Le Vent de la Chine Numéro 0

du 13 au 13 novembre 1996

Editorial : La Centrale de LAIBIN-B

Pourquoi un n° spécial sur un contrat signé de centrale thermique en Chine, même  construite par l’étranger?

Parce que Laibin B est une centrale très spéciale, étant la première appelée à être réalisée suivant le principe du « Build Operate Transfer » (B.O.T.), à péage. Autrement dit, pour cette centrale de deux unités de 350 MW chacune, les 3 MM de FF nécessaires seront à 100% à charge du consortium étranger retenu – en l’occurrence les français EDF et GEC-Alsthom.

 C’est, pour la Chine comme pour les industries étrangères, une révolution dans les moeurs, puisque de part et d’autre, un engagement est pris, pour laisser au partenaire exploitant une période d’exploitation (15 ans en l’occurrence) suffisante pour lui permettre de récupérer son investissement et de dégager son bénéfice. Cette expérience est extrêmement importante pour l’avenir, car elle devrait, en cas de succès, devenir une technique de financement systématique de projets beaucoup plus grands (telle une centrale nucléaire, pour un coût actuel d’investissement de 4 MMUSD les 2 unités de 900MgW) ou beaucoup plus petits, dans les domaines de l’énergie comme du traitement ou du transport de l’eau, ou de projets routiers ou ferroviaires.

 

Fiche technique :

 

– concessionnaires : EDF (60%), GEC-Alsthom (40%)

– durée : 6 mois pour dégager les financements et entamer les travaux, 3 ans pour construire, 15 ans d’exploitation.

– Coût : 600 MUSD doit 1/2 en équipements (le reste en frais d’exploitation, intérêts des emprunts etc). Sur cette somme, 25% est avancée par le consortium (100 MUSD par EDF, 50MUSD par GEC-Alsthom), et 75% par les banques, dont les 2/3 assortis de la garantie de l’Etat français (Cofacés -crédits-export) et 1/3 en crédits commerciaux.

– financement : Indosuez, HSBC Investment (Royaume Uni), BZW Barclays (et sans doute beaucoup d’autres).

– contrats signés : le contrat de Concession, le contrat d’achat de l’énergie par la province du Guangxi (qui s’engage à acheter à prix déterminé 3,5 MMKw/h, et le contrat d’approvisionnement en charbon.

– normes de pollution : celles de l’Etat chinois. Pas d’équipements spéciaux anti-pollution -conformément au cahier de charges imposé par 1 client dont la priorité est la production d’énergie (demande croissante d’au moins 10%/an). On est donc loin de la centrale à charbon « propre », filière EDF dite « à lit fluidisé circulant ».

 

NB : Laibin B se trouve à 4 h de route de Nanning, sur un site à faible densité urbaine et disposant déjà d’une centrale thermique (à vocation de production d’énergie).

Personnel étranger prévu : 20 expatriés sur place, 50 agents EDF en France.

 

Historique :

 

Le projet est « en l’air » depuis 1993 : la Chine voulant dès lors avoir accès à cette source d’équipement d’infrastructures traditionnelle dans les pays développés, mais encore inconnue dans les PVD, ne coûtant pas un « fen » aux pouvoirs publics. A partir de l’appel d’offres en 1995, une sélection par plusieurs étapes est

intervenue, laissant 3 groupes en « demi-finale », retenus pour leur offre de coût de construction et de prix de vente du kw/h. Procédure qui a permis à la partie chinoise de jouer les 2 « perdants potentiels » – le groupe helvéto-scandinave ABB, allié au financier Hongkongais New World, et le consortium Bechtel-Intergen. De fait, les négociations très ardues se sont poursuivies durant la visite du ministre Borotra, non stop jusqu’à la journée de lundi, pour l’arrachée des dernières concessions.

 

Intérêt pour EDF-GEC Alsthom :

 

Etre présent à long terme en Chine et y disposer d’une base de  production.

Edmond Alphandéry, ancien ministre et Président d’EDF, ne cache pas son intention de faire de ce projet une « vitrine » des capacités du 1er groupe électricien mondial. Cette présence à long terme, renforcée par la participation à deux centrales nucléaires (Daya Bay et Lin Ao) donne dès aujourd’hui à EDF ainsi qu’à Gec-Alsthom une position déterminante en Chine, « toutes énergies ».

Un des créneaux sur lequel le groupe se dit spécialement intéressé, étant la réfection de vieilles centrales thermiques en milieu urbain – la Chine en compte des dizaines, et des dizaines de millions de citoyens tout autour, qui supportent de moins en moins la suie et les émanations de souffre dans leur cadre de vie.

 

Rentabilité :

 

Pour m. Alphandéry, la signature de Laibin B, quelque soit l’intérêt du projet comme « phare publicitaire », implique de facto une garantie de rentabilité. D’autres observateurs venus de France, cependant, doutaient de la capacité du projet à dégager des bénéfices, et de son attractivité pour les bailleurs de fonds, vu l’étroitesse des marges consenties. Pour des raisons de concurrence, le prix convenu pour le rachat du KW/h, ainsi que celui de la matière première demeurent secrets.

En définitive, seuls les signataires du contrat de concession savent si le projet sera rémunérateur, et à quelle échéance.

 

Conclusion :

 

Au moins une autre centrale thermique en BOT, au cahier de charges identique mais à 4 unités est déjà annoncée, à Changsha, dans le Hunan. Appel d’offres à paraître au printemps prochain.

Vu l’attraction suscitée par Laibin B, on devrait, ici encore, assister à un suivi assez vif!