Petit Peuple : Zhengzhou (Henan) – La révolution de Su Min

Zhengzhou (Henan) – La révolution de Su Min

Toute sa vie, Su Min a cherché les joies simples du partage, mais s’est retrouvée repoussée par ses proches.

Née en 1968 à Qamdo au Tibet, elle passa son enfance à 3280m d’altitude. Ses parents traditionalistes lui avaient vite fait comprendre que fille, elle valait moins que les garçons. A 10 ans, elle devait accompagner ses deux petits frères à l’école, puis au retour, les laisser s’amuser à dévaler la colline enneigée – elle devait garder les cartables puis de retour, laver les pantalons sales. Telle ambiance infantilisante l’empêchait de grandir : à 13 ans, la découverte d’un mot doux dans ses affaires l’affola : elle le remit au maître, qui punit le garçon, coupant ainsi court à l’amourette. Ce message serait la seule lettre d’amour de toute sa vie.

En 1983, ils repartirent pour Zhengzhou (Henan). Elle pouvait espérer une fin d’adolescence sous ces cieux plus cléments. Mais ses parents, ses frères continuaient à la traiter en semi-domestique, la faisant rêver d’évasion. En 1986, après le gaokao réussi de justesse (la faute aux corvées familiales qui l’avaient empêché de bien réviser), elle s’enticha d’un camarade de classe, Li Weimin. Doué au ping-pong, il avait gagné quelques tournois, lui donnant la stature d’un athlète. Son tempérament taciturne pouvait le faire passer pour un beau ténébreux. Lui cependant savait repérer un être sans défense, bientôt à sa merci. Aussi il lui avait proposé le mariage.

À peine mariés en 1990, à 22 ans, Weimin obtenait pour eux deux un job dans une usine d’engrais. Mais elle devait vite le constater, elle n’avait fait que troquer une servitude pour une autre. Désormais, Weimin n’exprimait envers elle qu’indifférence, mépris et bientôt violence. En plus de sa tâche à l’usine, elle devait s’acquitter des courses, de la cuisine, du lavage, repassage et ravaudage du linge, du nettoyage de la chambre. La vie entière devait être à son diapason à lui : le soir, la commande de la TV n’était que dans sa main, zappant de matches sportifs aux journaux télévisés, tandis que les repas devaient se centrer sur le poisson et des recettes fades– tant pis pour elle qui adorait les plats pimentés.

En 1991 naissait leur fille Huahua, et un an plus tard, la boîte ayant fermé (le recasant, lui seul, ailleurs), elle se retrouvait mère au foyer. Bientôt, Weimin se mit à lui réclamer des comptes : à la fin du mois, toutes les dépenses de la maison devaient être justifiées jusqu’au moindre « fen », suite à quoi il la punissait en coupant le denier du ménage. Il la critiquait sur tout et dans la rue, la laissait marcher devant avec sa fille, se tenant à distance. Par ses manœuvres insidieuses, il démolissait ainsi sa confiance et son estime de soi. En 1997, quand la petite partit pour le pensionnat, il déserta le lit conjugal pour occuper sa chambre.

Ce départ cependant libérait Su Min de sa charge de mère. Elle se remit à chercher à s’occuper, prenant au fil des ans tous les jobs à portée, couturière, balayeuse, serveuse ou livreuse de journaux. C’était sa dernière tentative, désespérée, pour reconquérir l’estime du mari en gagnant de l’argent, puisque seule cette valeur semblait compter pour lui. Mais en même temps, elle apprenait à se protéger : son salaire, elle le gardait pour elle, et ne faisait les commissions que s’il lui donnait l’argent. Quand il le refusait, prétextant ses dépenses « folles », elle faisait la grève de cuisine. Seul lui avait un compte en banque : un jour qu’elle avait acheté sur sa carte de crédit, des médicaments pour sa mère malade, il se prit d’une violente colère et la frappa, avant de changer – sans l’en avertir- le code confidentiel. Dès lors, le couple ne se parla plus guère.

En 2012, Huahua revint vivre parmi eux, avec son mari. Weimin dut alors réintégrer la chambre matrimoniale, mais en dormant dos à dos. Une question lancinante revenait chez Su Min : « Pourquoi me détestes-tu ainsi ? ». Il répondait par cette triste boutade : « mais tu t’es déjà regardée ? ». Elle soupçonnait que la vraie réponse soit toute autre, liée au fait qu’elle lui ait donné une fille au lieu du garçon attendu. Mais même quand Huahua en 2013 accoucha de deux beaux garçons, tout ce qu’il trouva à faire, fut de reprocher à Su Min ses baisers : ils risquaient de les contaminer !

Un jour qu’elle était sortie dîner avec ses anciennes copines, il pénétra soudain au restaurant, le regard halluciné pour s’écrier à la tablée : « ma femme a des accès de folie… faut pas la croire… si elle vous réinvite, ignorez-la ! ». Après le départ de ce mari si « fourbe et machiavélique » (鬼鬼祟祟, guǐ guǐ suì suì), les copines abasourdies lui suggérèrent de divorcer, mais elle ne répondit que d’un pauvre sourire – chez ces gens-là, on ne divorçait pas ! À présent qu’elle avait abandonné tout espoir en lui, elle se prit à détester tout de lui, jusqu’à son odeur. Il était temps de trouver quelque chose à faire pour refaire sa vie !

Un jour de 2018 sur internet, elle trouva un témoignage de feu, l’exemple d’une autre mal mariée, qui avait trouvé la solution. En un éclair de détermination géniale, elle résolut d’en faire de même. C’était pour elle l’occasion de saisir à bras le corps tout ce qui lui avait manqué toute sa vie, amitiés, rencontres, autonomie, décision… En même temps, cela faisait d’elle une célébrité nationale. Quel était ce chemin ? Un peu de patience ami lecteur, jusqu’au prochain épisode !

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1 Commentaire
  1. severy

    La solution?
    Elle a changé de sexe, elle s’est inscrite au Parti d’en rire, elle a foutu le feu au lit de son mari, elle se gave d’ail et fait fuir son bourreau dès qu’elle ouvre la bouche, elle s’est coupé les cheveux, se grime en homme et suit des cours de kung-fu dans un temple shaolin, elle est devenue dompteuse de chauves-souris à mi-temps au labo P4 de Wuhan, elle est cobaye volontaire dans la station spatiale chinoise (pas d’eau, pas d’oxygène, pas d’électricité mais les pensées de Mao, de Deng, de Jiang Zemin et de Xi pour tenir le coup dans la joie et la douleur, comme dirait Trénet).

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