Le Vent de la Chine Numéro 40

du 4 au 10 novembre 1996

Editorial : Rapport Justice / Etat, encore du chemin…

11 ans de prison: le verdict infligé à Wang Dan, ex-leader du printemps de Pékin, est «lourd» si l’on s’en tient aux faits apparents, «raisonnable» vu le chef d’accusation passible de la peine de mort.

Dans la forme, le procès apparaît plus «politique» que «judiciaire», et entaché d’ombres: «bouclé» en 210 min. à quasi huis clos, avec un chef d’accusation (sédition contre révolutionnaire) qui disparaîtra du droit chinois au 1er janvier prochain, et interview de 2000 mots de la juge, publiée par l’agence Xinhua moins d’1 heure après le jugement pour affirmer l’équité du verdict (ce qui ne fait prouve l’existence de ce dernier avant l’ouverture du procès)… La crédibilité vis à vis de l’étranger n’était pas le souci premier.

Par rapport à d’autres procès, cette action a amené une surprise de taille : dans les heures suivant le verdict, plusieurs intellectuels peu suspects de dissidence sont sortis du silence pour clamer leur désaccord sur cette justice «n’ayant pas changé en 40 ans». La tendance serait rassurante, si elle se confirme : en Chine, le rapport justice/Etat commencerait à bouger, dans un sens plus présentable, non sous la pression de l’étranger mais d’une opinion en train d’apparaître – fille de la croissance!

Cela dit, l’affaire Wang Dan fait peser sur la Chine 2 risques -à moins que la Cour ne révise son jugement en appel, ce qui serait une (bien improbable) première. Europe et USA étaient sur le point de faire entrer la Chine à l’OMC (l’organisation mondiale du commerce) -d’ici 1998, avec moratoire à certains de ses devoirs de «membre du club».

Sans préjuger de leur position future, l’absence de compromis, côté Pékin, les gêne évidemment. La réaction de Paris, vive et immédiate, en est preuve. D’autre part, selon le mot de l’ambassadeur de France en Chine, en septembre 1989, «en Chine, quand on est condamné pour dissidence, on entre en prison avec son capital, et l’on en sort avec ses intérêts» : Wang Dan se voit soudain propulsé dans la chapelle des héros de la réforme politique!

 


A la loupe : INDUSTRIE AUTOMOBILE: LE MORATOIRE!

Pour la 2ème fois en 2 ans, Pékin édicte 1 moratoire sur toute usine automobile nouvelle.

Sursis qui lui a permis de «faire passer» General Motors et Mercedes. GM a investi en Chine 2 MM USD, dont la moitié sur une usine de voitures à Shanghai (sortie pour 1998). General Motors se revendique comme le «Mr Propre» de l’air chinois futur…

En attendant, chez ceux qui, sur le terrain, construisent déjà, c’est le concert des lamentations : 1er signe extérieur de capitalisme, l’auto excite, chez toutes les administrations, une imagination taxatrice débridée, qui tue le marché. Méfiante, Pékin vient d’interdire à VW un plan de crédit (inédit en Chine) après seulement 4 mois et 800 Jetta vendues. Volkswagen réclame l’abolition du ban afin de rembourser ses dettes en 1997 (120 MUSD). Un feu orange clignoterait sur la filiale VW-Changchun, pour cause de surcapacité et de piraterie par le partenaire d’1 modèle VW. BLAC, le constructeur pékinois de camions, ne produit plus depuis mai (ouvriers payés à rester chez eux).

Le producteur chinois d’Iveco, tout comme Renault (minibus/ fourgonnettes) ne tournent qu’au quart de leur capacité… Si la crise dure beaucoup plus, fermetures et reprises ne se feront plus attendre!

 


Joint-venture : Daewoo, 1ère J.V. d’import-export!

Ø «Pour payer ses primes et financer sa croissance», dit le représentant de l’assureur américain Chubb, «l’assurance chinoise aura besoin de 26 MMUSD d’ici 2005».

A cette date, le montant des primes s’élèvera à 11 MMUSD. Au seuil légal actuel de capitali-sation de 20 MUSD par siège, il faudrait 1000 nouveaux assureurs en Chine : impossible, dans ce cas, d’atteindre la masse critique bénéficiaire! Conséquence implicite de l’homme de Chubb : l’assurance chinoise sera JV, ou ne sera pas!

Ø Daewoo, le (désormais) célèbre repreneur de Thomson (civil), fait feu de tous bois : venant de signer, en Chine, la toute 1ère JV active dans l’import export. Cet-te catégorie nouvelle est l’arme du Moftec pour imposer la modernisation du secteur rétrograde des monopoles-«compradores»! Capital 12MUSD, détenu à 51% par Lansheng, le partenaire shanghaïen.

Ø L’Oréal signe pour une usine à Suzhou (Jiangsu), JV avec le «Collège Médical» de la ville, pour 20MUSD. Signature sous le nom de Maybelline, société américaine acquise en Avril 1995.

Unité de 15000m² sur le site de la zone Eco sino-singapourienne.

Production : produits de beauté destinés à Chine et Asie. Ouverture fin 1998.

Ø 15ième anniversaire en Chine pour British Airways, et inauguration du 3ème vol hebdomadaire B.A. prépare aussi l’extension de sa ligne vers Shanghai. Lufthansa et Air France ont, ou recherchent la liaison directe, tandis que Swissair guigne la prolongation Pékin-Shanghai-Séoul, pour le trafic touristique. Derrière ces démarches, le plan «tourisme- 1997 en Chine», que Pékin prépare avec tam-tam.

Le problème étant la sous-capacité, et le veto actuel de Pékin sur toute ligne supplémentaires. Swissair par exemple, évalue à 11 000 les passagers perdus pour 1997, faute de place, et dont la plupart refusera de partir, sur des lignes de moindre qualité: des MUSD perdus pour la Chine!

Ø Après avoir fourni 9,3 MM kw/h depuis 1994, et 3 semaines de «cuisinage» serré (quoique amical) par l’AIEA (l’Agence Internationale de l’Energie Atomique),  la centrale nucléaire de Daya Bay (JV EDF, Framatome et GEC-Alsthom) vient de recevoir sa certification mondiale.

Ø China Airline (CAL), de Taiwan, a ouvert un bureau permanent à Pékin sous le nom d’une filiale, officiellement pour «l’émission de billets d’acheminement avec 7 compagnies» continentales. Il s’agit bien sûr du ticketing de la future ligne directe.

Les 2 autres compagnies taiwanaises, «Eva» et «NB» piaffent à la porte. Ce dernier nom est interdit en Chine du Sud, pour cause de «connotation féodale».

Ø Bilan final de la foire d’automne de Canton 10 MMUSD de matériel contracté, dont 26% pour l’Union Européenne.

 


A la loupe : MAITRISER ENFIN L’EAU!

Insupportables (26,5 MMUSD de pertes, 1/3 des terres arables submergées) : les inondations de l’été ont au moins permis l’émergence d’un plan cohérent de maîtrise de l’eau d’ici 2010.

Objectifs : renforcer digues et canaux, draguer les 7 principaux fleuves et lacs, pour leur faire résister à presque tous les déluges (investissement de 100 dragues puissantes); augmenter de 40 à 50MM m3 la distribution par adduction d’eau du Sud vers le Nord, et par investissements utilitaires (aujourd’hui, 60% de l’eau d’irrigation est gaspillée);

limiter pollution et érosion:sauver 1/4M km² de terres ravinées; et forcer la génération d’énergie 9,5 Mg W de capacité prévue, avec des barrages tels Xiaolangdi et Ertan (bonne présence allemande, française, italienne), en attendant le géant des 3 Gorges. A la base de ce programme de titans, des décennies de laisser aller, l’abandon du sacro-saint principe de l’eau subventionnée:désormais, elle coûtera son prix -condition sine qua non pour l’entrée de l’étranger, par ventes directes, JV ou «B.O.T» Build-Operate-Transfer. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : en ’95, 1/2 des recettes d’eau potable, au tarif dérisoire de 1USD/100 m3, n’avait pas pu être collectée!

 

 


Argent : crédit-export pour la mécanique, l’électronique

Ø Du jamais vu : 10 000 moissonneuses batteuses, cette saison, dans les grasses plaines à blé du Henan, Hebei, Shandong et Shaanxi.

Par ailleurs, avec la bonne récolte de l’été (conforme à la tendance mondiale), le Ministère de l’Agriculture croit pouvoir dépasser celle-ci de 2,5 Mt l’an prochain, par augmentation des surfaces (31 M ha, par irrigation, récupération de friches industrielles etc.) et par augmentation du rendement (+75kg/ha).

NB : Wu Bangguo, le «boss» de l’agriculture nommé l’an passé par Jiang, est un des candidats au poste de 1er Ministre après 1997!

ØUn des plus hauts experts publics en macro-économie, le Pr. Gao Shanquan (ex vice-ministre de la Commission d’Etat à la restructuration économique) affirme, à la «Une», que la pour suite de la réforme passe par la vente du patrimoine public, évalué par lui à 723 MMUSD.

Son motto : «mieux vaut vendre que laisser en friche!». L’appel discret, dans la presse pour étranger, est 1 signal clair, au milieu d’une campagne nationale -à succès- malthusianiste et anti-étrangère.

Ø L’Etat prend des mesures pour préserver un monopole auquel il semble tenir : celui des «Puces» !

Dans 6 métropoles, des compagnies de trading ont été choisies, le plus sérieusement du monde, comme «unités-pilotes» pour «réguler le marché de l’occasion» -par le biais de prêts, ristournes d’impôts et cours de formation. But: consolider les emplois de chiffonniers en périphérie, pour ralentir l’exode rural!

Ø L’exportation d’équipements mécaniques et d‘électronique passée l’an dernier au 1.rang chinois (29,5% du total), de 1,7 MMUSD en 1985 à 43,9 en 1995, est appelée à maintenir la tendance (jusqu’à 80 MMUSD en’2000, Selon les prévisions, Li Peng vient d’annoncer l’introduction de crédits-exports sur ces catégories –l’Eximbank a réservé pour cela 100 MUSD cette année!

 


Pol : Un nouveau maire pour Pékin!

Ø Préparatifs, selon la rumeur, pour changer d’ici un an (après le 15. Congrès), 20 ministres, gouverneurs et maires de grandes villes, par des Shanghaïens, jeunes (sur leur quarantaine), dynamiques et surtout d’une fidélité garantie: Jiang Zemin fut, un temps, secrétaire du Parti en cette ville.

Ø Li Jiyan, maire de Pékin, remplacé par Jia Qinglin, hier encore Secrétaire du Parti pour le Fujian.

Sur la sellette depuis des mois, Li passait pour intègre, mais pénalisé par ses contacts avec Chen Xitong, l’ex-Secrétaire du Parti, déchu l’an passé

Ø Tung Chee-Hwa, le candidat-gouverneur, qui a la faveur de Jiang Zemin, prévient -déjà- la Colonie contre des forces «étrangères» qui «vont tenter de séparer HK de la patrie».

Ø Le nouvel ennemi public n°1 est démasqué: les jeux vidéo d’argent.

Les salons de jeu, ont un mois pour s’en défaire. L’interdiction pourrait illégaliser tout jeu électronique public -la notion de score étant conçue délictueuse par le règlement.


Temps fort : HONG KONG après juin 1997/ quel risque politique d’affaires?

Une des questions les plus opaques pour les multinationales basées à Hong Kong, est celle de la gestion du risque, après le retour à la Chine fin juin 1997, étant entendu que le climat de la Colonie, aujourd’hui, est déterminé depuis la capitale.

On peut croire en la volonté répétée de Pékin de laisser sa future R.A.S. (Région Administrative Spéciale) faire ses affaires sans ingérence, conformément aux accords et au slogan 1 pays – 2 systèmes.

Mais quid de crises, tensions et incompréhensions entre 2 systèmes a priori incompatibles?

Quid de pressions politiques sur le business Hongkongais, pour en obtenir des conditions «hors commerce»?

De telles dérives, on a déjà 2 exemples, en quelques mois:

1. le rejet par Pékin de Jardines comme opérateur du  terminal conteneurs «CT9». Suite à ce veto, le club très fermé du port de Hong Kong s’est réorganisé, par échanges de parts, pour donner à Pékin satisfaction apparente, sans léser Jardines. Mais reste ce cas d’une pression sur un dossier commercial, théoriquement intouchable.

2.  le rachat par CNAC (China National Aviation Corporation.) de 36% de Dragonair en avril, avec une décote de 15% du prix des parts, que rien, en pratique boursière, ne permet de justifier, sauf l’abus d’une position (politique) dominante.

Ces précédents devant faire prendre conscience, sur le «rocher», de cette réalité intangible : en affaires comme en politique, les pratiques ne sont pas les mêmes, à Pékin et ailleurs dans le monde!

Dernier élément au dossier: la BOC, la Banque de Chine, se sent obligée de promettre, d’ici 1997, le «fair play» financier avec Hong Kong!

 


Petit Peuple : Shandong – la Confucius, Inc.

ØA Qufu (Shandong): la «compagnie des alcools», sous ses apparences banales, ne l’est pas : les propriétaires de cette firme privée sont les descendants directs de Confucius (mort en 479 avt J.C.).

Ils ont adapté pour les employés le code éthique de l’ancêtre: «se cultiver, gérer la famille, servir le pays et révérer le monde». Les résultats dans l’entreprise, selon leur calcul, sont un taux de divorce nul (malgré ce métier «à risque») et un taux maximum de qualité pour leur élixir.

Ø 192 000 morts chaque année, d’avoir pris les mauvais médicaments (ou par effets secondaires) : 11 fois plus que les victimes des 19 principales maladies infectieuses. La Chine n’est pas membre du centre de l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, sur les effets secondaires médicamenteux!

Ø Deux fois par semaine, TV Liaoning diffuse un procès en direct, depuis le tribunal de Shenyang – un des programmes les plus écoutés (la transparence fait recette).

 


Rendez-vous : 10-12: visite Pékin ministre Français de l’industrie

Ø10 -12 novembre : Franck Borotra, ministre français de l’Industrie et des P&T.

Ø 3ième semaine de novembre, Pékin : Warren Christopher, pour tenter d’organiser un RV Jiang Zemin / Bill Clinton.

Ø12 novembre, Pékin : journée de l’extermination des rats, à coups de poisons et de pièges dans les marchés, cantines et dépôts d’immondices. Mais pas de prime au rat mort, comme à Shenzhen et Shenyang l’an passé – trop de fraudes!

Ø 13-14 novembre, Pékin : China Summit’, du Herald Tribune, avec Zhu Rongji (patron de l’économie chinoise), Margaret Thatcher