Le Vent de la Chine Numéro 34 (2017)

du 22 au 28 octobre 2017

Politique : Le nouveau Comité Permanent et Bureau Politique dévoilés !

Liste complète du Comité Permanent (7 membres) :

N°1 : Xi Jinping, 1er Secrétaire du Parti

N°2 : Li Keqiang, Premier ministre et Président du Conseil d’Etat

N°3 : Li Zhanshu, Président de l’Assemblée Nationale (Retrouvez son portrait ici, extrait de notre étude)

N°4 : Wang Yang, Président de la Conférence Consultative du Peuple

N°5 : Wang Huning, en charge de l’idéologie et la propagande

N°6 : Zhao Leji, Président de la Commission Centrale de l’Inspection de la Discipline (organe anti-corruption)

N°7 : Han Zheng, Executive vice-Premier 

Liste complète du Bureau Politique (18 membres) :

Liu He

Sun Chunlan

Yang Jiechi (conseiller d’Etat, diplomatie)

Guo Shengkun (sécurité publique)

Cai Qi (Pékin)

Li Hongzhong (Tianjin)

Chen Quanguo (Xinjiang)

Chen Min’er (Chongqing)

Hu Chunhua (Guangdong)

Li Xi (Liaoning)

Li Qiang (Jiangsu)

Xu Qiliang (militaire)

Zhang Youxia (militaire)

Yang Xiaodu

Chen Xi

Ding Xuexiang

Wang Chen

Huang Kunming

Pour en savoir plus, commandez dès à présent notre étude politique !


Editorial : XIX Congrès, c’est parti !

Suite à la mise sous cloche policière de Pékin ce dernier mois, le XIX ème Congrès s’annonçait porteur d’un vent «révolutionnaire»: le discours du Président Xi Jinping a confirmé la tendance, mais aussi surpris le monde par un nombre d’ouvertures et mains tendues.
Certes, d’entrée, Xi donne fièrement le ton : la Chine serait un « Etat socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière, fondé sur l’alliance des ouvriers et des paysans ». C’est du Marx dans le texte —quoique cette société ait depuis 30 ans largement cédé aux sirènes capitalistes. Dans la même veine, le 1er Secrétaire annonce un raidissement sans précédent des contrôles sociaux, appuyé sur les big data : « nous instituerons un système de surveillance en tous domaines, sous la supervision unique du Parti, assurant le contrôle interne du Parti, la supervision démocratique, le contrôle judiciaire et la surveillance par les masses et l’opinion publique ».
Dans sa lutte sans merci contre la corruption, Xi ne semble souffrir d’aucun doute, jusqu’à pousser une boutade, rarissime lors de cet exercice devant 2300 édiles du Parti : que les cadres aux mœurs douteuses « se regardent dans leur miroir, rectifient leur tenue, prennent une douche et se soignent » ! Xi rappelle donc que la vaste et puissante campagne anticorruption va se poursuivre : à son bestiaire des fonctionnaires punis , aux « mouches » (les petits) et aux « tigres » (les grands), il ajoute le « renard », le cadre intermédiaire. Il prévient d’une lutte sans merci contre « sectarisme, culture du cercle, mœurs de quai et double jeu », et rappelle : « les problèmes criants d’impureté idéologique, d’organisation et de style de travail ne sont pas encore résolus ».

Pour autant, avec son retour à Mao, Xi Jinping tend la main à de multiples milieux, et annonce d’audacieuses réformes économiques et sociétales.
Aux paysans, il promet une réforme du droit du sol, pour renforcer leurs droits sur leurs terres.
Aux provinces, il promet l’intégration interrégionale comme moyen de briser les frontières internes et libérer les énergies enclavées. Priorité à « Jing-jin-ji », projet entre Pékin, Tianjin et Hebei, et au delta des Perles entre Guangdong, Shenzhen, Hong Kong et Macao.
Aux étrangers, il offre une ouverture sans précédent, d’accès au marché et d’égalité de traitement entre acteurs privés, publics et étrangers. Une ouverture qui va en parallèle avec la création de cellules du Parti dans ces firmes expatriées, mais cette « sinisation » accélérée des structures étrangères, va de pair avec la fin des discriminations, vieille demande jusqu’à présent insatisfaite des investisseurs extérieurs.
En protection de l’environnement, Xi promet d’accélérer décarbonisation, recyclage, et la coopération mondiale contre le réchauffement climatique.
Pour Taiwan, qui agace depuis 2016 avec l’arrivée aux affaires de l’indépendantiste Tsai Ing-wen, le ton a été modéré. Après une inévitable allusion au « combat ferme du Parti contre les forces sécessionnistes pour l’indépendance », Xi propose la paix des braves: « nous sommes du même sang… prêts à partager avec Taiwan d’abord nos opportunités de développement ».
Xi fait appel à la jeunesse : « nous ferons un grand effort dans la détection et constitution d’une réserve de jeunes cadres, sans oublier les femmes, les ethnies minoritaires et les non-communistes ». La tendance n’est pas nouvelle : le régime met de longue date grand soin pour attirer les cerveaux, de manière à pouvoir compter sur une équipe de brillants administrateurs. 

Pour conclure, Xi prévient que tels projets n’iront pas sans forte résistance : « le grand rajeunissement de la nation n’est pas une promenade au parc, ni une sérénade de gongs et de tambours. Pour réaliser le grand rêve, il faudra une grande bataille ». Un propos qui fait écho à celui de Mao, un demi-siècle en arrière : « la révolution n’est pas une partie de thé ».


Politique : Discours de Xi Jinping : deux regards en coupe transversale

Véritable agenda politique du PCC s’étendant jusqu’en 2050, le discours de Xi Jinping, ce 18 octobre en ouverture du XIX ème Congrès, brasse deux thèmes qui apparaissent à première vue difficilement conciliables :

– une promesse de mise en « cage » par différents moyens techniques modernes la société, cadres et civils, pour décourager toute déloyauté envers le « noyau central », et toute malhonnêteté ou abus du pouvoir ;
– à tous milieux, une offre d’association et d’ouverture, une promesse de prospérité inclusive, dans la fierté nationale.
À dire vrai, cette contradiction est due à l’identité de l’auteur du discours, à savoir le Parti lui-même, sous toutes ses tendances : le Comité Central l’a voté 8 jours plus tôt.

Dans cette optique, il nous a paru intéressant de comparer la fréquence de mots-clés, leur sensibilité plutôt réformiste, ou conservatrice, et leurs associations. Ce travail permet de dé-gager un nouveau regard, de mieux comprendre les priorités, les compromis—le débat interne.

Le terme le plus utilisé est « à la chinoise », accolé à des concepts tels « société, légalité socialiste, démocratie ». On y voit deux visions politiques opposées : « à la chinoise » est national, patriote, donc exclusif, et son attribut reflète une valeur inclusive-universelle. Leur mise en binôme n’est pas par hasard : elle permet aux deux bords de s’entendre. Les réformistes minoritaires, peuvent faire passer dans le programme une valeur mondiale : les conservateurs majoritaires la tolèrent, une fois modulée selon leur intérêt de Parti, rebaptisé « intérêt national ». C’est un compromis… « à la chinoise » ! 

Le deuxième thème est le groupe «gouvernance, loi, droit en vertu de la loi ». Ensemble, ces termes apparaissent 61 fois. Ils traduisent une convergence unanime vers l’objectif de légalité, d’abandon des règles discrétionnaires. Réformateurs comme neo-maoïstes disent que tout cadre doit exercer son pouvoir en gardant à l’esprit les normes de la loi. Il y a accord pour faire reculer l’arbitraire, mais non pour le faire disparaître. La notion de « droit en vertu de la loi » contourne celle occidentale d’« état de droit », où la loi ne connaît pas d’exception : à tel légalisme, le clan conservateur n’est pas encore prêt.

En troisième place vient le groupe « contrôle, supervision, inspection, surveillance, discipline ». Ils sont cités 53 fois. A lire plus précisément, cette thématique du contrôle social est bien plus intense, présente partout, dans la logique du grand retour de l’héritage néostalinien de Mao. Mais pas expressis verbis, seulement sous-entendue, métaphorique comme dans le projet appliqué à Hong Kong et Macao, de « renforcer la conscience et l’esprit patriotique ».

Parmi d’autres concepts forts, figurent « grand renouveau et Rêve de Chine » (47), « réforme/ouverture » (33), « innovation/technologie» (30), « environnement/écosystème/écologie » (25). « Corruption/corrompus » reviennent 17 fois, « pauvreté » 5 fois : ce sont des objectifs majeurs du PCC. « Bonheur, bien-être, satisfaction » du peuple reviennent 11 fois.

On peut s’étonner de ne croiser que 15 fois le terme de «marxisme», parfois accolé à « léninisme » : cette discrétion relève de la prudence, comme pour la thématique du « contrôle ». Les rédacteurs ne tiennent pas à inquiéter inutilement délégués ou opinion, dont seule une minorité partage notoirement la foi du régime.
Petit dernier de la liste, le couple « droits de l’homme/libertés » n’apparaissent que trois fois : c’est juste pour mémoire, s’agissant de termes  nécessaires, mais accessoires aux yeux du sommet du Parti.

Une seconde lecture transversale nous a apparu tout aussi instructive : celle qui identifie les slogans politiques du discours. Ce sont ceux qui flottent depuis 8 jours à travers les avenues de la capitale, pour les faire connaître. Ils cristallisent la toute nouvelle « pensée de Xi Jinping du socialisme chinois de nouvel âge »- (习近平新时代中国特色社会主义思想), qui va être enchâssée dans la constitution du Parti. Invariablement, ces slogans se composent de mots et de chiffres, qui leur donnent un style militaire, facile à retenir. Par leur brièveté, ils rappellent la discipline du Parti : ils sont d’application immédiate.

Parmi ces slogans, comptent :
– les « 4 intégralités », objectifs de moyenne aisance, de réforme, de gouvernance et de discipline ;
– le « plan en 5 axes » : réforme économique, politique, sociale, culturelle et écologique ;
– « 3 consignes de rigueur » et « 3 règles d’honnêteté », pour le cadre;
– « 2 études et une ligne d’action » pour la formation. Variante : le « système des 3 séances et d’un cours » ;
– les « 8 recommandations » se composent de  « 4 modalités », contre 4 vices ».

Enfin, une campagne est imminente : « rester fidèle à l’engagement initial, et garder toujours à l’esprit la mission ». Elle reflète la conviction du Président selon laquelle le Parti a oublié ses valeurs. Comme le fit jadis le moine Xuan Zhang pour sauver le bouddhisme lors de son Voyage à l’Ouest (thème d’un ouvrage littéraire ayant formé tous les esprits en Chine), le Parti doit à présent se plier à un douloureux voyage sur lui-même, pour se retremper dans ses sources révolutionnaires.

Reste à savoir si ce retour d’hélice et déni de 20 ans d’évolution sociale, sera du goût de tous. Pour l’instant, on n’entend que les salves d’applaudissements dans l’hémicycle, et à travers le jeu vidéo de concours de bravos sur le portail social du groupe Tencent. En Chine aussi, tout finit par des jeux internet—même le retour à Mao !


Portrait : Li Zhanshu, fidèle tortue
Li Zhanshu, fidèle tortue

Né en 1950 dans la commune de Pingshan dans le Hebei, Li Zhanshu 栗战书 dispose d’un pedigree complet de « petit prince » au sein du Parti, avec un grand-oncle Li Zaiwen, vice-gouverneur du Shandong, torturé à mort pendant la Révolution Culturelle, et son père Li Zhengxiu, membre du Parti dès les années 1930, ayant servi comme messager clandestin dans les années ’40. Au total, 27 membres de sa famille ont rejoint les rangs du Parti dès la première heure.

Assidu aux études, le jeune Zhanshu voit ses rêves d’université torpillés par la Révolution culturelle, qui le renvoya durant l’hiver 1968 au village de ses pères comme « jeune instruit », pour être « rééduqué » par le travail manuel. En dépit des tâches rudes et de la vie difficile, il parvint malgré tout à étudier « à moments perdus » et à se faire nommer comptable. Fait rare : grâce à l’appui du secrétaire du Parti du village, il obtint en 1971 une place pour étudier à l’Institut du Commerce de Shijiazhuang, capitale du Hebei. En 1972, il intégra le Bureau du Commerce de la ville. D’un caractère entier, il critiqua l’ordre bureaucratique, attirant ainsi l’attention de ses supérieurs. Il entra donc au Parti en 1975 et commença sa carrière politique à un poste de cadre économique. Le soir, il suit des cours en sciences politiques à l’Université Normale du Hebei, et décroche une licence. En 1982, une lettre au Secrétaire général du PCC Hu Yaobang, en soutien d’un chant réformateur, « le socialisme est bon », lui valut un an plus tard son premier poste important, comme Secrétaire du Parti à Wuji (Hebei). Heureux coup du destin : son homologue du district voisin (Zhengding) n’était autre que Xi Jinping ! Les deux travaillèrent côte à côte pendant trois ans, développant une amitié jamais démentie et qui devait s’avérer payante sur le tard.

S’ensuivirent des promotions : Secrétaire de la section provinciale de la Ligue de la jeunesse, la pépinière des réformateurs (1987-1990) puis commissaire politique à Chengde. Il entra au gouvernement provincial, pour se retrouver aux prises avec le Secrétaire, un fidèle de Jiang Zemin qui finit par le démettre de ses fonctions. Humilié, Li dut quitter pour le Shaanxi en 1998, en quasi-exil. D’abord patron à l’organisation locale du Parti, il passa Secrétaire de Xi’an, poste qu’il conserva jusqu’en 2003, prétendant alors porter la ville, par ses initiatives de développement, au rang de « plus prospère métropole de l’intérieur ». Cependant l’administration de Jiang Zemin n’appréciait guère les hommes de la « tuanpai » (Ligue de la jeunesse). Ainsi, au lieu d’une province côtière qu’il guignait, le voilà envoyé au Heilongjiang. A son arrivée, Li écrivait ce poème : « un homme ne craint pas les tâches dangereuses, les montagnes regorgent de beauté et leurs sommets sont époustouflants, le majestueux vent d’automne ne secoue que les faibles, mais le faucon étendra toujours ses ailes et s’élancera vers les cieux ». Il en écrira de nombreux autres par la suite.

Bon administrateur, il s’efforce d’améliorer les rendements de ce « grenier à blé » par la création ou réhabilitation systématique de projets d’irrigation, et d’attirer les capitaux hongkongais. Sous sa gouvernance, la province nordique voit sa croissance bondir.

Il se familiarise avec le monde à part qu’est l’armée, lançant plusieurs initiatives pour améliorer les salaires et pensions de l’homme du rang. Il monte aussi à Pékin, invité d’un talk-show où il se fait remarquer par un franc-parler et l’audace d’évoquer sa vie personnelle (rare en Chine).

En 2010, à 60 ans, il devient enfin n°1 d’une province, le Guizhou. Bravement, il retrousse ses manches, obtient les crédits pour des investissements massifs d’infrastructures dans les années 2010-2012, induisant ainsi une hausse de 36% du revenu rural.

Enfin en 2012, il est l’homme du compromis entre Hu Jintao, Président sortant, et Xi Jinping, nouveau maître du pays. Ceci lui permet de décrocher un siège au Bureau Politique et le poste-clé de directeur du Bureau général du Comité Central qui gère l’emploi du temps des hauts dirigeants. Il remplace à ce poste Ling Jihua (ex-bras droit de Hu), déchu pour corruption. 

Preuve de la confiance aveugle que Xi a en lui, Li se voit confier depuis 2015 des missions diplomatiques de première importance, rencontrant des leaders étrangers, avec ou sans son Président : Barack Obama en 2013 et 2016, Vladimir Poutine en 2015 et 2017, Ma Ying-jeou (Président de Taiwan) en 2015, Donald Trump et Carrie Lam (Hong Kong) en 2017. Une confiance bien placée, car Li se montre un exécutant fidèle des missions. Sans état d’âme, il intime à l’ensemble du Parti de se « soumettre » à l’autorité de Xi Jinping.

Aujourd’hui, lors du XIX Congrès, Li monte au Comité Permanent à 67 ans, et est nommé à la place de Zhang Dejiang (n°3), en tant que Président de l’Assemblée Nationale, sûrement en charge des affaires hongkongaises.

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Ce portrait est issu de notre étude politique « Le sacre de Xi Jinping – et après ? » qui contient également ceux des 24 autres membres du Bureau Politique. Disponible mi-novembre, en français ou en anglais 500€, ou 900€ les 2 versions, vous pouvez passer commande dès à présent, en nous contactant par email : levdlc@leventdelachine.com

 


Politique : Succession de Xi — La course aux rumeurs

Une fois le coup d’envoi du XIX Congrès donné, la pompe à rumeurs ronronne, dont l’une forte, émanant du sommet—celle d’une menace passée de coup d’Etat.

Le 19 octobre, Liu Shiyu, président de  la Commission de tutelle de la bourse, s‘appuie sur Xi en personne pour dénoncer Sun Zhengcai, l’ex-patron de Chongqing, (cf photo) dans un coup d’Etat, sans nul détail pour corroborer l’implication. En août, ce cadre de la « 6ème génération », un des candidats les plus sérieux à la succession de Xi en 2022, chutait pour corruption.

Au fil des mois, la liste des charges contre lui s’alourdissait, au point d’être plus longue et grave que celle infligée à Bo Xilai, le rival de Xi tombé en mars 2012. Devant un groupe de travail du Congrès, Xi Jinping aurait cité Sun en fin d’une liste d’autres conspirateurs : Bo qui avait tenu Chongqing avant Sun, Zhou Yongkang l’ex-chef de toutes les polices, Ling Jihua le bras droit du Président Hu Jintao et deux cadres supérieurs de l’APL, Xu Caihou et Guo Boxiong. Jusqu’à 2017, ce coup vieux de cinq ans n’avait jamais été officiellement reconnu. Son but par contre, était clair dès l’époque : avec un clan de « princes rouges »,  Bo tentait d’empêcher Xi, le futur Président légal, de prendre ses fonctions.

Intégrer Sun Zhengcai à cette cabale, pose deux problèmes. Pourquoi avoir attendu cinq ans pour l’écarter ? Et pourquoi, une fois Bo Xilai tombé, l’avoir remplacé par Sun, si sa loyauté était contestée ? L’absence d’éléments empêche de spéculer davantage. La seule manière d’éclaircir le mystère, serait que le régime orchestre pour Sun Zhengcai un procès public.

Toujours est-il que suite à l’éviction de Sun,  on constate que la liste des hommes éligibles à la succession de Xi Jinping en 2022, s’est réduite de trois à deux : Chen Min’er, 57 ans, favori de Xi,  et Hu Chunhua, 54 ans, le poulain de Hu Jintao.

Or selon la dernière rumeur, se murmure que ni l’un ni l’autre ne monteraient au Comité Permanent cette année. Xi, prenant son temps, voudrait changer le processus de  succession. Décidément, sur cette question cruciale pour l’avenir, le fléau de la balance peut encore retomber dans les deux sens !


Monde de l'entreprise : Ouragan pour les nababs
Ouragan pour les nababs

Dans l’endurcissement de plus en plus net de l’autorité publique, on constate que les milliardaires chinois se voient également contraints à rentrer dans le rang. 

Aujourd’hui, 2130 Chinois ou Chinoises, possèdent 2600 milliards de $, autant que le PIB du Royaume-Uni. Cette année Xu Jiayin, patron de Evergrande (immobilier) ravit à Wang Jianlin du groupe Wanda, la première place au classement Hurun. Ils sont source de 75% du PIB et de plus de 80% des emplois urbains.
Or, ce que le régime redoute à présent, est la prise du pouvoir par ce groupe, comme il a failli advenir en Russie sous Boris Eltsine, avec la conquête des « Oligarques », avortée par la poigne de V. Poutine. Xi Jinping affirmait en septembre à Pékin devant un aréopage de magnats et cadres : « si  nous dévions du marxisme, ou l’abandonnons, notre Parti perdra son âme et sa direction ».

Sous cette peur, les rapports hier cordiaux entre ce grand capital et le régime, ont viré depuis un an. En 2015 encore, Wang Jianlin était protégé par Xi Jinping. Dans chacun de ses 1000 magasins, hôtels ou parcs d’attraction, il réservait 10% de la surface à la culture populaire, ce qui était une priorité du chef de l’Etat. Mais en juillet, Xi a ordonné aux banques de bloquer tout prêt à Wanda. 

Wu Xiaohui, président des assurances Anbang, encore récemment n°4 national, a disparu, incarcéré secrètement en juin. Guo Guangchang, PDG de Fosun (pharmacie, immobilier, tourisme…) a risqué l’arrestation. En janvier, Xiao Jianhua, financier, était kidnappé à Hong Kong et ramené en Chine – il n’a pas réapparu depuis. Xiao finançait nombre de membres de l’élite politique, et en savait trop.

Ce mois-ci, l’Etat fait pression sur les milliardaires Jack Ma, Robin Li et Pony Ma, afin de forcer la reprise de 1% de leurs groupes Alibaba, Baidu et Tencent, poids lourds de la toile chinoise. C’est pour forcer son entrée dans leurs organes de direction et influencer leur politique, et leur pouvoir accumulé en collectant les données privées de leur milliard d’usagers, en créant des logiciels et algorithmes capables de prévoir leurs comportements. C’est aussi pour bloquer la fuite des capitaux—car ces chevaliers d’industrie, sentant le vent tourner, sortent une partie de leurs biens du pays.

Entre hommes forts du privé et du public, le bras de fer ne fait que commencer : bien malin, qui pourrait en dire l’issue –  les premiers étant la corne d’abondance économique et les seconds, celle de la sécurité.

 


Petit Peuple : Nanling (Anhui) – L’expiation de Liu Yongbiao (2ème partie)

Résumé de la 1ère Partie : la nuit de 28 novembre 1995, dans une auberge où ils sont descendus pour voler des voyageurs, Liu Yongbiao et Wang Ming assassinent quatre personnes, avant de s’enfuir…

Courant dans la rue déserte, dans la nuit noire, Liu Yongbiao et Wang Ming se retrouvaient alors en plein cauchemar. Dans cet auberge de Huzhou (Zhejiang), ils n’avaient voulu que détrousser un quidam, mais ils se retrouvaient assassins, sans même comprendre l’origine de cette explosion de violence dont ils ne se seraient jamais crus capables, et dont ils étaient bel et bien les auteurs, avec une sauvagerie absolument incroyable. En moins de 10 minutes, ils s’étaient transformés en bêtes nuisibles, que tout un chacun rêverait d’écrabouiller et de rayer de la surface de la terre. Ils entamaient une nouvelle phase de leur vie, désormais vulnérables, forcés de se cacher pour échapper à la vengeance publique, ennemis publics n°1. Comble du ridicule, s’y étant pris comme des débutants sur un coup mal préparé, ils n’avaient récolté que 10¥, avec en prime, une montre et une (fausse) bague – butin minable ! Tout ca pour ça…

Pire : en prenant la fuite dans la panique après leur crime, ils avaient laissé dans la chambre leurs effets personnels. Chaussures et sous-vêtements, restes de biscuits – spécialité de leur village d’origine – mégots d’une marque de cigarette locale, elle aussi. Sans compter la corde et le marteau, armes du crime, et les dizaines d’empreintes digitales dans le sang figé. Autant d’indices qui seraient du pain béni pour les enquêteurs, et les mettraient plus vite sur leurs traces!

Sur l’asphalte dans la nuit, ils tinrent un conseil de guerre en haletant de peur. Dans de telles conditions, il serait de la folie de retourner à l’auberge, au risque de se faire cueillir à l’arrivée. Mieux valait chercher refuge à Shanghai, la ville qu’ils avaient mentionnée à leurs épouses, sous prétexte d’aller chercher du travail. Donc leur absence au village n’était pas –encore– suspecte. Une fois dans la « tête du dragon », ils y seraient comme une aiguille dans une meule de foin : des millions de crève-la-faim comme eux circulaient dans la région, en quête de gagne-pain. Ainsi, leur meilleure chance était de se terrer dans l’attente que les choses se calment.

Ils reprirent donc le bus, quelques km plus loin – sur cette route très passante, il en circulait à toute heure du jour et de la nuit. Une fois arrivés à Shanghai, ils avait des adresses de gites semi-clandestins : les deux hommes se séparèrent sur la promesse de se taire, se rendirent chacun vers une de ces adresses borgnes.

À l’aube, Yongbiao fut réveillé par ses voisins, manœuvres qui rejoignaient leur chantier. Il éprouvait de terribles remords teintés d’épouvante. Mais n’ayant plus en poche un sou, il fallait agir : poussé par l’instinct de survie, il les suivit. Il monta avec eux dans leur navette et rendu sur place, se présenta au contremaître. Ce dernier, manquant de bras, le recruta sur le champ et même, en fin de journée, accéda à sa demande d’une avance de 5 yuans—de quoi payer son lit, et un bol de nouilles instantanées.

Le dur travail (gâcher le ciment, poser les briques) l’aida à retarder l’examen de conscience. Mais au fond de lui, irrémédiablement, il gardait « la conscience troublée en profondeur » (shèngǎn qiànjiù, 甚感歉疚).

Par prudence et par amour, il avait appelé sa femme Meilin, pour la rassurer—sans rien lui dire de son forfait. Bientôt, il s’estima suffisamment en sécurité pour quitter ce métier d’enfer, et prit un poste de serveur en restaurant, aussi épuisant que le précédent, mais moins dangereux et mieux payé. Il l’exerça jusqu’au Nouvel An chinois, avant de rentrer au village – dans la nuit, sans se faire voir.

À la maison, il constata que son  sentiment de faute ne le quittait plus : il vivait partagé entre le besoin d’expier, et la peur de se faire prendre. La nuit, ses victimes lui apparaissaient en cauchemars, portant au visage un ignoble sourire, et la plaie béante de leurs crânes fracassés. Il se réveillait en sanglotant, tandis que sa femme épouvantée l’enlaçait dans la tentative de l’arracher à ses monstres.

Rempli de pensées morbides, il avait acheté de la mort aux rats, notoire moyen des paysans pour attenter à leurs jours. Plus d’une fois, il fut tenter d’en finir, d’une rasade – sans toutefois jamais trouver le courage de commettre l’acte fatal.

L’épreuve plus jamais ne le quitta. Pour se maintenir  en vie, il s’était remis à sa passion – l’écriture. Remplir des pages le sauverait de son univers coupable, le transposerait en un monde de mots réconciliateurs. C’était une course contre la montre et contre la mort. Paradoxalement, cette activité qui l’arrachait à ses démons, lui faisait regarder son crime sous une autre perspective : il se sentait refondé par son acte. Autant ce meurtre, il avait été indécis et doutant de lui-même. Désormais, sa vie cessait d’être un jeu. Pour vivre, il fallait être efficace, supprimer tout geste inutile, dans ses actes, comme dans son écriture. Sous cette contrainte, son style quitta le flou, s’épura et ses pages allèrent à l’essentiel. Avec une rage existentielle, il passait des nuits blanches à noircir des pages. De toute manière, depuis le meurtre, il lui était impossible de dormir… De la sorte, en 10 ans, il produisit plus de deux millions de caractères de romans ou nouvelles, plus de 3000 pages. Refondé par son crime, Liu Yongbiao tentait, en écrivant, de racheter sa faute par de bonnes actions ( 将功赎罪 jiānggōngshúzuì ) !
On s’en doute déjà, l’histoire ne finit pas là : suite et fin, au prochain numéro !


Rendez-vous : Semaine du 23 au 29 octobre 2017
Semaine du 23 au 29 octobre 2017

24-26 octobre, Chengdu : ANGVA, Conférence et Exposition consacrée au gaz naturel pour véhicules

24-26 octobre, Dalian : SHIPTEC China, Salon international de la construction navale, des équipements pour la marine et de l’ingénierie offshore

25-27 octobre, Shanghai : Bakery China, Salon international de la boulangerie et de la pâtisserie

25-27 octobre, Shanghai : CEF – China Electronics Fair, Salon de l’électronique et des composants

25-27 octobre, Shanghai : China Lighting Expo, Salon international de l’éclairage, applications et technologies d’éclairage LED

25-27 octobre, Shanghai : China SMART Community & Smart Home Expo, Salon international de la construction et de la domotique

26-28 octobre, Suzhou : FASTENER Trade Show, Salon international de la fixation

27-29 octobre, Chengdu : China International GREEN FOOD and ORGANIC FOOD, Salon international de l’alimentation Bio

27-29 octobre, Chengdu : CIHIE – China International Healthcare Industry Exhibition, Salon international de l’industrie de la Santé

27-29 octobre, Chengdu : SBW Expo, Salon dédié à l’eau potable et à l’eau de source en bouteille