1ère salle des ventes sur la toile chinoise, Taobao voit défiler de bien étranges offres.
Le 20/3 depuis Jiaxing (Shanghai), Sun, 24 ans, offrit son âme à l’encan. Les choses démarrèrent doucement. Après trois jours, seuls 25 joueurs avaient fait monter l’âme à 31¥ : on s’inquiétait de la nature du produit. Avec bonne volonté, Sun répondit qu’il comptait livrer sa photo, son CV et ses poèmes d’enfance. Mais pourquoi, en Chine au XXI ième siècle, vendre son âme ?
« Quand j’étais jeune, fit-il, je lavais mon âme tous les jours. Un jour, j’oubliai. Des années après, je la retrouvai fripée, et réalisai que n’en avais plus besoin. Mais ‘tu si gou peng : quand le lièvre est mort, on mange son chien’ 兔死狗烹 : je peux encore en tirer profit»…
Chez Taobao, on réfléchissait. Qui était ce Sun? Un provocateur ? Un illuminé? En tout cas, son offre commençait à mousser, avec déjà 81 enchérisseurs et 681¥. Alors (31/3), peut-être inspiré par un «conseil supérieur amical», Taobao décida de retirer l’enchère: Alibaba, sa maison-mère « n’avait pas de politique sur la vente des âmes »!
Flash-back: en 2005, Yahoo signalait à la police les données d’un internaute qui venait d’émettre un message dissident. Pour cet acte de fidélité, tandis que l’internaute plongeait pour 8 ans, Yahoo recevait le feu vert pour racheter 40% d’Alibaba pour 1MM$. Yahoo vendait ainsi au moins deux âmes – la sienne et celle de l’imprudent surfeur sur le Styx électronique.
En prétendant faire la même chose un peu plus tard, Sun le naïf, touchait un point sensible, pour Yahoo comme pour le régime. Il exposait un fondement de cette société post socialiste – où tout s’achète et tout se vend. Il désignait aussi un défaut de la cuirasse : et si l’âme existait ? Censure ou pas, Sun a fait affaire : l’enveloppe de son âme est partie —prix et destinataire, tenus secrets !
Sommaire N° 14