Le Vent de la Chine Numéro 9

du 2 au 8 mars 2014

Editorial : Session de l’ANP – L’agenda du mystère

Comme chaque année, 2983 édiles du pays se retrouvent à Pékin au Grand Palais du Peuple pour la session annuelle du Parlement (ANP, le 05/03).

Pour le 1er ministre Li Keqiang ce sera l’heure de son premier bilan et de fixer les priorités de l’année. La première sera probablement l’environnement. L’opinion l’attend, après 15 jours d’épais smog sur le Nord du pays. Dépassée, Pékin n’a pas osé décréter l’alerte rouge ( cf article dans ce numéro)… Les propositions fuseront mais sans solution miracle. Cao Xianghong, académicien, voudrait réserver l’usage du charbon aux groupes ayant les moyens de pratiquer la capture du CO2-technologie inapplicable en masse.

Autre priorité, aisément prédictible : la lutte contre la corruption qui n’a fait que durcir en 2014. Parmi les dernières mesures, figure la réforme de la libération sur parole : une tentative de moraliser un système trop souvent laxiste envers les riches, leur permettant de racheter illégalement une partie de leur peine sous prétexte médical. Pour y remédier, la Commission juridique du Parti introduit un protocole obligatoire à suivre, y compris la mise en ligne de toute remise de peine. 

Autre tentative : le paraphe obligatoire par les médecins d’une promesse de n’accepter de bakchich, ni des patients ni des laboratoires. Mais vu leur maigre salaire (moins de 10.000¥), la mesure est surement appelée à rester lettre morte. 

Enfin et surtout, dans un discours-cadre du 11/02, Li Keqiang prétend standardiser dans l’année les chantiers, les marchés publics et l’attribution du sol et de sa licence d’usage. De manière remarquable, Li dénonce la source de la corruption dans le pouvoir lui-même et ses pouvoirs de contrôle excessifs.

En même temps, limogeages et arrestations s’accélèrent.
Sont démis Ding Xuefeng, maire de Liuliang (Shanxi), Liu Yingxia (cf photo, édile de la CCPPC – la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois qui ouvrira le 03/03), Li Dongsheng (vice-ministre de la Sécurité publique), Ji Wenlin (vice-gouverneur de Hainan).
Sont arrêtés Liang Ke, chef de la police secrète à Pékin, Liu Han –gangster et milliardaire sichuanais, et Shen Dingcheng, ex-secrétaire du Parti à la CNPC, la compagnie nationale pétrolière.
Tous perdent leur poste et/ou leur liberté pour corruption, ET pour leurs liens avec Zhou Yongkang ou son fils.
Le cas de Liang Ke est intéressant : cette oreille des infos politiques au sommet, aurait tenu Zhou informé des progrès de l’enquête sur lui. Or, cette vague de frappes semble préparer le procès de Zhou, ex-protecteur de Bo Xilai, quasi un an après la chute fracassante de ce dernier. Il faut se demander si Zhou aura droit à autant d’égards que l’ex-roi de Chongqing, qui n’avait écopé « que » de la prison à vie…
Pendant ce temps, sur la pointe des pieds, des riches Chinois prennent l’avion par milliers (aucun chiffre n’est disponible), fuyant les mandats d’arrêt, plus que les micro particules µ2,5 !

Autre sujet essentiel : quel chiffre pour la croissance et quelle ouverture économique ?
Les premières banques privées sont imminentes (géant de l’internet Alibaba). Le taux de croissance est soigneusement calculé entre 7 et 8% – mais il serait aisé à l’Etat d’édicter plus, en rouvrant le robinet du crédit. L’idée est de sevrer de crédit les dinosaures publics (machinerie, chantiers navals, armateurs, BTP), et piloter leurs fusions en douceur. Cette « faible » croissance permet de vider, sans l’éclater, une bulle de 12 000 milliards $ de dettes industrielles, en hausse de 260% depuis 5 ans…

Dernier dossier majeur : traiter le cas du Japon, sans craindre de flatter les attentes patriotiques de l’hémicycle. Une question de fond est bien sûr celle des îles Diaoyu/Senkaku, sous contrôle nippon, revendiquées par Pékin. Mais l’intransigeance négationniste du Cabinet de Shinzo Abe joue aussi son rôle, ne manquant aucune occasion d’irriter la Chine et d’autres voisins, sur la gestion du passé militariste du Mikado.
L’ANP risque de voter 2 « fêtes nationalistes », le 3 septembre comme jour de la victoire, et le 13 décembre, comme jour du souvenir des victimes (du massacre) de Nankin – signe que dans ce conflit aussi complexe que dangereux, la Chine n’est pas prête à faire de compromis.


Dernière minute : Catastrophique attentat ethnique en gare de Kunming
Catastrophique attentat ethnique en gare de Kunming

En gare de Kunming le samedi 1er mars au soir, un attentat gravissime a eu lieu, dont l’article ci-dessus était prémonitoire : un groupe d’une vingtaine de kamikazes très organisés et déterminés s’est précipité au guichet où des centaines de voyageurs faisaient la file. 

Habillés de noir, porteurs de longs couteaux, ils ont frappé en aveugle – mais avec une efficacité de commandos. Au bout de quelques minutes, quand ils se replièrent, 33 cadavres gisaient à terre (dont 5 de leurs propres rangs, exécutés par les balles de la police), et 143 blessés, soignés sur place, souvent à même le sol par les services médicaux d’urgence de la gare.

Les forces publiques incriminent des extrémistes ouighours. Et quelques détails soutiennent l’accusation, tel ce choix de l’arme blanche, souvent utilisée lors d’attentats ouighours, ou cette chemise noire qui dans certains milieux, a valeur sacrée : pour certains, elle conférerait l’immortalité et pour d’autres, une place au paradis. Le style même de l’attaque est celui d’une intifada, guerre sainte dont les combattants sont prêts à sacrifier leur vie. La date enfin est évidemment choisie, à 48h de l’ouverture de la CCPPC, conférence nationale consultative, à Pékin. 

Elle a pour but d’obtenir un maximum de battage d’opinion, pour alerter le monde sur la pression exercée (selon les ouighours) sur leur culture et leur exercice religieux. En réalité, le problème est peut être surtout économique. Entre ses hydrocarbures, son charbon et ses énergies renouvelables, le Xinjiang devient une grande région de production d’énergie – mais les ouighours, ses habitants d’origine, n’en retirent pas le profit principal, défavorisés par la langue et l’éducation. 

Pour les conséquences, il est trop tôt . Mais dès maintenant, on peut en imaginer deux, toutes deux lourdes. Le territoire pourrait désormais adopter cette loi antiterroriste en quelques semaines plutôt qu’en quelques années. Ilham Tohti (cf article dans ce numéro) peut désormais être accusé moralement de cet attentat, et subir la peine capitale. Et la population chinoise, plutôt indifférente au voisinage des ouighours, pourrait connaître à leur endroit une vague de rejet ethnique xénophobe. Rien de très rassurant pour l’avenir !


Xinjiang : Xinjiang – l’inculpation de Ilham Tohti

30 ans d’investissements du pouvoir central et une poigne de fer n’ont pas permis au Xinjiang de trouver l’apaisement. En 2013, plus de 100 Hans et Ouighours ont trouvé la mort en divers attentats – année la plus sanglante depuis 2009. 

Pékin attribue le malaise à des menées intégristes, voire à ce vieux rêve d’un grand « califat » qui rassemblerait l’Asie Centrale musulmane, englobant le Xinjiang sous le nom de « Turkestan oriental ». Pékin et les autorités locales tentent d’endiguer cette violence latente par des moyens nouveaux : le territoire autonome, avertit Xinhua, serait en train de rédiger une nouvelle loi anti-terroriste. 

Dans cette perspective, l’inculpation du professeur Ilham Tohti prend une connotation inquiétante. Arrêté à Pékin en janvier, l’universitaire est inculpé le 25/02 à Urumqi pour « séparatisme », délit qui sous sa forme la plus grave, peut valoir la peine de mort. Le Bureau local de Sécurité l’accuse d’avoir « exploité son statut d’enseignant pour recruter, inciter et forcer des gens à former des gangs en collusion avec l’étranger, renforcer des activités séparatistes et d’attiser la haine ethnique ».

A ce jour, aucune preuve n’a été donnée aux allégations. Le même jour, Li Fangping, son avocat, n’avait pas encore pu le rencontrer. Tohti, dans ses écrits, aurait toujours rejeté indépendance et séparatisme, et dénié d’avance avoir agi contrairement à la loi. D’après ses proches, le régime lui reproche surtout d’avoir contesté la version officielle de divers incidents sanglants au Xinjiang. UE, USA, et tous les pays de l’Ouest suivent de près l’affaire, mais c’est mal parti…


Société : Démographie : demi-tour à gauche, demi-tour à droite

Hefei 2eme EnfantLes métropoles veulent réduire leur croissance démographique. Forcées d’octroyer d’ici 10 ans à tous résidents le même accès à l’école, la santé ou le logement, elles doivent enrayer l’afflux de population migrante. Mais en même temps, pour éviter le vieillissement social, l’heure est au démantèlement du système désuet de planning familial. 

Aussi à Pékin, Shanghai et 4 autres régions, le feu vert au second enfant n’est donné que si un des époux est lui-même enfant unique, et si la femme a 28 ans.
Mais les candidats au mariage qui ne sont pas fils uniques (30% des cas) devront prendre pour époux soit un enfant unique, soit une personne issue d’une minorité ethnique, s’ils ou elles veulent deux enfants.

Même ainsi, Pékin prévoit 50.000 bébés de plus par an, soit 260.000 naissances au total. Or, la mairie veut franchir son pic démographique à 21,8 millions pour 2015. Cela signifie qu’il faudra resserrer à 325.000 par an, le flux des migrants, par une gestion plus stricte. 

Par chance, la tendance est déjà naturellement engagée : le nombre de migrants vers les régions côtières a baissé en 2013 de 0,2%, et augmenté de 9,4% dans la Chine du Centre. C’est ainsi que rester vivre « au pays » redevient attractif, vu la hausse toujours moins supportable du coût de la vie dans les grandes villes côtières. Le « dividende démographique » chinois (main d’œuvre rurale pas chère) vit ses derniers jours.


Environnement : Smog – Alerte « orange » pour « hiver nucléaire » 

Laveur De Vitre Smog BeijingEn cette fin d’hiver, la Chine du Nord, avec une superficie grande comme trois fois la France, étouffe sous le smog. Depuis le 10/02, Pékin respire autour de l’indice 400 micro- grammes de particules PM2,5 par m3, bouillon de culture de centaines d’effluents pernicieux. Désormais, l’Organisation mondiale de la Santé, l’ OMS promulgue l’état de crise. 

La mairie de Pékin décrète alors l’alerte orange au 21/02, ferme 36 usines et en bride une centaine d’autres.
En 2010, l’étude mondiale « Global burden of disease » concluait à 1,2 million de morts par an en Chine.
D’autres conséquences touchent à la fertilité au nombre accru de cancers. L’an dernier, selon l’OMS, le pays a connu 3,07 millions de nouveaux cas, sans pouvoir toutefois déterminer quel a été le rôle de l’air vicié dans cette progression. Depuis 2010, la situation a empiré, du fait d’une réaction sans doute trop timide de l’Etat, et surtout d’un non-respect des normes par les usines du Hebei ou du Shandong – en janvier, certaines industries ont dépassé jusqu’à 10 fois le plafond réglementaire . De cet enfer atmosphérique, à son paroxysme et de longue durée (moyenne nationale de 29,9 jours en 2013, record depuis 1961), des répercussions économiques commencent à apparaître. 

Depuis un an, selon les chiffres, Pékin a perdu de 10% de ses touristes et les expatriés quittent la ville – seulement 13 millions d’entrées en 2013 (-5%). En agriculture, 15 jours d’absence totale de soleil plonge dans la panique les exploitants de serres, décimant les rendements. 

Côté « solutions », force est d’admettre que les mesures publiques semblent aussi anémiques que les plantes des serres. Obsédé par la stabilité (héritage de Hu Jintao), l’Etat n’ose pas prendre des mesures radicales face à ce ciel gris ressemblant (selon les scientifiques) à un « hiver nucléaire ». 
Ainsi, l’alerte orange du 21/02 est le niveau le plus élevé déployé depuis l’introduction du système en octobre dernier. Mais selon ses critères, l’alerte rouge aurait été plus conforme à la crise, en donnant les moyens de fermer les écoles, des centaines d’usines et 50% du trafic routier. 

Comme pour compenser, un écran de propagande fut dressé. Le 25/02, Xi Jinping se montra dans le centre de Pékin, histoire de « partager le sort du peuple » (Xinhua). 12 équipes d’inspecteurs furent dépêchées dans les villes proches pour assurer une baisse des effluents. 

Yu Dan, intellectuel officiel, conseilla sur Weibo : « calfeutrez-vous, enclenchez les filtres à air et ne laissez pas le smog pénétrer votre cœur ».
Réponse des internautes : « ce n’est pas le cœur, mais le poumon qui souffre ».
Le comble fut atteint par le contre-amiral Zhang Zhaozhong, qui voit dans cet épais brouillard, la « meilleure défense contre les lasers de l’US Army »…

Le gouvernement, il est vrai, a présenté une mesure plus efficace : celle de fermer des aciéries, -35% de capacité dans le Hebei, d’ici 2020. Des dizaines de petites unités ont déjà fermé autour de Tangshan. Mais en fait, elles font faillite, faute d’obtenir des crédits… Le pouvoir a donc, comme on dit en Chine, « cueilli les fruits, bas sur la branche » (prendre un objectif trop modeste). 

Pour résoudre la crise actuelle, il faudra trouver autre chose. D’ailleurs, à la veille de la session de l’ANP, Shijiazhuang, capitale du Hebei, vient de recevoir la plainte de Li Guixin, simple citoyen, contre l’Etat pour négligence, alléguant de la « réalité » des souffrances et des victimes.
La cour n’a pas encore fait savoir si elle l’acceptait mais gageons que l’incident a un avant-goût de l’avenir, risquant de se multiplier les mois prochains.


Diplomatie : Inde et Chine, à la croisée des chemins

Les relations entre Inde et Chine font parler d’elles : à juste titre, car elles sont en plein remue-ménage, déchirées entre différents scénarios d’avenir incompatibles. 

Xi Jinping et le 1er ministre indien Manmohan Singh (parti du Congrès) veulent accélérer le rapprochement. Mais le parti d’opposition (« BJP », nationaliste) avec son leader Narendra Modi, mise sur méfiance et fermeté. Or aux législatives, en mai prochain, Modi est donné gagnant, faisant risquer un grand virage.

Effectivement en Asie, il n’a pas fallu longtemps pour que Pékin paie au prix fort son imposition unilatérale d’une ADIZ qui restreint la circulation sur une zone maritime stratégique, grande comme 6 fois la France, et contestée par 5 nations. 

En Inde, Jaswant Singh, un poids lourd politique, réclame une troïka économique et de défense entre son pays, Japon et Corée pour « maintenir l’équilibre » avec l’envahissant voisin chinois. Ce concept rejoint celui de « containment », vieil objectif des Etats-Unis – Corée et Japon y sont aussi favorables. Le 16/01 à Delhi, la Présidente coréenne Park Geun-hye, négociait une coopération en « sécurité maritime » et « développement nucléaire ». Le Japon lui, avait envoyé dès décembre son empereur Akihito (première visite en 50 ans), puis en janvier I. Onodera, son ministre de la Défense. Le Japon prêtait 2 milliards de $ pour le métro de Delhi, s’ajoutant à 3 milliards de $ d’autres aides, un accord d’énergie nucléaire et acceptait de livrer des avions militaires amphibies. Et les deux pays annonçaient les premières manœuvres militaires de leur histoire. Le Japon avait déjà dépassé les Etats-Unis comme fournisseur d’IDE en Inde avec 15 milliards de $ (7% du total), et les 2 pays triplaient leur accord de swap monétaire à 50 milliards de $. Shinzo Abe, 1er ministre, rêvait avec Inde et Corée d’une nébuleuse trilatérale « arche de prospérité »…

Pour l’Inde, ce scénario « trilatéral » peut aussi s’expliquer par son incapacité à renforcer seule son réseau routier et ferré aux frontières, pour répondre à l’effort chinois d’infrastructures au Tibet – voie potentielle d’attaque militaire. En 8 ans, une seule des 28 routes prévues a été construite en Arunachal Pradesh, que la Chine revendique, sous le nom de « Sud Tibet ». Ensuite, joue simplement le sentiment de rivalité entre futures puissances. Enfin, l’alliance étroite de la Chine avec le Pakistan n’arrange rien : Delhi ne peut la voir que comme tournée contre elle. 

Or, voila que la Chine fait à l’Inde une offre extraordinaire : jusqu’à 300 milliards de $ d’investissements en infrastructures, 30% des besoins du pays. Pékin offre son savoir-faire ferroviaire, en tunnels et en traitement des eaux. L’Inde aura du mal à accepter dans l’immédiat, surtout au Nord-Est et au Cachemire, vu les visées chinoises sur son sol. Mais l’offre est tentante. 

Dès l’an passé, Xi Jinping et Li Keqiang renforcèrent l’offre en déclarant « prioritaire » le règlement amiable des frontières. Des exercices militaires conjoints sont aussi programmés pour 2014, et sur proposition indienne, les points de jonction entre troupes (cf photo) seront doublés. De même, Pékin veut rassurer l’Inde sur le sort du fleuve Brahmapoutre, dont elle ne retiendra pas les eaux—une question sensible en Inde. Pour l’analyste Prem Shankar Jha, la Chine veut gagner cette relation stratégique, moins pour éviter le schéma d’encerclement que « comme moyen de communiquer plus efficacement et moins en confrontation avec Union Européen-ne et Etats-Unis dans leur nouvel avatar de créateurs d’empires ».

Que conclure de tout cela ? Les deux tendances représentent en fait l’histoire en cours. L’agressivité, c’est l’héritage du passé. L’appel centripète, c’est l’avenir, la prise de relais à deux, des puissances de l’Ouest aux rênes du monde. Mais la Chine a une question à se poser. Elle pourrait développer l’Asie entière, si cette dernière pouvait lui faire confiance—c’est-à-dire si elle renonçait à ses exigences maritimes. La coopération de fond n’aura pas lieu sous cette incertitude. La Chine devra faire des choix.


Agroalimentaire : Roulette russe pour les investissements chinois en Ukraine

Ukraine MoissonneusesLa chute du Président Viktor Ianoukovitch en Ukraine et la débâcle de son ordre post-soviétique, suscitent en Chine deux opinions opposées. 

<p>Hostile à toute libéralisation, le Parti communiste chinois n’a nul doute que démocratie finit toujours par rimer avec chienlit : « rejetez toute réforme politique rapide, dit la presse, ou subissez-les conséquences ». 

Au Hunan cependant, le 25/02, des étudiants osaient tendre une bannière félicitant « le peuple ukrainien pour sa victoire des libertés». Cela dit, sur internet, l’opinion fait preuve de clairvoyance en soupçonnant, derrière tout ce désordre, l’action de milices d’extrême droite et la manipulation d’un peuple aux abois, plutôt que l’éveil d’une société à la démocratie. Cela dit, face au déchirement de ce pays entre Russie et Europe, la Chine éprouve un fort malaise : c’est qu’en y ayant beaucoup investi, elle a maintenant beaucoup à y perdre. 

Mi-2013, elle avait livré 10 milliards de $ à Kiev en prêts concessionnaires dont en 2012, 3 milliards de $ fournis par l’Eximbank à KSG, le consortium national agronomique, en contrepartie de livraisons de grain sur 15 ans.
Avec ses riches plaines à blé et une agriculture kolkhozienne née de l’URSS, l’Ukraine est dans les 10 premiers exportateurs céréaliers.
Quoique 50% du chèque ait été versé dès mars 2013, KSG n’a livré que 180.000 tonnes, au lieu des 4 millions de tonnes contractés. Le reste des fonds a servi à combler les dettes les plus criantes, ou à satisfaire d’autres commandes en retard : Iran, Ethiopie, Kenya, l’opposition syrienne…
La Russie, pas tendre envers son ex-république satellite, dévoile cette fraude (25/02). L’Eximbank porte plainte contre KSG devant une Cour d’arbitrage à Londres. 

D’autre part en 2012, XPCC (Xinjiang) prenait en bail longue durée, 100.000 hectares de plaine à Dniepropetrovsk, voués à devenir 3 millions d’hectares d’ici 2063 – la surface de la Belgique !
A coup de technologie importée, il y créait une place forte du blé et du porc, et s’engageait à payer 2,6 milliards de $. Dès 2014, ses hommes prenaient possession de 3000 hectares. Mais désormais, s’interrogent les investisseurs, que vaut ce contrat conclu sans consultation des pouvoirs locaux ? 

En décembre 2013 à Pékin, Ianoukovitch obtenait 8 milliards de $ de contrats en plus, parmi lesquels la création par un investisseur privé d’un grand port à Sébastopol sur la mer Noire, pour 3 milliards $, pour l’import-export chinois… 

Une autre coopération florissait depuis 20 ans, celle des ventes militaires.
Kiev fournissait l’APL, en réacteurs pour bombardiers, en turbines à gaz pour destroyers (ce que la Russie refusait de faire). Elle avait aussi coopéré à la production d’un moteur diesel pour un char d’assaut commandé par le Pakistan.
Or, ce commerce aussi devient à risque : si d’ici 5 à 10 ans l’Ukraine entre à l’Union Européenne, l’embargo des ventes d’armes à la Chine, s’il reste alors en vigueur, devra s’appliquer. 

Comme on le voit, pour Pékin, c’est de nouveau le moment de faire ses comptes, comme elle avait dû le faire après la chute de Kadhafi en Libye, perdant plus de 20 milliards de $ : prix à payer occasionnellement pour son audace, et sa capacité à prendre les contrats là où d’autres reculent. La Chine peut se le permettre, vu ses réserves monétaires, et « la fortune sourit aux audacieux ». Mais on ne peut gagner à tous les coups !


Petit Peuple : Shenyang – La mariée était trop belle… (2ème partie)

Résumé de la première partie : Jian Feng, mari de Hong Lanping, ne comprend pas la laideur de leurs trois enfants. Sous la pression elle lui avoue qu’avant leur union, elle s’est fait refaire le visage en Corée du Sud…

Loin d’être ému par l’aveu déchirant que lui faisait son épouse, Jian ayant pris conseil d’un avocat, la força sur le champ à signer la déposition, trouva des clichés d’elle d’avant leur mariage (cf photo) comme pièces à conviction, et se précipita au tribunal, accusant Hong d’avoir abusé de sa bonne foi. De la sorte, elle s’était rendue coupable de la mise au monde de trois enfants d’une laideur incommensurable.
Si elle n’avait pas dissimulé sa vraie nature par ces opérations de chirurgie esthétique, ou bien si elle avait avoué la manigance, il aurait peut-être eu la chance de se détourner à temps, et de partir dans la vie conjugale du bon pied, avec une vraie beauté. Tandis que là, parce qu’elle lui avait vendu « du chien pour de l’agneau »(挂羊头卖狗肉 (guà yáng tóu mài gǒu ròu), Jian réclamait des dommages et intérêts.

Or, quelques semaines plus tard, après avoir entendu les deux parties, réfléchi et délibéré, le juge, en sa « grande sagacité » décida que : pour avoir dissimulé sa disgrâce physique, pour être née laide et avoir voulu jouer la belle, Hong (entretemps divorcée et retournée chez ses parents avec mômes et bagages) était condamnée à dédommager son ex-mari de 750.000 ¥

Tel qu’évalué par la Cour, le montant de la compensation au mari mérite réflexion. Il dévoile un mode de pensée juridique unique (voire inique).
Dans le calcul du pretium doloris, le juge a repris les factures de la clinique coréenne et les a requalifié de détournement du patrimoine du mari, même si l’ union n’avait été célébrée qu’ ultérieurement.Pour lui, l’argent versé à la clinique par Hong (ou ses parents) était, en puissance, propriété du mari, qui était donc « spolié ». Pire, cet investissement générait l’effet pervers, cette beauté mensongère par laquelle le scandale était advenu. Aussi, à ces 620.000¥ d’honoraires chirurgicaux dont il ordonnait « restitution » à Jian, le juge ajoutait 20% d’intérêts au fil des années du mariage.

Lors de sa délibération, on peut imaginer que le juge ait été influencé par une enveloppe rouge, confortablement rembourrée. Mais on devine aussi une forme de parti-pris ou de solidarité masculine. Le verdict ignorait superbement quelques vérités simples, telles que : 

– le droit de tout être humain à se montrer à son avantage, y compris sur base d’un effort financier et d’un travail sur soi ;
– les devoirs d’épouse auxquels Hong n’avait jamais failli, le ménage, l’éducation des enfants… toutes choses dont Jian ne s’était jamais plaint ;
– enfin, la soi-disant laideur des héritiers n’altérerait pas leurs chances de réussite sociale. Au contraire, elle les forcerait à compenser en cultivant leurs vertus et talents, faisant d’eux d’excellents artistes, avocats, professeurs ou médecins. Ils éblouiraient leur entourage, non pas par un brillant superficiel -produit du hasard – mais par leur beauté intérieure !

L’histoire toutefois se termine de façon aussi ambiguë qu’elle n’a débuté. Sur internet, ce procès et son issue choqua ou éblouit, selon les cas, des millions d’hommes et de femmes à travers les cinq continents. La société trouva motif à admirer, ou bien à railler une justice nationale capable de forcer une femme à dédommager son mari pour son physique disgracieux. Par milliers, s’accumulèrent les commentaires hilares. 

Suite à quoi les autorités s’inquiétèrent : il y allait de l’image du pays, l’affaire était sérieuse, pensèrent ces censeurs sans malice… Bientôt, avec discrétion, des mesures furent prises. Un rideau fut imposé sur cette scabreuse affaire. Le jugement fut discrètement annulé, ce qui, pour l’épouse, signifia l’annulation de la choquante amende. Enfin, les ex-con-joints furent invités à « trouver un accommodement » – qui, selon la loi, devrait plutôt ressembler à une pension alimentaire versée par Jian, au titre des frais d’éducation des enfants. Cette insolite affaire aura émis sa moisson d’enseignements sur le mode dont fonctionnent certains couples, ainsi que sur le jeu complexe de pouvoirs -et de contrepouvoirs – judicaires au Céleste empire.


Chiffres de la semaine : 60% de consommateurs, 35 millions d’euros de sponsors, 77% d’internautes contre…

Daigou Agent Luxe60% des consommateurs de produits de luxe en Chine ont déjà fait appel à un  » dàigòu » (代购), agent à l’étranger (Hong Kong, Japon, Corée ou même en Europe) pour leur shopping (selon Bain). Ces agents, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux comme Weibo et WeChat, tiendraient plus de 240 000 boutiques virtuelles sur Taobao. 

En effet, la Chine impose une taxe standard de 17% sur les produits de luxe, qui peut grimper jusqu’à 50% pour les cosmétiques notamment.
Résultat : un même sac de voyage pour homme de la marque Louis Vuitton, coûte 935€ dans une boutique parisienne contre 1447€ en Chine (+35%) ! Anecdote des douanes de Shenzhen : un daigou aurait passé la frontière avec Hong Kong 26 fois une seule journée !

Rush à Hong Kong

Ainsi, les Hongkongais ont vu l’an dernier 41 millions de Chinois débarquer sur l’île, notamment pour faire ces bonnes affaires. Les insulaires seraient seulement 28% à voir d’un bon œil, leurs voisins du continent

De nouveaux sponsors pour la Super League de football…

35 millions d’euros : c’est la somme que va recevoir la Chinese Super League (équivalent de la Premier League ou de la Ligue 1) en sponsoring

Depuis la victoire du club Guangzhou Evergrande (entraîné par Marcello Lippi depuis mai 2012) contre le FC Séoul en novembre dernier, à la Ligue des Champions d’Asie (AFC), la Super League voit les sponsors revenir comme l’assureur Ping An qui sera sponsor principal (17 millions d’euros seront versés chaque année jusqu’en 2018, contre 7,5 millions seulement pour l’ancien sponsor Wanda), la bière Carlsberg, le JD.com, Samsung, et China Auto Rental – pour un montant total doublé par rapport à l’an passé. 

…et un nouvel entraîneur pour l’équipe nationale !

Alain Perrin Entraineur Football ChineCôté national, c’est le Français Alain Perrin de 57 ans (cf photo – ancien entraîneur de Troyes, Marseille, Lyon, Saint-Etienne, de clubs quataris, puis de leur sélection nationale) qui entraînera la « Grande Muraillle », annonçait le vice-président de la Fédération (CFA – 26/02) avec pour objectif la Coupe d’Asie en 2015 en Australie.

Pourtant, cette décision ne convainc pas les internautes qui, selon un sondage sur le portail Sina, sont 77% à penser que ce n’est pas le bon moment pour changer de sélectionneur (l’espagnol José Camacho avait été limogé courant 2013, et avait porté plainte depuis).


Rendez-vous : Les rendez-vous de la semaine du 3 au 9 mars 2014
Les rendez-vous de la semaine du 3 au 9 mars 2014

3-5 mars, Shanghai : Intertextile / Yarn Expo, Salons des textiles d’ameublement et des fils et tissés

<p>3-5 mars, Shanghai : SPORTEL Asia – Convention int’le sur le sport à la télévision

4-7 mars, Pékin : Build+Decor – Salon des matériaux de construction et de décoration

4-6 mars, Shanghai : PremiereVision China, Salon des textiles d’habillement

6-8 mars, Shanghai : China Agrochemical & Crop protection / FShow, Salons international de l’agrochimie et de la protection contre les maladies des plantes, et Salon des engrais

6-9 mars, Canton : South China Dental, Salon et Conférence des équipements dentaires 

6-9 mars, Tianjin : CIAI China : Salon des technologies de l’automation industrielle