envers les Banques d’État: Minsheng vise une clientèle d’entreprises publiques; mais celles-ci, de part un règlement antique, ne peuvent pas disposer de plus d’un compte en banque, toujours auprès d’une des 4 grandes banques publiques!

Cependant Minsheng pourra bientôt s’appuyer sur un allié de poids, la IFC, bras financier de la Banque Mondiale, qui s’apprête à reprendre 6% de son capital.

 


Pol : Elections taiwanaises : victoire du DPP

• Première longue condamnation (10 ans) pour un Américain: Chinois d’origine, W.Pingchen avait importé sans permis 238t de déchets industriels toxiques, indésirables aux USA. Après paiement de 500 000Y d’amende, Pingchen a été autorisé à être expulsé vers les USA (après 17 mois de préventive).

Accusé du même délit, Zhang Nan, Président d’une firme chimique du Jiangxi, a été blanchi, quoique ses imports de déchets de plastic pour le compte d’une firme allemande, soient 150 fois supérieures en volume (44000t, entre 1993 et 1994): ce n’était pas un délit, puisque les contingents étaient passés en douane.

• A Taiwan, victoire surprise du DPP, le Democratic Progressive Party, aux élections municipales du 29 novembre.

Le parti indépendantiste a raflé 12 des 23 mairies (+6), tandis que le Kuomintang (KMT) en gardait 8 (7 de perdues).

Désormais, le DPP, parti « gouvernementale », doit faire face à un choix lourd de conséquences. Pour le maire DPP de Taibei, Chen Shui-bian, un référendum promis depuis longtemps, sur l’indépendance de Taiwan, est désormais inéluctable. Pour Hsu Hsinliang, Président du parti, des relations correctes avec le continent, sont tout aussi nécessaires.

Pékin pour sa part avertit: l’usage de la force reste une option, en cas de sécession. Cette victoire vient mal à point pour Pékin, et son offensive de charme à peine débutée envers Taiwan (la série d’invitations programmée pour le printemps): Pékin pourra-t-elle encore inviter le DPP?

• Hong Kong vient de limiter à 100, les écoles en langue anglaise: -20%, contre 300 en mandarin.

Hong Kong vient aussi d’établir la liste d’une 50aine de candidats députés à l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), aucun membre du Front Démocratique, qui était candidat. Londres pour sa part, marque son soulagement d’être débarrassé de l’impasse hongkongaise: pour la 1ère fois un communiqué conjoint a été émis à l’issue du Comité de liaison sino-britannique sur Hong Kong, qui existera jusqu’en 1999.

 


Temps fort : LA CHINE, otage de sa croissance

La Conférence mondiale de Kyoto fut décevante, mais on s’y attendait.

Son but: obtenir des Etats des réductions volontaires des émissions de gaz (surtout de C0²), probable responsables du réchauffement de la planète par effet de serre.

La Chine, 2ème  pollueur éolien au monde (bientôt n°1), refuse tout engagement. Les USA, n°1, prônent pour eux-mêmes un timide retour d’ici 2010, à leurs niveaux de 1990.

Europe et Japon proposant des coupes entre 5 et 10%. Le veto chinois (justifié par le vieil argument: « la Chine pauvre n’est pas responsable des pollutions de l’Occident riche ») est surtout tactique: la Chine veut gagner du temps, pour replacer les 450 M de chômeurs ruraux attendus d’ici 2010… Pas le moment de toucher à sa production d’électricité, nerf de l’emploi.

Au demeurant, 3 études chinoises récentes voient au réchauffement du climat, pour la Chine, du pour et du contre. Pour: un climat plus doux et humide, (+20 à 40% de pluies), rendant plus fertiles Mongolie et grand Ouest.

Contre: des inondations, qui pourraient causer d’ici 2050 jusqu’à 70 M de réfugiés, sur la côte (Sud).

En 1990, la Chine émettait 600 Mt de dioxyde de carbone; en 2050, elle passerait (sans politique d’environnement) à 3,7MMt, ce qui donnerait 900kg de gaz par habitant/an, très au-dessus des plafonds de l’OMS. D’où l’intérêt pour Pékin d’exercer au plus vite un contrôle de ses émissions… Question de priorités.

 

 


Petit Peuple : Mexique, Hong Kong : Jiang Zemin à la plage

• Rare accident à Leizhou (Guangdong), ou 17 élèves de primaire ont été piétinés lors d’une panique dans leur école, suite à une rumeur folle: la mairie, désespérée du bilan local du planning familial, entreprenait sans délai la stérilisation par injection des élèves …Une mère, venue rechercher son rejeton, cria la « nouvelle », causant rumeur, provoquant la bousculade.

• « La prochaine fois,  » (haobuhao, d’accord?): un Président Jiang souriant, sortant d’un bain à la plage mexicaine de Cancun, a promis à des journalistes hongkongais qu’à son prochain passage dans la RAS, il honorerait les eaux locales de sa présence!

• Pour saisir la terreur et la méconnaissance des campagnes chinoises vis à vis du SIDA, le journal de la jeunesse a suivi les derniers jours de Chen Liping, prostituée retournée au village, à Zemiao (Fujian), faute de pouvoir régler l’hôpital: dès que cela s’est su aux alentours, les paysans de Zemiao n’ont plus pu vendre leurs légumes (leur principale source de revenus), ni leurs oeufs de canard. Le père de Chen a dû se laisser pousser les cheveux, le coiffeur le refusant dans sa boutique; quand le maire et le Secrétaire du Parti montaient en ville pour affaires, personne ne voulait leur serrer la main…

Finalement, Zemiao a renvoyé Chen Liping à son hôpital où elle est morte le 20 novembre. L’histoire ne précise pas qui a payé les soins.

 


Rendez-vous : Qian Qichen au Proche-Orient

• 9 décembre, Genève: 1er  meeting quadrilatéral Chine (vice ministre Tang Jiaxuan), USA et les 2 Corées,pour un traité de paix dans la Péninsule.

• 9-12 décembre, Pékin: visite du Chef de l’exécutif hongkongais, Tung Chee Hwa, qui rendra compte de ses six 1ers mois de gestion de la RAS.

• 18-26 décembre: deux visites du vice 1er  Ministre et Ministre des Affaires. Etrangères Qian Qichen

[1] Au Proche Orient: Liban, Syrie, Israël, Egypte, Palestine.

[2] 28 décembre direction Pretoria (Afr. Sud) pour inaugurer la nouvelle ambassade. Pretoria vient de repousser une tentative ultime par Taiwan, pour changer le statut bilatéral.

•11-14 décembre, Shanghai: China Print & Pack 1997, 60 firmes spécialistes de l’emballage