Politique : La longue marche d’ici le 20ème Congrès

La longue marche d’ici le 20ème Congrès

Il ne reste que six mois avant l’ouverture du XXème Congrès du Parti, rendez-vous politique crucial puisqu’il devrait avaliser la reconduction du Président Xi Jinping à la tête du pays, en rupture de toutes les règles préétablies depuis quarante ans.

Jusqu’à présent, la « réélection » du dirigeant était considérée comme une chose acquise, particulièrement depuis le passage en novembre dernier d’une 3ème « résolution historique » censée asseoir la légitimité de Xi en le démarquant de ses deux prédécesseurs immédiats (Hu Jintao et Jiang Zemin).

Cependant, au fur et à mesure que l’échéance du XXème Congrès approche, les choses se compliquent pour le « leader du peuple » au bilan en demi-teinte. Son interminable lutte contre la corruption a tué tout esprit d’initiative chez les cadres, ses nouvelles routes de la soie (BRI) sont en panne, son expansionnisme militaire a tendu les relations avec les pays voisins, sa diplomatie « guerrière » a mauvaise presse à l’international, son soutien indéfectible à Vladimir Poutine est risqué, sa victoire autoproclamée contre la grande pauvreté est fragile, sa reprise en main du secteur privé (géants de la tech, immobilier, cours privés, jeux vidéo…) a mis des millions de Chinois au chômage, ses concepts de « circulation duale » et de « prospérité commune » rencontrent d’importantes difficultés, et enfin sa stratégie « zéro Covid » est de plus en plus contestée. Mais ce n’est pas tant le mécontentement de la population qui menace Xi Jinping, que les dégâts économiques provoqués par les restrictions sanitaires. Certains experts évoquent déjà la possibilité d’une récession au second trimestre. Même si l’équipe dirigeante multiplie les messages rassurants, la situation peine à décoller faute de mesures concrètes. En attendant, le constat est sans appel : sans changement (ou assouplissement) de la stratégie sanitaire actuelle, point de salut pour l’économie chinoise.

Et c’est bien là le plus inquiétant aux yeux d’un Parti qui a tiré l’essentiel de sa légitimité du développement économique du pays. A en croire des sources citées par le WSJ, la gouvernance de Xi Jinping, plus portée sur l’idéologie que sur l’économie, susciterait des doutes grandissants au sein de l’appareil.

Cet entêtement pourrait-il coûter à Xi Jinping son 3ème mandat ? Hors frontières, le moulin à rumeurs, savamment orchestré par les différentes factions politiques, s’emballe : dans un scénario, une coalition interne s’opposant à la « réélection » de Xi Jinping l’aurait forcé à abdiquer pacifiquement tandis que le Premier ministre Li Keqiang deviendrait calife à la place du calife (une théorie appuyée par la publication le 14 mai d’un long discours du n°2 dans la presse officielle, chose rare) ; dans un autre, l’actuel Secrétaire général serait contraint d’abandonner tous ses postes mais resterait le leader suprême, à la manière de Deng Xiaoping…

Cela ne veut bien sûr pas dire que l’un ou l’autre de ces scénarios deviendra réalité. Au contraire. Le leader a tellement consolidé son pouvoir durant la dernière décennie qu’il faudrait une véritable catastrophe (pire que l’apparition d’un nouveau virus à l’origine d’une pandémie mondiale) pour remettre en cause son leadership. D’autant plus que bon nombre de hauts dirigeants soutiennent la ligne « dure » prônée par Xi.

Néanmoins, la position du Secrétaire général du Parti n’a jamais semblé aussi fragile qu’aujourd’hui. Un « passage à vide » qui pourrait le forcer à faire quelques concessions à ses opposants, à la manière de Mao après son ruineux Grand Bond en avant. En conséquence, Xi pourrait ne plus être en mesure de promouvoir ses alliés à certains postes clés, ce qui reviendrait à perdre un peu de son pouvoir. Le premier sur la sellette est Li Qiang, secrétaire du Parti à Shanghai, qui pourrait éventuellement se voir privé du poste de Premier ministre pour lequel il était pressenti.

C’est dans cette brèche que l’actuel Premier ministre Li Keqiang, ex-secrétaire de la « ligue de la jeunesse » (comme l’ancien Président, Hu Jintao, et le Président de la Cour Suprême, Zhou Qiang), cherche à s’engouffrer. Après dix ans passés dans l’ombre de Xi Jinping, le patron du Conseil d’État qui cèdera sa place en 2023, a exprimé publiquement à de multiples reprises ces derniers mois son inquiétude au sujet de l’économie, de l’emploi, de la pénurie d’électricité, des inégalités…

Grâce à son influence « retrouvée », il aurait obtenu un peu de lest pour les géants de la tech, un léger assouplissement des restrictions imposées aux promoteurs immobiliers, ou encore la reprise sous conditions de nombreux industriels à l’arrêt… Des petites victoires qui ne changeront pas le tableau général de l’économie chinoise.

En parallèle, le n°2 chercherait également à orienter la sélection de son successeur de manière à offrir un contrepoids à Xi Jinping. Reste à voir si ses efforts bénéficieront à ses alliés, à savoir Wang Yang, actuel n°4 et Hu Chunhua, vice-premier ministre. La sélection finale de la composition du Comité Permanent sera décidée à huis clos lors du conclave balnéaire de Beidaihe en août prochain. D’ici là, les rumeurs, les luttes intestines et la campagne « anti-corruption » pourraient bien s’intensifier.

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