Plus qu’un sommet, la rencontre entre quatre diplomates du Tibet extérieur et du Département du Front uni (Shenzhen, 4/04) fut une reprise de contact.
Depuis 2002, Lodi Gyari et Kelsang Gyaltsen côté tibétain, Zhun Weiqun et Sitar côté parti communiste chinois avaient connu six rencontres, toutes infructueuses. Cette fois, Jeux Olympiques obligent, Pékin voulait convaincre de sa bonne foi. La rencontre n’est plus secrète mais au grand jour : concession forte, vu la qualité de l’interlocuteur, gouvernement en exil d’une ethnie réunifiée à la patrie par les armes. Avant la rencontre, le Président Hu Jintao espérait un «bilan positif », et rappelait que « la porte du dialogue était ouverte ».
Après coup, les deux camps affichent la satisfaction -le soulagement. Lodi décrit une ambiance de franc-jeu inattendue. Manifestement, des offres ont été faites. Une 2de rencontre est convenue, qualifiée de « formelle ». Et ce n’est qu’un début, promet Pékin!
Pourtant, apparemment, de part et d’autre, on a parlé clair. Les Tibétains ont exigé, libération des prisonniers, droit de visite, même de la presse étrangère, et la fin des campagnes de rééducation.
Apparent paradoxe, Pékin en même temps forçait le ton contre le Dalai Lama, accusé de «crimes monstrueux», de chercher à «noircir son nom» ou d’être l’agent des USA pour isoler la Chine, la diviser ou mener des attaques terroristes. La propagande dénonçait un Tibetan Youth Congress comme fer de lance de la clique du 14ème Dalai… Mais ces accusations manquent de cohérence et donc de crédibilité : en Chine, en cas de palabres avec un adversaire, il est classique de renforcer les attaques verbales, pour se protéger, face à sa propre opinion intérieure, en cas d’échec.
Il serait vain de chercher à deviner ce qui, de part et d’autre, fut proposé. Mais il reste évident que si Pékin parvenait à inviter le Dalai avant l’été, la perspective des JO en serait bouleversée et bonifiée. Ce qui suppose, de la part du Dalai, de « sauver la mise » du Parti communiste chinois, moyennant évidemment de fortes concessions…
La brise printanière fut « inspirée » par les pays de l’Ouest, en connivence ou non. Mais en tout état de cause, elle fut la décision souveraine de Pékin, entre ses colombes et ses faucons.
Signe d’embellie, on vit le 1/05 le Tibet rouvert au tourisme -chinois, pour commencer. Décision préparée par les procès bâclés, mais aux verdicts (cf VdlC n°15) moins lourds que ce qu’on aurait attendu de la justice socialiste, face à des faits de cette gravité : 19 morts officiels, (203 selon le Dalai), 7 écoles détruites, 5 hôpitaux, 120 logis, 908 échoppes).
Puis après des mois de tractations, l’Orchestre philharmonique national s’est produit au Vatican devant le Pape (7/05, Requiem de Mozart au programme!) : laissant deviner que la normalisation recherchée avec le Tibet s’inscrit dans le tournant, en cours, de toute la politique religieuse du parti communiste chinois !
Sommaire N° 16