Le Vent de la Chine Numéro 34
A défaut d’objectifs commerciaux à court terme, Bernard Pons, Ministre du Tourisme et du Transport, affrontait dans sa visite officielle à Pékin du 14 au 17 septembre, un défi stratégique peu commun : consolider en Chine un renversement d’alliance avec l’Europe, quand le partenaire évincé s’appelle l’Amérique, ne peut pas être tâche banale ni gagnée d’avance!
Aussi la visite dimanche dans les locaux du futur Centre de Formation d’Airbus, était elle lourde de symbole -choisi par le Ministre du Transport, après le choix fait par Pékin du groupe européen A.I.A. comme partenaire dans le projet d’avion de 100 places.
Ce lundi, Bernard Pons devrait parler de ce sujet avec le 1er Ministre Li Peng, mais d’autres rendez-vous ont été faits de longue date avec d’autres autorités, telle celui avec m. He Guangye, Président de l’Association Nationale du tourisme, qu’on dit favorable aux intérêts français dans le domaine des transports.
Remarqué par le Ministre : un projet d’implantation des hôtels Accor en Chine, un autre, signé Shooter, de station de ski aux portes de Pékin, au moyen de canons à neige «made in France», et un projet technologique ferroviaire permettant le passage de 60 à 160 km/h.
Mais peut -être le véritable objectif de cette mission aura finalement été de nature plus politique : des sources bien informées déclarent que la première tâche de B. Pons, aurait été de préparer une visite du Président Jacques Chirac en Chine, dès avril ou mai prochain.
Les chaleurs et les trombes ont quitté la Chine du Nord: avec l’automne reviennent les norias de tricyclistes aux jarrets saillants sous la peine, leurs plate-formes de bambou surchargées des briquettes.
Outre le charbon, jusqu’en 1992, les «sanlunche» transportaient le long chou chinois aux fragrances puissantes, aux fortes nervures, aux dentelures délicates d’un vert perlé de blanc ivoire… A 2 «mao» la livre, il s’en vendait par camions entiers aux carrefours, 100 kg par personne, bientôt stockés aux rebords des fenêtres, des escaliers etc -ils fourniraient le seul légume frais des 6 mois à venir.
Aujourd’hui, le chou a disparu, remplacé par le réfrigérateur et les serres chauffées de la ceinture verte de Pékin, de Chang-ping à Fengtai. Le charbon lui aussi est condamné.
Des plans sont en chemin pour équiper la ville au gaz et réduire sa pollution atmosphérique parmi les plus sévères du monde. 1 gazoduc de 1000km est en cours d’installation. La Chine veut doubler sa production de gaz d’ici ‘2000 (aujourd’hui, 17 MM m3) -à condition de pouvoir libéraliser et unifier les prix d’Etat.
D’ici là, le charbon aura vécu – signe tangible de la présence des étrangers expatriés au Céleste Empire!
Ø Comment, pour Taibei, dissuader les investissements vers le Continent, augmentés en juillet de 99% sur 1 mois, à 230MUSD?
Pas par pression directe (comme il l’a fait cet été pour faire capoter le contrat de Formosa Plastics, pour 4 MM USD dans le Fujian). Le gouvernement tente plutôt de convaincre, et reçoit les chefs des grandes firmes à des déjeuners de sensibilisation…
Ø Après 3 ans de fonction «à l’essai», la centrale nucléaire de Daya Bay a reçu sa licence d’exploitation commerciale.
Ø Multiples bruits d’investissements dans les ports chinois, alors que la liaison taiwanaise pourrait ouvrir fin 1996.
Les ports patentés pour échanger avec Taiwan passent de 2 (Xiamen, Fuzhou) à 8. Canton investit 5MMY sur un nouveau port de 100 Mt. Et Xiamen-Haicang qui vient de louer à Li Kashing (cf Le vent n°33), signe pour 150 MUSD d’aménagements supplémentaires.
Ø Dès son ouverture à Shenzhen, l’américain Wal-Mart a 30.000 membres à son club-discount, et vend surtout les produits locaux, comme «Carrefour» en Chine.
Ø La JV d’assurances franco-australienne AXA-National Mutual annonce un fonds d’investissement de 125MUSD, puis 500 MUSD, tourné à 75% sur les entreprises performantes de Chine.
Ø 53.000 «cerveaux» quitteraient Hong Kong en 1996, 23% de plus que l’an dernier. Les insulaires quittent pour s’assurer un 2ème passeport.
Ø Les 170 PME allemandes implantées en Chine, seules ou en JV., ont besoin en moyenne de 2 ou 3 ans pour faire des profits et de 4,2 ans en plus, pour amortir. 92% d’entre elles réinvestissent.
ØLe supermarché Baijia (Shanghai) laisse entrer les étrangers avec cabas, les chinois non. Tout le monde accepte, sauf les « huaqiao », Chinois de l’étranger, qui s’estiment (justement) discriminés…
Ø Grâce à Fedex (USA) et son vol quotidien Pékin-Shanghai-Manille, la Chine se voit branchée au réseau AsiaOne, garantissant sous 48heures livraison vers toutes les grandes villes d’Asie.
Ø Le km et demi d’hôtels pleine pierre rénovés sur le Bund, à Shanghai, a du mal à se vendre : seuls 7 locataires (4 Chinois., 3 Asiatiques).
Indosuez et HK-Shanghai Bank. ont renoncé à leurs sièges historiques : trop incommodes, pas de parking, alors que s’ouvre en face, à Pudong, la zone d’affaires futuriste de Liujiazui!
Un mois après Beidaihe, voici les 1ers résultats- gains de camp réformiste!
[1] Modération vis-à-vis de Hong Kong, dont le prochain gouverneur «chinois» sera élu sans trop d’interférences par le comité ad hoc, au terme d’une campagne pluraliste et disputée : gage de respecter (pour l’heure) les engagements et le principe « 1 pays – 2 systèmes »!
[2] Est pressenti comme 1er Ministre après Li Peng en mars 1998, Hu Jintao, dont le vote au Comité Permanent fait pencher la balance tantôt vers la réforme, tantôt vers les conservateurs. Compromis donc. Mais ont été écartés Wu Bangguo, Zhu Rongji, hommes dans l’orbite de Jiang Zemin!
[3] Motus sur le projet de Jiang, recréer à son profit l’ex-poste de Mao, Président du Parti, avec Li Peng et Qiaoshi comme vice Présidents. Personne ne serait d’accord.
Dernière minute : Li Peng exige que l’on «remuscle» la campagne anti-religieuse.
Au Xinjiang a eu lieu en juillet la + violente émeute carcérale depuis 1949, à la prison de Tarim : 10 prisonniers abattus, 2 en fuite.
Les choses ne vont pas bien au Xinjiang -centaines d’imams et militants du «Turkestan Oriental» arrêtés depuis le printemps. Le Xinjiang et sa dérive, sont le seul accroc non dissimulable dans le tableau d’apparente stabilité de la Chine!
Ø Un rapport interne du Parti estime le nombre des chômeurs réels à au moins 14% dans les provinces et villes à forte concentration d’entreprises publiques.
Ø Le Tibet, timidement, tente sa chance à la Bourse de Shanghai : Shendi (hôtel, eaux minérales) espère écouler 15 M de parts « A » pour 57 M Y. Prochaine cotation en Octobre.
Ø Lourds préparatifs pour défendre le HK dollar contre la spéculation en 1997, profitant du changement de souveraineté. Le système monétaire Hongkongais est invité, avec la BPdC, la banque centrale comme entités séparées, à la Bank for International Settlement (BIS). La BPdC annonce qu’elle-même défendra le HK dollar.
Ø La Protection de la Propriété Intellectuelle revient dans l’actualité : alors que les revendeurs de CD-Rom à la sauvette réapparaissent partout, 400 firmes d’audio-vidéo ont promis de ne plus produire ni vendre d’enregistrements piratés.
Ø Au 1er semestre, 2,2 M d’ouvriers (sur 147M) ont perdu leur job.
Ø Emprunt imminent de la BdC, la Banque de Chine sur Hong Kong : 2 MM HKD.
Ø Selon 1 expert de Morgan Stanley (HK), les récentes coupes des taux d’intérêt par la BPdC – la Banque centrale- ne traduisent pas 1 future croissance du crédit (bridée à 24%/an), mais 1 réajustement au taux d’inflation, qui a baissé en ’96 plus qu’attendu.
Ø Coup d’accordéon : cette teinturerie industrielle du Shanxi se scinde en 2 : l’une reçoit les 10600 ouvriers et les 800 M Y d’actifs, l’autre hérite des 4000 retraites à payer, des 300 M Y de dettes, et fait faillite.
Ø Les bilans de 1er semestre des 252 firmes en Bourse à Shanghai suscitent des perplexités parmi les acheteurs: en 3 ans de restriction du crédit, presque aucune n’a atteint ses objectifs de croissance. 11 d’entre elles ont fait faillite en 1996 – 5 de plus que durant 1995 toute entière.
Ø Sur ordre de la BPdC, tout établissement financier a 40 jours pour se désengager de toutes opérations dans les «futures», spéculant sur les cours des matières premières.
Ø Comme Singapour, la Chine a commencé le 1er septembre, à verrouiller Internet, déconnectant les serveurs désapprouvés. 1ers sites éliminés : Le Monde, HK Standard, CNN, Washington Post, et d’autres!.
Ø Fièvre nationaliste : tandis que des voix, en Chine comme à Hong Kong, réclament l’envoi de l’APL – l’armée chinoise- vers les îles Diaoyu, plus ou moins annexées par le Japon, Xinhua dénonce les «activités criminelles impardonnables des puissances étrangères qui ont pillé en 1900 la Bibliothèque Impériale.
Des milliers d’ouvrages précieux sont aujourd’hui dispersés entre Louvres, British Museum et Washington. Aujourd’hui mal ressenti.
Ø Un N°2 de l’APL- l’armée chinoise- le Général Liu Huaqing en Suisse puis à Paris et Rome. Le Min. français Charles Millon veut une «coopération intégrale entre les 2 Etats, comprenant une coopération militaire graduelle».
Les Chinois réclament cette coopération avec insistance, à des Européens et Américains, eux-mêmes preneurs de tout ce qui, en R&D et en production, permet de réduire les coûts d’équipements non stratégiques.
D’ordinaire très discrets, les ténors libéraux, Qiaoshi et Tian Tiyun, Présidents de l’ANP -le Parlement chinois, deviennent plus locaces, à 2 semaines du Plénum du Comité Central, fin du mois- comme par hasard.
La tendance conservatrice (Jiang Zemin, Li Peng) s’adresse aussi au peuple, discours vibrants d’optimisme et de promesses. Cette ouverture timide et cette démagogie le prouvent : la Chine est en campagne électorale.
Rare occasion d’un regard sur le programme des réformateurs, alternative potentielle au pouvoir actuel.
[1] Qiaoshi ne réclame plus, pour l’instant, un droit de veto pour l’ANP (pouvoir civil, légitime), sur toute décision du Parti communiste chinois (PCC): remise en cause du monopole du Parti, prématurée et dangereuse, face à une ligne néo-maoïste anxieuse pour son avenir.
[2] Qiao veut inscrire dans la Constitution des garde-fous contre tout demi-tour à la politique d’ouverture : preuve qu’il estime très réelle la tentation, chez certains, de renouer avec l’âge d’or maoïste.
[3] Tian Tiyun, son bras droit, parle d’«approfondir l’expérience parlementaire de base»: projet réaliste et audacieux, qui renforcera ces milliers de mini-parlements ruraux, cantonaux, provinciaux issus des urnes : ateliers de formation à la démocratie, capables (parfois) de protéger leurs circonscriptions des velléités gauchistes centrales…
En bref, les réformistes jouent le pragmatisme: ne pas provoquer leurs adversaires mais consolider l’acquis. Les résultats qui filtrent du « conclave balnéaire » des leaders à Beidaihe en juillet-août (cf article central) montrent les succès que cette stratégie leur a fait engranger!
– La 1ère faculté de religion en Chine vient d’ouvrir à « Beida », l’université de Pékin notoirement à la pointe des idées en Chine.
– A Pékin, mort d’1 ensemble féminin de musique de chambre, faute de soutien du Ministère; apparitions d’un nouvel orchestre symphonique national, et d’un opéra chinois de 800 places, plus grande construction du genre depuis ’49. Lever de rideau : le 27/9.
– Summum du luxe le plus bourgeois : l’école « monosexe » aux uniformes vert bouteille victorien, casquettes et insignes. La 1ère école de fille vient d’ouvrir ses portes dans la capitale.
– Nouvelle énorme capture de drogue, après les 600 kg d’héroïne saisis à Canton en juin : 314 kg pris à Pékin il y a 10 jours -2 gangs démantelés, 20 arrestations.
Efficacité croissante de la police, mais aussi hausse exponentielle du trafic des stupéfiants en Chine -même à Pékin!
Ø 16-18 septembre, Taibei : visite d’un sous-secrétaire d’Etat américain -rencontre avec Lee Teng Hui. Pékin crie à la manoeuvre déloyale.
Ø 17-19 sept., Pékin : Groupe de liaison sino-britannique
Ø 2 oct. Yantai (Shandong) : 4ième route aérienne internationale, vers Hong Kong (après Séoul, Osaka, Macao) – port industriel, face à la Corée, doté de fortes ambitions.
Ø 16 Sept. Hanoi : réunion des 6 pays du bassin du Mékong -sur l’aménagement du cours (irrigation, houille blanche) et une zone libre échange (ASEAN) d’ici 2003.
Ø 24-25 sept, Pékin : table ronde franco-chinoise des industries chimiques / en marge de la 3. foire internationale de l’Industrie chimique, du 23 au 27.