Le Vent de la Chine Numéro 4

du 27 janvier au 2 février 1997

Editorial : Chine – OMC : Sommet secret à Pékin !

Pays du G7 et organisations internationales se rencontrent cette semaine à Pékin, afin d’intégrer la Chine comme 128. ème membre de l’OMC.

Le secret absolu autour de ce sommet, et le «calibre» des visiteurs (Directeur adjoint de la DG1 pour la Commission Européenne de Bruxelles, Directeur du groupe de travail «Chine» à l’OMC de Genève), indique que cette fois, l’accord est possible, mettant fin à 11 ans de dialogue de sourds, portes claquées et lente germination d’un minimum de compréhension mutuelle.

Pourquoi ce gâchis?

Le massacre de Tian An Men en juin 1989, en isolant la Chine, lui a fait perdre de précieuses années. A joué, surtout, cette conception antique mais toujours en vigueur: en toutes négociations, vu le poids de la Chine (taille, population, histoire), le monde doit se plier à sa vision des choses. L’OMC étant d’avis que c’est au candidat à s’adapter aux règles du Club et non l’inverse.

Pragmatique, la Chine a beaucoup concédé.

Sa monnaie est désormais unique et presque convertible. Ses taxes douanières passées de 36% en moyenne à 23%, descendront à 11% sous 2 ans. Des ouvertures limitées sont en cours dans les services (banque, assurance, trading, tourisme). La protection de la propriété intellectuelle est la politique officielle, même si l’application de terrain reste lacunaire. Les questions pendantes concernant les marchés publics, les obstacles non tarifaires (la transparence), ainsi que l’uniformité d’accès au droit foncier.

L’accord, s’il se fait, partira du plan de la Commission Européenne.: entrée immédiate pour la Chine, et devoirs étalés sur quelques années. Un seul pays continue à estimer les concessions chinoises insuffisantes: les USA.. Mais Bill Clinton, réélu, n’a plus le dos au mur: les temps sont mûrs!

 


A la loupe : Hong Kong : toilettage des lois!

Pékin confirme son projet d’abolir à Hong Kong tout ou partie de 26 lois, touchant aux libertés d’association, de manifestation, et surtout la primauté constitutionnelle des Droits de l’homme. Tung Chee-Hwa, le futur gouverneur, justifie ces coupes par la priorité d’assurer l’ordre public.

Ce nouveau pas vers la reprise en main suscite des inquiétudes dans la Colonie. Donald Tsang, le «ministre des finances», s’est peut-être avancé en exprimant la crainte d’une fuite des cerveaux et des capitaux – on n’en est pas là. Mais, ce porte-à-faux avec son «patron potentiel», risque de l’écarter des affaires après juin, malgré son indéniable popularité!

Pékin apparaît décidé, pour des raisons internes, à imposer d’entrée son style à la vie civile hongkongaise, quels qu’en soient les risques. Les protestations de Londres ont été balayées. Reste la pression (déjà présente) des USA, voire celle de l’Union Européenne, si la tension à Hong Kong devait s’alourdir.

Pour le moment, c’est donc un scénario inquiétant qui prévaut – mais la phase n’en est qu’au tout début, tout peut encore basculer, dans un sens ou l’autre!

 


Joint-venture : 1ers Prêts de la Banque Mondiale au secteur privé

• La Banque de Boston annonce (reprise par la presse chinoise) l’ouverture future d’une succursale à Shanghai Pudong et d’une autre dans l’île de Hainan, la province la plus florissante et la moins contrôlée de Chine.

• La BdC– la Banque de Chine- participera (montant non spécifié) à une centrale thermique en investissement  conjoint (AES des Etats-Unis, et Fujian Power), située à Quanzhou. Coût 1ère tranche : 690 M USD.

• Nouvelle fournée de banques à Shanghai-Pudong, ayant reçu l’agrément pour travailler en RMB: Daiichi Kangyo, Sanwa (Japonaises) Standard Chartered, et la Banque Internationale Paris-Shanghai, Joint Venture ICBC-BNP (Banque Nationale de Paris).

• 116 MUSD de contrat chinois au constructeur aéronautique Bombardier (Canada), pour 5 Canadair Corporate Jetliner de 50 places.

Yunnan Airlines signe pour 2 Boeing 737-300, livrables cette année (68 MUSD). Boeing en est à son 250ième appareil livré à la Chine (60% de la flotte importée de l’Ouest).

Chiffre qui va monter, avec les plans d’achats par Hainan Airl., de 10 Boeing 737-400 et -800 d’ici 2 ans.

• «Expérience» à Tianjin, par l’israélienne Elbit, pour lancer un réseau téléphonique greffé sur celui de la TV par câble.

• D’ici fin 1997, le prix moyen des voitures fabriquées en Chine aura baissé de 20% – du fait de la mévente du marché (contrôlé à 52% par VW), et des progrès dans l’intégration locale. Ces pertes sont malgré tout, largement supportés par les constructeurs, sur des unités non-amorties.

Par contre, la quarantaine de taxes automobile demeure, entre un tiers et la moitié du prix (et jusqu’à 250%, sur le véhicule importé).

• Cette nouveauté accélérera peut-être l’implantation de General Motors à Shanghai, rompant le monopole de Volkswagen VW: General Motors achète en Chine une chaîne de presse et emboutissage pour habitacles de voiture (trois unités 3000t) pour sa future usine de Rayong (Thaïlande; investissement de 7,5 MM USD).

Equipement produit entre Jinan et Shanghai par CNHMC, consortium public en coopé avec le nippon Komatsu.

• Après son usine de lubrifiants (45 MUSD d’investissement, 300000 barils d’huile et 40000 barils de graisse/an) à Tianjin, Mobil construit une unité de 50 MUSD à Taicang (Jiangsu).

Taicang, par ailleurs, vient d’inaugurer un quai d’accostage, dans le cadre d’un plan portuaire local de 1,8 MMUSD, et vise 15% du marché portuaire futur de Shanghai.

• pour remplacer le satellite ChinaSat7, fourni par Hughes (USA) et perdu en mars 1996 par son propre lanceur Long March 3, Pékin achète ChinaSat8 à Space Systems/Loral (autre US)!

• la Banque Mondiale va prêter 30 MUSD à des compagnies chinoises privées – brisant le monopole des banques chinoises, par l’intermédiaire d’Orient Finance, compagnie privée de financement du Heilongjiang.

 


A la loupe : Quel futur pour les ‘Futures’?

Les milieux professionnels se disent confiants dans l’avenir de la quinzaine de Marchés à terme (Futures) à travers le pays.

Un marché pourtant encore plus instable que celui de la Bourse: trop de spéculation faisant flamber les prix des matières 1ères, très au-delà des cours pratiqués ailleurs dans le monde.

De lourdes pertes en 1994 sur différents métaux à Shanghai, avaient provoqué une intervention de l’Etat, interdisant ou limitant localement de nombreuses transactions –acier, charbon, sucre, pétrole, et certains riz, par exemple. En 1996 par contre, la «forêt» d’interdictions étranglait le marché, sans pour autant enrayer la spéculation. Un an plus tard, sur demande du secteur, le pouvoir a émis un corset de règlements: procédures d’agrément pour les firmes de Futures (dont l’Armée, le Parti et l’Administration, investisseurs traditionnels, se voient bannis), limites d’achats par rapport au capital, fermeture des marchés 24 h en cas de gains ou pertes trop «pointues»…

Ces procédures macro-économiques calquées sur la norme internationale, étant appelées à remplacer les interdictions locales et saisonnières!

 


Argent : Shanghai – Pinghu : réseau Gaz de 600 M USD

• Après l’émission, très suivie, depuis début d’année, de bons du Trésor (2,4 MM USD à 10,7%), les autorités bancaires appellent à la création d’un Fonds de Placement afin d’ouvrir l’accès à ces valeurs, aux petits épargnants. Le système actuel met la barre d’achat aux détenteurs d’un compte de 12 000 USD!

• 1ère pierre à Shanghai pour un réseau gazier de 600 MUSD, le Projet «Pinghu/mer de l’Est»: 13 puits offshore gaz et pétrole, une station de pompage à terre (Daishan, Zhejiang), 365 km d’oléo-gazoduc.

• Minsheng, 1ère banque privée en Chine, confie l’audit de ses comptes ’96 à Price Waterhouse, vénérable fleuron de la comptabilité d’entreprise. Minsheng a juste 1 an, près d’1 MM USD de capital (2000 actionnaires) et 1,3 M USD de profits en 1996. L’idée étant, vis-à-vis de la concurrence d’Etat, de prendre de l’avance sur les techniques de contrôle et de management des prêts à risque.

• Hier réservé aux petites frappes, le vol à l’étalage est pratiqué par «Mr (ou Mme)-tout-le monde» et par des gangs, causant aux grandes surfaces de Shanghai pour 1 M USD/ an de préjudice (chiffre de la police).

Les plus redoutables «faucheurs» sont les amateurs: moins repérables, et moins punissables que les « pro », ils causent beaucoup plus de dégât!

• FESCO, un des intermédiaires obligatoires pour la fourniture de personnel aux étrangers à Pékin, «pèse» 17000 jobs dans 4000 bureaux de représentation, dont un tiers placé en 1996: résultat entre autres, du renforcement des contrôles dans les bureaux étrangers.

 

 


Pol : Parti communiste chinois – colloque ‘idéologie et publicité’

• L’idéologie s’intéresse à la publicité: du 14 au 18 janvier, une conférence nationale était organisée par Ding Guanggen, Chef du Département «Propagande» du Comité Central.

Les 2 thèmes qu’il s’agit de «vendre» à la Chine et au monde : la souveraineté sur Hong Kong, et le futur 15ième Congrès. Le vent, en 1997, souffle au nationalisme. cf M. Ding : «le retour de Hong Kong… a lavé un siècle d’humiliation, et comblé 100 ans d’aspiration de la race chinoise»

• Qui dit Congrès du Parti (« Etats Généraux quinquennaux » de la Nation), dit aussi lobbies: inquiet de la recrudescence de ceux-ci, les instances supérieures ont instruit le Min. des Affaires Civiles de ne plus procéder à l’enregistrement d’ « unités non-affiliées au Parti ou à l’Etat », en particulier si elles se revendiquent comme « organisations de masse ». Ce qui donne, au passage, une assez bonne définition du «lobby», vu sous l’angle socialiste!

• Au même moment, Yan Mingfu, vice patron de ce ministère, à 65 ans, est frappé par la « limite d’âge » (qui en épargne d’autres, plus proches de la ligne!) : Yan, ancien chef du «Front Uni», et bras droits de Zhao Ziyang, avait été déposé après les événements de juin 1989, puis réhabilité en 1991.

Yan sera accompagné dans sa chute, par au moins 2 autres prestigieux cadres réformateurs : Hu Qili (ancien Chef de la propagande sous Zhao, aujourd’hui ministre de l’électronique) et Rui Xingwen, vice ministre du Plan.

Des attaques dans la presse visent également des intellectuels de renom comme l’ex-ministre de la culture Wang Meng ou l’économiste Yu Guangyuan, (pour qui une conférence a été annulée par la mairie, sous le fait de «risque d’incendie». Autres annulations dans la capitale, depuis quelques semaines : une expo avant-garde au Musée des Beaux Arts, et une pièce tirée du célèbre roman « A.Q. », de Lu Xun (le « M. Proust » chinois).

• Memorandum sur le shipping signé mercredi 22, par Chine et Taiwan, pour une liaison entre Fuzhou /Xiamen (Chine) et Kaohsiung (Taiwan). L’accord peut être exécutable sous quelques semaines.

• A Shenzhen (Guangdong), l’arrestation d’un ouighour (musulman du Xinjiang) vendeur ambulant de brochettes de mouton, s’est soldée par une émeute de quelques centaines de coreligionnaires, forçant la police à tirer en l’air. Un incident similaire avait eu lieu quelques semaines plus tôt à Xi’an (Shaanxi), après la mort en Commissariat d’un restaurateur «hui».


Temps fort : la 1ère école boursière

Une quarantaine de gens de tous âges, entre la jeune fille de 18 ans et le cadre en retraite, assis aux pupitres d’un lycée pékinois: nous sommes dans la 1ère école des techniques boursières en Chine (privée bien-sûr), enseignant comment devenir actionnaire à succès!

Malgré le prix élevé (1300 Y pour un mois, 50 h de cours du soir), «nous refusons du monde», se félicite le directeur!

En 18 mois, 3000 ouvriers, PDG, patrons de ferme ou acteurs ont achevé le cycle. Parmi eux, 60% d’hommes, mais les femmes ont un meilleur background et plus de «nez» pour les tendances à suivre. Le marché est immense: rien qu’à Pékin, 700 000 des petits actionnaires (contre 300 000 en ’95). Le programme est de haut niveau, jonglant entre parts «A», «B», «H», bons du trésor, techniques d’anticipation, de reconnaissance des mouvements des gros porteurs

Mais justement, dans cette jeune jungle boursière chinoise affectée d’irrégularités et de délits d’initiés, les «petits» ont-ils leur chance?«Je suis persuadé que oui», dit le directeur «lors du crash du 13 déc.1996

80% de nos élèves ont vendu à temps -ils sont les vrais gagnants de 1996!»…

80% aussi parviennent à l’examen: fruit d’une motivation très forte, d’une expérience personnelle préalable de placements, et de cours vivants, par des professionnels des compagnies d’investissement ou des administrations de tutelle.

«Deng Xiaoping a dit»,conclut le directeur, «qu’il était légitime que certains s’enrichissent avant les autres : nous créons notre part de l’avenir,


Petit Peuple : 1996 : 18 MM USD en fraude administrative

• Délit impensable il y a 5 ans : 4 faux monnayeurs, arrêtés le 9 janvier dan le Henan avec, pour 6 M RMB de «monnaie de singe».

• Pékin: en cas d’accident, un N° de tél officiel pour faire venir la police pour constat : le 122.

• De vendredi à dimanche dernier, 242 000 adultes affrontaient les examens d’entrée à la formation continue. Soit 38% de plus qu’en 1996. 60% d’entre eux sont employés, en quête de meilleurs jobs.

Le manque de la Chine en personnel qualifié est patent. Plus encore, celui en postes d’études pour adultes!

• 18 MM USD : tel est le montant des fraudes administratives l’an passé à travers la Chine, selon l’auditeur général, M. Guo Zhenqian. Dont 1/3 en ventes illégales de biens publics, 1 MMUSD détournés des fonds de pension des entreprises, et environ la même somme en fraude fiscale, par la Cosco et ses filiales.

• Pas moderne, le paysan chinois?

Il y a des exceptions: cet horticulteur du Shandong qui vend ses fleurs par site Internet – 9,5M Y de profit l’an passé.

• On découvre dans le « smog » de Shanghai (un des plus mauvais du monde) des particules cancérigènes – et un système se met en place, de prévisions hebdomadaires de la pollution atmosphérique à travers 47 villes -dont 5 dans le Top Ten de la pollution mondiale : Pékin, Shanghai, Shenyang, Xi’an et Guangzhou.