Petit Peuple : Un naufrage compensatoire

• Les enfants, comme les jeunes femmes, se kidnappent et se vendent toujours bien: une opération policière sur 5 provinces de la côte, a permis de retrouver 23 chiens perdus sans colliers,( tous des garçons, dont on avait tiré 7 à 13000Y par tête), et 13 ravisseurs. Les enquêteurs auraient droit à un plus grand bravo encore, s’ils avaient abouti plus vite -certains gosses avaient été enlevés à 3 ou 4 ans, 10 ans plus tôt.

• les paysans de Taiwan ressemblent plus à ceux de Bretagne, qu’à ceux de Chine : 1500 d’entre eux viennent de déverser par sacs de 50 kg des noix de bétel, devant l’entrée du tout puissant groupe Formosa Plastics.

Raison: son Président, Wang Yun-ching, subventionne la campagne anti-bétel du ministère de la Santé.

Macérée et enveloppée dans une feuille avec un rien de chaux vive (excellent pour déchausser les gencives), cette noix mâchée, des heures durant, est populaire dans l’île -où elle fait vivre, selon le lobby des bételiers, 30 000 familles.

• Vu son prix, elle ne sera pas pour le petit peuple, cette série de représentations de l’opéra «Turandot» de Puccini à la Cité Interdite, du 8 au 13 septembre. Tout ce que le monde des arts, de plus célèbre au monde a été recruté:

des cantatrices comme Barbara Hendricks, Zubin Mehta au pupitre de l’orchestre de l’Opéra de Florence, le cinéaste Zhang Yimou à la mise en scène, un ingénieur du son de l’opéra de Vienne avec ses merveilleuses machines, 1000 danseurs et choristes… Le prix des places sera de 200 à 1000 yuans pour Chinois impécunieux (2 représentations spéciales), de 150 à 1200USD pour étranger – ce dernier prix, donnant droit à un dîner en tenue de soirée, où l’on pourra côtoyer, voire parler à l’une ou l’autre de ces braises du feu du grand monde.

• Largement relatée dans la presse chinoise des mois derniers, l’odyssée du Jiangya, paquebot disparu en décembre ’48 au large de Shanghai, est plus intéressante pour sa valeur symbolique que pour les faits historiques décrits. Par la manière dont elle est contée par nos collègues chinois, elle apparaît comme un remake, peaufiné jusque dans les plus menus détails, du naufrage du Titanic. Non point de la «vraie» tragédie de la nuit d’hiver 1912, mais du film de Hollywood, qui continue à connaître, ici, un succès considérable -même Jiang Zemin s’est acquitté d’un hommage public à son endroit.

On y retrouve les mêmes personnages (l’apprenti ayant attendu jusqu’au dernier coup de sirène pour pouvoir acheter son billet de 4ème pont, l’héroïne sauvée au dernier moment par un autre bateau, le héros se sacrifiant pour sauver sa bien aimée), les mêmes scènes (le repas somptueux avec les officiers, que l’on oppose à l’humble souper des prolétaires, bol de riz et radis fermenté; la mer constellée de bagages et de moribonds geignants).

On pourrait reprocher à ses auteurs, d’avoir un rien forcé cette assimilation entre deux drames aux différences évidentes: il ne s’agissait pas d’une «croisière», mais d’une fuite de gens tentant de quitter Shanghai devant l’avancée de l’APL. Et le «paquebot de luxe» était un caboteur à vocation fluviale -non dessiné pour la haute mer. Mais qu’importe: la valeur onirique du rapprochement est importante, permettant de démontrer que la Chine, comme l’Occident, a eu son «Titanic». La presse démontre même comment le naufrage chinois a battu son modèle, sous deux chapitres: le nombre de morts (2400, soit quelques centaines de plus que le «steamer» britannique), et le fait pour la Chine d’avoir renfloué, réparé son «Jiangya» en 1956, et de l’avoir fait remonter jusqu’à Wuhan, où il poursuit une vaillante carrière de club des marins d’eau douce – chose que même l’Occident, avec son titan marin, n’avait pas su faire.

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