Le Vent de la Chine Numéro 29

du 31 au 6 septembre 1997

Editorial : 15.ième Congrès – décor dressé!

Tous les éléments sont désormais en place pour le démarrage, vendredi 12 septembre 1997, du 15ème Congrès du Parti communiste chinois (PCC), le plus important rendez-vous politique des 5 dernières années.

Décor dressé, avec un minutieux compromis reflétant les rapports de force, et une idée-force: le nettoyage des écuries d’Augias des Entreprises d’État -leur passage forcé à la rentabilité (ce qui ne veut pas dire la privatisation)!

Le compromis: maintenir en place l’équipe dirigeante à tonalité conservatrice, tout en infléchissant le style gouvernemental vers la réforme politique. Pour le moment, seuls des principes sont énoncés: pas de législation discrétionnaire, de décisions arbitraires, ni de verdicts judiciaires en dehors des lois.

Chaque organe devra travailler dans le cadre de la Constitution. Ce programme vise à plus de partage des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), c’est à dire plus de démocratie, d’autant que doit être renforcée la présence palpable des lois dans la vie des Chinois: recours légal contre l’Etat, etc…

Sur le fond, pas de tournants dramatiques annoncés – pas de pluralisme politique ni de séparation du Parti et de l’Etat. Aux yeux de l’observateur extérieur, cela pourrait apparaître du déjà vu. Et pourtant, le changement est réel: ce ton donné au 15ème Congrès, était jusqu’à hier celui de Qiao Shi, Zhao Ziyang et des plus audacieux réformateurs. A l’évidence, le balancier, cette fois, n’est plus dans le camp des durs, idéologues et censeurs nostalgiques des glorieux temps rouges!


A la loupe : Relations Japon-Chine : dans des eaux difficiles!

Mission qui tient de tout sauf de la partie de plaisir: celle de Ruytaro Hachimoto, 1er Ministre japonais, à Pékin ce jeudi 4: Pékin ulcéré par l’annonce par Tokyo que le Détroit de Taiwan est couvert par l’accord de défense USA-Japon, juste renouvelé. M. Hachimoto a fort à faire pour convaincre le leadership chinois  de l’innocence de cette position vis-à-vis de la Chine. Les 2 pays sont aussi en désaccord sur la propriété des îles Diaoyu, celle des Spratley… Ce qui ne les empêche pas de mener une vive coopération économique, subventionnée par Tokyo.

Ainsi Tokyo s’apprête à financer et équiper un réseau de données sur la pollution dans 100 villes de Chine, avec centre de contrôle à Pékin, et à équiper de filtres désulfurisants une série de centrales thermiques… Aide judicieuse, car l’air chinois est en partie le japonais aussi. Le Soleil Levant s’avérant le pays le plus com-lémentaire du Céleste Empire, pour des raisons autant économiques (de marketing) que culturelles, avec en commun, des millénaires et une langue écrite !


Joint-venture : Wu Yi réclame une chambre de commerce allemande

• A Weifang (Shandong) s’ouvrait lundi 25 une JV à haute technologie, de poulet cuisiné surgelé: FFIC, tripartite entre Fredoj (Suisse), Sinamex (Singapour) et Cofco (corpo. nationale d’import-export alimentaire). Cofco, avec 3 usines à Weifang, est un des trois grands du poulet congelé en Chine. Pour un investissement de 5,5MUSD, FFIC produira 6500t puis 12000t de poulet congelé, destiné à l’Europe et au Japon, selon leurs recettes (export = 99%).

• Mme Wu Yi, Min. du Commerce extérieur, demande aux responsables industriels allemands d’ouvrir une Chambre de Commerce: avec 1400 firmes allemandes investisseurs en Chine, comme le font USA ou France. Son interlocuteur, J. Heraeus, l’a rassérénée en dévoilant un projet allemand de parc industriel à Tianjin, destiné à faciliter l’implantation des PME d’Outre-Rhin.

• en visite à Singapour, semaine passée, le 1er Ministre Li Peng a admis que la baisse de l’investissement étranger en Chine, moins 23,5 MM USD durant ce semestre, était due à la suppression de la franchise de taxes à l’import des biens d’équipement. Mais pour Li Peng, «la Chine accorde toujours des franchises aux projets dont elle a besoin (high tech…). Quant aux 23,5MMUSD « perdus », ils allaient dans des investissements tel l’immobilier, où le marché chinois est déjà saturé… Pas un regret!»

• l’américain J.P. Morgan choisi, pour placer sur les marché internationaux un emprunt en 2 tranches, pouvant aller jusqu’à 1 MMUSD.

 


A la loupe : Corée du Nord : la scoumoune!

Les choses vont très mal en Corée du Nord, dernier partisan farouche du stalinisme: la famine est désormais omniprésente, malgré une aide étrangère encore modeste.

Le nombre des morts est tenu secret par un régime aux abois.

La récolte de cet été, qui devait être décisive, a été décimée par la canicule (3/4 du maïs détruit), et pour couronner le tout, à la côte, une lame de fond, vestige du dernier typhon, vient de  dévaster 4 districts sur 12 km à l’intérieur des terres: tout le riz est détruit, 3 à 6000 maisons se sont écroulées, ainsi que des hôpitaux, tandis que chalutiers, camions, tracteurs et réserves de combustibles ont été emportés.

Tandis que Croix Rouge et pays donneurs s’apprêtent à augmenter leur aide, un mouvement de rébellion, ne peut plus être exclu désormais, disent les experts!

 


Argent : Export textile au 1er semestre : +33%!

• Délit industriel exceptionnel: à Wuhan, la nuit du 7 août, tous les 135 panneaux publicitaires du limonadier Youbang Yi-zhou, lacérés par un commando. La police «soupçonne» un concurrent. Aucune arrestation à ce jour.

• La cigarette de contrebande, en Chine, n’est pas vraiment une activité innocente, mais un commerce très lucratif au détriment de l’Etat, avec la complicité (selon la Conférence Mondiale antitabac, semaine passée à Pékin) des producteurs multinationaux. Sommet de l’iceberg: en 1996, les douanes ont saisi 100 M de paquets, (valeur = 70 M USD). Le 17 août, dans une banlieue de Zhangzhou (Fujian), quatre administrations, dont la police, font une descente: 24 machines à (fausses) cigarettes confisquées, d’une valeur d’1/2M USD.

l’industrie halieutique produit et exporte toujours plus. Mais cette croissance atteint ses limites, avec l’effondrement de la ressource, causé par la pollution et la surpêche. 417 fleuves et rivières lourdement pollués se jettent dans les mers Jaune et de Bohai, plombant les eaux côtières et causant de désastreuses « marées rouges ». Et pour le poisson qui reste, se battent 292 ports, 90000 chalutiers et 600000 marins pêcheurs: le journal de la pêche déplore amèrement la carence de l’action publique!

• fermer les petites usines ultra-polluantes, est bien. Les garder fermées, est mieux. A peine les inspecteurs de la NEPA repartis à Pékin, et la plupart des 107 mini-papeteries fermées dans le Fujian au printemps dernier, ont rouvert: problème d’emploi!

• exceptionnel bilan du secteur textile au 1er semestre, qui a bien profité de la relance partielle du marché mondial: 20 MMUSD d’exports, soit 1/4 des exports  totales du pays et 1/3 de plus qu’en 1996. Produit pilote: le tricot (+76%).

• D’ici 2000, la Chine s’apprête à ouvrir 7 mines de cuivre – dont 4 déjà approuvées par la CEP. En 1997, la Chine a un déficit en cuivre de 200 000t/an (production = 1,1 Mt). Dans le Qinghai, la mine de Saishitang produira 1/2Mt de minerai/an, pour 6300t de cuivre, 41 kg d’or et 4,7t d’argent (investissement = 26MUSD). Autre projet, politiquement contesté à l’étranger: au Tibet, la mine de Yulong produira à terme 20 000t de cuivre (l’énergie pour le raffinage étant fournie par le Mékong voisin). Les autres projets (Sichuan,Anhui,Yunnan) assumant chacun une capacité de 18 à 31 000t/an.

• vent en poupe pour l’industrie chimique, qui révise ses objectifs d’export pour 2000 : 40 MMUSD de chiffre, et 20 MMUSD de profit. Les investissements étrangers doubleront, de 6 à 12 MMUSD.

• adoption d’une loi sur les Prix, au Bureau Permanent de l’ANP: basée sur le principe de la loi du marché (et non du Plan), elle définit les droits et devoirs des différents acteurs du prix, ainsi que les pratiques abusives et déloyales en matière de prix (notamment des prix-pilotes des groupes industriels).

 


Pol : Chen Xitong, légèrement puni?

• Lors d’une réunion informelle à Berne, un délégué du Tibet affirme que la quasi-totalité des Tibétains auront franchi le seuil de la pauvreté d’ici l’an 2000 – la Région autonome du « Toit du monde » reste, à ce jour, la province la plus pauvre de Chine.

Ce progrès sera obtenu, prédit le diplomate, par l’effet d’une série de politiques préférentielles, et notamment 440 M USD investis depuis 1994 dans 62 projets locaux d’infrastructure.

• dernières nominations avant le 15. Congrès : Jia Qinglin, Secrétaire du Parti pour Pékin, tandis que disparaît Zhang Baifa,l’ex-homme fort de la ville (à qui l’on reprochait ses liens avec Chen Xitong, l’ex-Secrétaire, en attente d’un jugement pour corruption); Li Jianguo, Secrét’ du Parti pour la province du Shaanxi; tandis que Canton affronte l’embarrassant dilemme, face au remplacement de son Secrétaire Xie Fei frappé par la limite d’âge (65 ans):

choisir un enfant de la région ET perdre son siège permanent au Politbureau, OU BIEN d’accepter un homme de l’extérieur (imposé par le niveau national). Seules parmi les 30 provinces, Pékin et Shanghai ont leur homme dans cette instance suprême.

NB : pour revenir à Chen Xitong, une dernière rumeur lui prédit une sanction bénigne, lui évitant les rigueurs de la geôle. Ceci, dans un souci d’apaisement, indispensable pour faire du 15. Congrès le succès nécessaire pour asseoir l’autorité de Jiang Zemin.¦

 


Temps fort : Grandes Entreprises d’Etat : l’heure sonne!

La décision politique vient d’être prise, de forcer les industries d’État à quitter le trop confortable cocon socialiste pour  (xia hai) – plonger dans la mer amère de la loi du marché. Ce qui signifie avant tout: appel à l’épargne, pour racheter les dettes des Grandes Entreprises d’Etat (GEE) et leur permettre de sauter le pas.

Un instrument est annoncé: règlement sur les fonds d’investissements directs (FID), qui consistent en une participation minoritaire (15 à 20%) à durée limitée, dans une série de GEE potentiellement rentables, misant sur une plus-value du titre à l’échéance. Ce règlement protégera les intérêts de l’épargnant, en imposant une tarification réaliste (non surcotée) des parts.

A l’étude aussi, la redéfinition du rôle des ministères de tutelle, et le renforcement du droit de la faillite et de la fusion, afin de réprimer la pratique, fréquente chez les GEE, d’éponger leurs créances au passage -pour réapparaître ensuite sans avoir rien changé à leur gestion. Les FID et d’autres outils en cours de peaufinage (SICAV, cotation en Bourse, remise aux employés) témoignant de la volonté ferme du pouvoir de ne pas payer le retour des GEE à la rentabilité, par la perte de leur contrôle.

Fait remarquable: à peine cette décision prise (mais non publiée – elle le sera lors du 15ème Congrès), une province attaque, fait connaître son plan : le Liaoning, celle aux Grandes Entreprises d’Etat les plus nombreuses et pourries: plan sur 3 ans pour se débarrasser de 1000 usines grandes ou moyennes, réduire leur dette industrielle de 11 MMUSD, et casser 800 000 jobs obsolètes.

Avec mention de la part de capital étranger que la province espère attirer dans ce secteur : 1MMUSD!

 


Petit Peuple : La corruption, par le petit bout de la lorgnette

• la drogue rentre dans les moeurs chinoises, et pas seulement à la base. Le public avait été choqué de découvrir, il y a quelques semaines, les ennuis de l’idole pop Luo Qi avec la police, pour consommation de paradis artificiels. A présent, il lui faut apprendre la mort de l’actrice Zhu Jie, sur overdose d’héroïne, juste après le tournage de son dernier film en sept 1996.

• Mort aux tamaguchi’s, ces «animaux» virtuels, que l’on «nourrit» en pressant sur des boutons : ainsi en a décidé la Commission Nationale à l’Éducation : tout enfant se présentant à l’école avec ce gadget, se le verra confisquer séance tenante!

rentrée universitaire ce 1er septembre : dorénavant, tous les étudiants paient leur scolarité. Ce qui force les plus démunis à exercer un métier- certains n’ont plus le temps, lit-on dans la presse, d’aller en cours…

• on parle beaucoup de la corruption dans les rouages chinois, moins de sa signification dans la Chine profonde: ‘«Economic News Herald» cite des cas:

+ parents payant le prof. pour obtenir le passage en classe sup. de leur cancre de rejeton,

+ patient soudoyant le chirurgien pour obtenir une meilleure opération

+ paiement « obligatoire » (en sous main) de l’employé des PTT, de l’électricité pour obtenir le branchement; la réparation…

+ bakchich imposé au chauffeur par le policier au carrefour, pour éviter une amende plus « salée »…

Les 285 employés d’une grande banque ont fait un coup « politiquement correct », en vendant aux enchères tous les cadeaux de clients sollicitant un prêt: ils en ont obtenu 57 000Y en cash, qu’ils ont remis à une œuvre charitable. Mais au fait: pourquoi avaient-ils accepté ces présents au premier chef?

 


Rendez-vous : Visite du 1er ministre japonais

• Emil Constantinescu, Président roumain, à Pékin puis Zhuhai, du 8 au 12 septembre

3-6 septembre, Pékin : Salon de la publication électronique et du multimédia.

31 août-6 septembre, Lhassa (Tibet) : Festival «Shoton» et foire commerciale