Le Vent de la Chine Numéro 32

du 21 au 27 septembre 1997

Editorial : 15. Congrès : balle au centre

• Le VdlC avait déjà évoqué l’anémie maligne de Qiaoshi, N°3 du régime, phare de la réforme politique. Qiao était seul à défendre le principe de la séparation des pouvoirs, et de faire du Parlement (qu’il présidait)le garde-fou du Parti, sur lequel il aurait droit de veto. Faut-il préciser qu’avec ces idées, Qiao était avec Jiang Zemin en rivalité, exacerbée par la succession à  Deng Xiaoping!

Dans ce contexte, l’éviction de Qiao de tous ses mandats à l’issue du 15. Congrès (invité à prendre, à 72 ans, un repos bien mérité) revêt, dans l’histoire de la Chine, une importance capitale:

• Sa présidence de l’ANP est libre pour Li Peng en mars 1998, Zhu Rongji passant 1er ministre: la troïka d’hier, éclatée entre les 2 clans est remplacée par une équipe compacte: 1 Présidant  plus 2 lieutenants;    

• Mais pour « vendre » cette idée au Congrès (et amputer les réformateurs de leur base de pouvoir), il a fallu céder ailleurs: le programme quinquennal est celui de Qiaoshi (élections de la base, renforcement des pouvoirs des tribunaux face à ceux de la police, recours du citoyen etc.). Phénomène fréquent en Chine, où les fantômes pèsent plus que les politiciens (cf le cas de Zhao Ziyang);

• Cet embryon étriqué de réforme politique n’est que la face visible de l’iceberg: la semi privatisation des 370 000 E.E (Entreprise d’Etat) signifiera la disparition du terreau où prospérèrent, un demi-siècle durant, des millions de danwei (, unités de travail), cellules du Parti et autres organisations d’encadrement des masses! La suite étant déjà prévue. Par ex., les élections des cadres cantonaux (après celles des villages) devraient apparaître à l’échelon expérimental en l’an 2000.

Conclusion : ce 15. Congrès est à l’image du Présidant Jiang, complexe sous ses abords débonnaires: gauchiste pour la face, et sur le fond, réformateur prudent et prenant son temps.


Joint-venture : Nucléaire US en Chine: feu vert imminent

• Préparatifs à la visite de Jiang Zemin aux USA  en octobre: Washington met la dernière main à une certification de la Chine comme pays non-exportateur de matériel nucléaire militaire vers des pays tels Iran ou Pakistan.

Une fois cette mesure passée, Westinghouse et General Electric pourront ex-porter des centrales nucléaires vers la Chine, en vertu d’un accord bilatéral en panne depuis 1985. Par ailleurs, le 25 sept, à New York : rencontre de Madeleine Albright avec Qian Qichen (toujours pour cette visite).

• Selon Shanghai Star, PC Halle (France), viendrait d’obtenir la très recherchée licence (200 firmes en liste d’attente, 12 dossiers acceptés) pour produire des ordinateurs en Chine.

JV, à Pudong, avec Shanghai Electronic Commercial. Production à terme 50 000 PC/an, sous la marque «Anyway». La JV contrôlerait d’autre part 9 grandes surfaces spécialisées (N°1 du secteur dans Shanghai) et vend 500PC/mois.

 


A la loupe : Les nouvelles institutions

Comité central: selon Jiang Zemin, il est «rajeuni, professionnalisé, mieux formé, afin d’affronter…les défis et opportunités sans précédent du 21.siècle». Jiang aurait pu ajouter «plus fidèle», ayant réussi à écarter tous ses adversaires preuve d’un pouvoir accumulé, qu’on avait peut-être sous-estimé.

Parmi les 193 membres du nouveau Comité Central disparaissent pour limite d’âge Qiao Shi, les «grognards» de l’APL (Armée Populaire de Libération) (Yang Baibing, Liu Huaqing, Zhang Zhen), le Conseiller d’Etat Zou Jiahua, le ministre de l’électronique Hu Qili (sous Zhao Ziyang, un très réformiste patron de la propagande, à ce titre, adversaire personnel de Li Peng).

On remarque l’élasticité du concept de limite d’âge: alors que Qiao Shi sort à 72 ans, Jiang Zemin reste à 71 , à l’instar de Hua Kuofeng, l’ultra gauchiste, éphémère successeur de Mao qui avoue 76 lunes: comme quoi en fonction de la ligne, certaines années sont plus longues que d’autres!

Sortants aussi: la totalité du gang des petits princes (, fils des vétérans comme Deng, Bo Yibo etc). Une semaine plus tôt, passait à la trappe infamante Chen Xitong, l’ex-secrétaire du Parti pour Pékin, accusé de corruption, et qui avait tenté en son temps de faire obstacle à l’avènement de Jiang Zemin et des «Shanghai boys» dans la capitale. Le Comité Central comporte 57% de nouveaux membres. Les nouveaux sont généralement cinquantenaires.

Diplômés- de la 1ère promotion après les 10 ans de blanc, de la Révolution Culturelle. Parmi eux: Dai Xianglong, Gouverneur de la BdC (Banque de Chine); et Xian Yang, Ministre de la justice.

Au Politbureau, 22 membres (inchangé): montée en flèche, comme prévu, de Zhang Wannian le Chef d’état-major, du maire de Pékin Jia Qinglin , tandis que Wu Yi, la très énergique patronne du Moftec, ne passe que membre suppléant. La majorité de Jiang y est écrasante : 9 supporters, 4 opposants, 9 neutres.

L’organe suprême du Comité Permanent voit 2 figures en remplacement de Qiaoshi et Liu Huaqing: Wei Jianxing, Chef de la Comm. de Discipline et Li Lanqing, patron du commerce extérieur. Ici, la domination de Jiang est moins nette: le Parti, tout en concédant à Jiang les têtes de 2 réformistes, les ont remplacés par des hommes de la même tendance conformément à la tradition. Contrairement aux rumeurs de l’été, le C.P (Comité Permanent) reste à 7 sièges (non pas 9), et ne peut accueillir le militaire Zhang Wannian, malgré les pressions de dernière minute de Jiang:la crise de succession de Deng étant passée,  (notre nouvelle grande muraille) perd son rôle d’arbitre, et redevient (provisoirement au moins) la grande muette!

 

 

 


Argent : Baisse douanière sur 1700 produits

• Durant le débat au 15. Congrès sur la réforme des E.E (Entreprise d’Etat), les autorités ont ramé dur, à contre courant pour tempérer les espoirs des patrons régionaux, suscités par le rapport de Jiang.

1. «pas question de privatisation, l’idée étant de changer de mode de gestion, pas de propriété».

2. «procéder à des ventes et transferts d’Entreprises d’Etat sans préparation, ouvrira la porte aux pertes et aux fraudes», en l’absence d’un cadre législatif réaliste et surtout d’une pratique des lois sur la fusion, la bourse, le droit du chômage etc. Tous systèmes en cours d’installation, mais non encore actifs.

• Un pas vers l’OMC : au 1er octobre, la baisse de tarifs douaniers de 23 à 17% en moyenne, sur 4874 produits, dont un tiers de nouveaux. Ces droits demeureront quand même le double de ceux de l’Union Européenne.

Mesure annoncée pour édulcorer l’amertume, pour Wash’ton, de sa balance commerciale chinoise en chute libre. Par ailleurs, un cadre de la Banque Mondiale vient de prendre la mesure rare de critiquer certains pays de l’Ouest pour leurs conditions trop dures d’accès à l’OMC pour la Chine.

 


Pol : Bilans divers du 15. Congrès

• Comme de tradition, à guichets fermés, le 15. Congrès a été le cadre de débats d’une démocratie réelle, où le PCC s’est livré à une évaluation franche des chances de la semi privatisation des Entreprises d’Etat.

On y a entendu des critiques sur la lenteur de la réforme politique, et même (anathème!) des doutes sur les vertus universelles de la Théorie de Deng. Une lettre ouverte attribuée à Zhao Ziyang, leader réformateur disgracié en juin 1989, a circulé sous le manteau, réclamant la révision du jugement officiel («soulèvement contre-révolutionnaire») sur le printemps de Pékin. On a pu entendre ce slogan dans un groupe de travail : «Libérer les pensées, dynamiter les tabous, surfer sur la vague de l’inconnu». Des bruits de couloirs prêtaient à l’Assemblée le loisir de compléter les listes d’éligibles, à concurrence de 10% -du jamais vu… Mais lors des votes, face à la presse, c’était la fin de la récré: discipline du Parti, 2048 voix pour, «0» contre.

• A l’issue du Congrès, la Théorie de Deng a été enchâssée dans la Charte du PCC, aux côtés d’une autre relique: la Pensée de Mao.

• Selon des sources hongkongais, la chute de Qiaoshi résulterait d’un complot: vu l’incapacité de l’appareil à s’entendre sur des listes de candidats aux organes suprêmes, un Politbureau «élargi» à la 20aine de membres du Comité des Conseillers (organe créé dans les années ’80 pour «recaser» les vieux révolutionnaires) aurait été réuni à la hâte au milieu du 15. Congrès. Ce meeting se serait penché sur la question de la limite d’âge. Jiang, 71 ans, aurait offert sa démission, pour se l’entendre refuser par les octogénaires, Bo Yibo en tête. Suite à quoi Qiaoshi, pris de court, n’aurait plus eu d’autre choix que de remettre sa démission. Cette même technique de Politbureau élargi, quoique anticonstitutionnelle, avait été inaugurée en juin ’89 pour limoger le 1er Secrétaire Zhao Ziyang.

• Certaines provinces, dans le jeu des nominations au Politbureau, s’en tirent mieux que d’autres : le Henan (Li Changchun), le Shandong (Wu Guanzhen), Canton (qui sauve son Secrétaire du Parti Xie Fei, et place même son vice Secrétaire Lu Ruihua), tandis que Shanghai, la ville de Jiang, fait entrer son maire Xu Kuangdi.

• Zhu Rongji prépare dès maintenant, pour soumission à l’ANP en mars 1998, une refonte des ministères et Comm. d’État, sans précédent dans l’histoire du régime. Corollaire indispensable de la réforme des Entreprises d’Etat (le démantèlement de leurs autorités de tutelle). Profil recherché pour les futurs (vice) ministres: 40 ans, pratique de l’ordinateur, expérience de direction bancaire ou boursière, et style «hongkongais» des affaires.

• Parmi les dangers identifiés pour la Chine, par la Banque mondiale: 289000 morts d’asthme (tribut aux infâmes fumées industrielles du pays), 600 000 dans 22 ans (sauf mesures dramatiques); une charge sociale la plus forte de toute l’Asie, due à une sénescence brutale, conséquence de la politique de l’enfant unique; et une montée en flèche des coûts d’éducation et de santé, interdisant l’enrichissement des zones enclavées et reculées. Mais pour la Banque, le choix politique du 15. Congrès, prendre à bras le corps la réforme des Entreprises d’Etat, est un gage de succès!

• 111 Tibétains graciés, dont 2 politiques. Le Dalai Lama remercie. Embellie?

• La bataille entre les 2 Chine pour la reconnaissance diplomatique dans le monde ne se relâche pas, même pour cause de 15. Congrès. Chaque année à cette époque, Taiwan «demande» à ses 30 pays alliés (en échange de son soutien financier) de l’aider dans sa démarche de retour à l’ONU (Organisation des Nations Unies): Guatemala et République Dominicaine viennent de s’abstenir, et Pékin les a chaleureusement félicité. Le Guatemala jure ses grands Dieux qu’il ne pense pas à un renversement d’alliance.


Temps fort : Le goût des choses à venir!

Première d’une longue série de privatisations d’E.E.( Entreprise d’Etat): en faillite depuis 1996, l’usine d’aciers spéciaux de Canton sera vendue à la criée: 33300m² dont les 2/3 en ateliers, bureaux et chaînes. 12 candidats à la reprise, chinois et étrangers, ont du verser 1 MY de caution.

Apparemment, cette vente contredit avec le principe officiel – «garder les grandes E.E. pour lâcher les petites». Mais Canton la riche, se comporte comme la plus indépendante -allant jusqu’à jouer (et gagner) son siège propre au Polit bureau, afin de conserver la liberté de choisir Son Secrétaire du Parti parmi les Siens.

Le Sud est aussi, il est vrai, le site invariable de toutes les expériences économiques. Aussi cette vente non désirée par Pékin sera-t-elle intensément suivie par les provinces, ainsi que le sort réservé aux aciéries. Leurs atouts seraient excellents: outillage importé, forte demande locale, leur seul handicap ayant été un lourd endettement, fruit d’une gestion socialiste.

Notons la hâte symptomatique de Canton, tout comme Liaoning ou Sichuan, à occuper le terrain «privatisable», dégagé par le 15 Congrès: ces provinces savent que l’épargne chinoise (plus de 500MMUSD) ne suffira pas aux besoins en crédit pour relancer les 370 000 E.E, dont 70% sont dans le rouge, et 35% ont des dettes supérieures à leurs actifs. Elles savent bien aussi que les 1ers arrivés seront les 1ers servis!


Petit Peuple : ‘Zorros’ de la Consommation : 3 générations

• La brasserie du Anhui a obtenu du «bureau régional de civilisation» (si, si, cela existe!) le droit de procéder à un test peu courant: dans 16 bourgades de cette province parmi les plus pauvres, furent «égarés» 160 portefeuilles contenant les adresses et n° de téléphones de leurs fictifs propriétaires, chacun contenant un bon pour 2 caisses de la cervoise locale

Résultat : 65 portefeuilles ont été rendus avec bons, 26 sans. La brasserie du Anhui se demande toujours ce qu’il est advenu des 40% de bourses toujours dans la nature. On pourrait aussi se demander quelle leçon tirer dela bizarre expérience.

• Descendant en droite ligne du légendaire juge Bao (incorruptible pourfendeur du vice), apparaissent en Chine divers types de défenseurs du consommateur. 1er genre, le précurseur : Wang Hai, hantise de tous les supermarchés du pays, où il débusque férocement l’électroménager authentiquement chinois et faussement nippon. Wang Hai serait en train de s’attaquer à un bureau de Quarantaine (hygiène des produits alimentaires importés), qui ferait de fructueuses affaires en écoulant en douce les produits confisqués. 2ième genre: le naïf un certain Guo, qui s’auto déclare «meilleur que Wang Hai», parce qu’il «sait pardonner, lui, aux industriels s’ils savent s’amender». 3. genre: le technicien: Ye Guang, ex-fonctionnaire au bureau des spiritueux de Chongqing, qui pourfendait les producteurs locaux de vins frelatés, jusqu’au jour où il découvrit que ses patrons, moyennant  (hong-bao, «petite enveloppe rouge»), lui mettaient des bâtons dans les roues: Ye a quitté son job pour  (xia hai, passer dans le privé)  à temps plein avec Wang Hai!


Rendez-vous : Pékin : salon des arts ménager

• 23-26, Pékin : salon arts ménagers

• 24, Singapour : Foire (forte présence de Canton, présentation de projets BOT (Build-Operate-Transfer )

• 24-28, Pékin : salon de l’électronique

• 24-27, Pékin : Salon du Ciment