Dans la vie courante, la Chine rêve d’Amérique, mais en fait de sport, et de football, c’est vers l’Europe qu’elle se tourne. Pour assister à l’Euro 2016 en France, entre 5000 et 10 000 supporters chinois auraient fait le déplacement.
On voit aussi se multiplier les signes d’engouement pour le ballon rond. Les investissements s’accumulent pour faire enfin de l’Empire du Milieu une puissance footballistique – la Chine est pour l’instant au 81ème rang mondial. Jusqu’en mars, durant le mercato d’hiver, les clubs de la Super League (中超联赛, zhōng chāo liánsài ) avaient fait une razzia sur des joueurs européens ou latino-américains pour 230 millions d’€ – record historique.
Ce flux d’emplettes, loin de tarir, monte en puissance, soutenu par l’Etat : Xi Jinping prépare le pays à une « société du spectacle », prochaine étape de développement. Une fois nantie en emplois et revenus, la Chine, pour rester stable, va réclamer jeux et loisirs.
D’ici 2025, le Conseil d’Etat mettra 5 milliards de ¥ dans les sports nationaux, montants optimisés par l’élimination des barrières provinciales et le soutien aux fonds privés. En deux plans quinquennaux, le marché sportif chinois, selon eCapital Corp, doit gagner 20%/an en chiffre d’affaires et faire en 2025, 1600 milliards de ¥ (242 milliards de $) en recettes de matchs, services, droits TV et produits dérivés.
LeTV, fournisseur de contenu internet, verse 2 milliards de ¥ pour 50% du Guoan, le club de football de Pékin. En septembre 2015 il s’assurait 20% des parts de World Sport Group de Singapour, détenteur des droits des matchs de la Confédération Asiatique de Football. China Sport Media, groupe d’Etat, vient d’emporter cinq ans de droits télévisés des matchs de Super League (2016-2020), pour 8 milliards de ¥, centuple du prix payé pour l’année 2015 (80 millions de ¥).
Shanghai prépare son 3ème stade, après ceux de Hongkou (35.000 places) et Jinshan (20.000 places). Le nouveau stade de Pudong pourra accueillir 50.000 aficionados dès 2019, peut-être pour la Coupe du monde des clubs de la FIFA, événement qu’elle brigue. Il sera aussi le repère du SIPG (Football Club International des Ports de Shanghai).
La Chine se met aussi en chasse des clubs européens à racheter. Ces repreneurs renforcent leur visibilité dans l’Empire du Milieu, et promettent ainsi des transferts vers la Chine, de talents, d’entraîneurs ou de joueurs à l’avenir.
Sur la côte d’Azur, l’OGC Nice, au pied du podium de la Ligue 1, est repris à 80% par Plateno Group, 4ème groupe hôtelier mondial et leader chinois (3000 hôtels) – J.P. Rivère, son président, sauve son poste pour 3 ans et conserve 20% des parts. Les nouveaux patrons, dont Chien Lee et Alex Zheng, se promettent de développer le club en Chine.
Suning, le géant du commerce de matériel électronique, débourse 270 millions d’€ pour 70% de l’Inter de Milan, tandis qu’un mystérieux investisseur entre en négociations exclusives pour la reprise de l’AC Milan, l’autre « squadra » du poumon économique italien. Sur l’identité du repreneur, on cite les noms de Jack Ma (Alibaba) ou bien de Robin Li (Baidu). Ici, le tarif friserait les 700 millions d’€.
Outre-manche, un halo de brume entoure le Liverpool FC. SinoFortone, groupe semi-public d’investissement débourse plus de 20 milliards de $ sur divers projets de transports, d’énergie et de logement entre Angleterre, Ecosse et Pays de Galles. Ce groupe serait en train de mettre 700 millions de £ sur la table pour le club. Mais l’actuel propriétaire, Fenway Sports assure que « le club n’est pas à vendre ». Qui dit vrai ?
Aston Villa par contre, club des Midlands qui a connu des jours meilleurs, était en vente depuis 2014. Il est racheté pour 60 millions de £ par le milliardaire chinois Tony Xia, étoile filante industrielle, diplômé de Harvard, du MIT et d’Oxford. Sous sa houlette, l’Aston Villa tentera de remonter en Premier League, après sa relégation la saison passée.
De plus, le China Football Summit 2016 se tenait les 26 et 27 mai à Shanghai (Chongming), où Alibaba négocia les conditions de son sponsoring pour 8 ans à la FIFA, accord signé fin 2015. En mars 2016, Dalian Wanda Group devenait également sponsor pour 150 millions d’€ pour 4 ans.
Fosun, le géant d’affaires, créait avec l’agence portugaise Gestifute, une filiale en JV « Foyo », pour placer les espoirs chinois dans les clubs étrangers.
Et surtout, Jin Xin, JV entre Baofeng et Everbright Securities, s’offrait pour un milliard de $, 65% de MP & Silva, l’agence italienne de diffusion TV d’événements sportifs dans 215 pays, le n°1 mondial.
Enfin, les semaines qui viennent, les affaires continueront avec le mercato d’été ! Les premiers rachats de joueurs (Arouna Koné, Steven Pienaar) se dessinent.
Avec tant de fonds chinois à miser, une pompe à ballons ronds s’est amorcée entre Europe et Chine, et elle n’est pas prête de s’enrayer.
Sommaire N° 23 (2016)